LE QUOTIDIEN : Depuis le début de la crise sanitaire, quelles sont les remontées des étudiants auprès du Centre national d'appui ?
DR DONATA MARRA : Ces remontées de terrain sont très nombreuses. Certains témoignages sont d’ordre général comme l'impression d'être dans un tunnel, ce qui correspond à la sensation de toute la société. Mais d'autres sont très spécifiques aux étudiants en santé, par exemple sur la question des stages qui ne sont plus exactement ce qu'ils devraient être car les étudiants sont réaffectés là où il y a des besoins.
Autre exemple, des instituts de formation en soins infirmiers [IFSI] ont fermé leurs portes pour envoyer des étudiants répondre aux besoins des services hospitaliers. Tous ces changements provoquent chez les jeunes des questions légitimes et des inquiétudes sur leur formation : sera-t-il possible de tout rattraper ? Va-t-on y arriver ?
Le passage au « tout numérique », notamment des cours, montre également ses limites. Les étudiants en première année ont déjà passé plus de six mois à suivre des cours digitaux… Déjà, ils n'avaient pas passé leur Bac et sont arrivés à l'Université sans connaître les codes. Et puis rebelote ! Ils suivent de nouveau tous leurs enseignements à distance et sans contacts sociaux. C’est très difficile. À cet égard, la fermeture des bibliothèques universitaires a aussi eu un impact sur le bien-être des étudiants. La BU est un lieu de vie, d'échanges et de soutien, notamment pour les étudiants préparant leur concours. Cela leur manque énormément !
Que recommande le CNA aux professionnels de santé dans les services ?
Pendant cette période compliquée, il faut un maximum de compagnonnage dans les services. Or, hélas, il y a souvent un manque de temps pour s’y consacrer. Aujourd'hui, il est très important que les étudiants se sentent intégrés dans les équipes de soignants et ce n'est malheureusement pas le cas partout. Quand on affronte des difficultés, faire corps avec une équipe cela change la manière dont on vit ces difficultés.
C’est pourquoi le CNA organise des formations pour accompagner les enseignants, les représentants d’étudiants ou directeurs d'IFSI à répondre aux difficultés des étudiants à l'Université ou lors des stages. Nous proposons aussi des séminaires, par exemple sur la bientraitance et les maltraitances, sur l’impact des programmes et méthodes pédagogiques sur les étudiants. Dans nos formations, nous avons ajouté un volet "pandémie", en plus d’autres qui étaient prévus, comme la communication, l'encadrement en stage, la nécessité de privilégier le présentiel en enseignement lorsque c'est possible…
Et pour les internes, notre formation est ouverte à tout représentant d'interne qu’il participe ou non à un dispositif de « SOS internes ». Ils peuvent avoir besoin de clés pour répondre aux difficultés et angoisses de leurs pairs sur leur projet professionnel, le droit au remords, la manière d'aborder ce sujet avec son coordonnateur. La formation propose aussi un focus "burn-out" pour connaître les signes qui doivent alarmer chez les internes et les convaincre si besoin de se faire aider par un professionnel, psychologue ou psychiatre.
Quelles sont les perspectives pour le CNA ?
Nous avons fait une enquête pour évaluer l'impact de la première vague et nous lancerons, début 2021, une nouvelle enquête centrée sur les problématiques de la seconde vague. Certains signaux sont inquiétants. Plus de 50 % des étudiants en santé lors de la première vague présentaient des signes de détresse psychologique.
Le CNA proposera une nouvelle formation de 2 heures « à la carte » pour répondre à des demandes spécifiques que ce soit d’une faculté ou d’un IFSI, des étudiants ou des enseignants. Certaines structures locales d’accompagnement des étudiants en santé sont déjà très avancées alors que d'autres n'en sont qu'au début. Lorsqu’un enseignant ou un représentant d’étudiants participe aux formations, il est incité à participer au déploiement des nouvelles ressources en local. L'objectif à terme est de créer un réseau de référents locaux qui connaissent les spécificités du terrain et qui ont des connaissances sur la QVES.
Enfin, nous continuerons d'alerter les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Santé sur les difficultés des étudiants. Ils ont certes des capacités de résilience mais il faut rester en alerte. Ce n'est pas parce que la pandémie va s'arrêter que, du jour au lendemain, tout le monde sera en forme et tournera la page. Certaines difficultés persisteront et s'ajouteront à celles qui existaient déjà chez les étudiants en santé.
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