C’est souvent à l’occasion d’un stress (entrée en 6ème, au lycée) et/ou d’un contexte familial compliqué qu’un adolescent douloureux chronique (migraines et céphalées chroniques quotidiennes, douleurs abdominales, algoneurodystrophie, syndrome d’Ehler Danlos, douleurs dans les suites d’un cancer ou d’une pathologie rhumatologique…) commence à multiplier les absences scolaires. « Les parents souvent trop empathiques, n’arrivent plus à stimuler l’adolescent pour aller en cours. Cela devient très difficile à la maison, explique le Dr Anne Tonelli. C’est en reprenant en consultation l’agenda des absences, que la famille prend conscience de l’impact de la douleur sur la vie de l’adolescent. C’est cet absentéisme scolaire qui doit alerter ; c’est le critère de gravité de la douleur chronique à cet âge. Il faut l’avoir en tête quand on est amené à reconduire des certificats médicaux. »
Une intensité douloureuse non expliquée par la pathologie
« Il est rare que la pathologie explique à elle seule l’intensité de la douleur et surtout son retentissement sur la vie de l’adolescent et de sa famille, remarque le Dr Tonelli. Celui-ci vit replié sur lui-même, inverse son rythme nycthéméral, ne va plus en cours, n’a plus de contact avec ses pairs. C’est l’ensemble de l’équilibre familial qui est modifié. Les parents s’inquiètent, multiplient les avis et les demandes d’examens complémentaires à la recherche d’une cause organique qui pourrait tout expliquer, augmentant ainsi l’angoisse et les douleurs de l’adolescent. C’est une véritable spirale infernale. L’adolescent a peur qu’on ne croie pas à sa douleur, qu’on pense « qu’il est fou », qu’on soit passé à côté d’une maladie grave. Il a souvent entendu : « Vous n’avez rien ! » alors qu’on lui disait « Vous n’avez rien… de grave ! » »
L’hospitalisation en Soins/Études « douleur »
En cas d’impasse, ce peut être une solution pour évaluer la douleur et son retentissement, équilibrer le traitement médicamenteux, proposer des soins psychocorporels, reprendre la scolarité et travailler avec la famille.
L’emploi du temps alterne soins psychocorporels en groupe et en individuel (balnéothérapie, kinésithérapie, relaxation, sophrologie, hypnose, Tai Chi Chuan, art-thérapie, suivi psychologique) et études (emploi du temps allégé adapté à l’étendue de la déscolarisation en classe en petit effectif). L’effet cadrant et rassurant du service, l’éloignement de la problématique familiale, le contact avec les pairs douloureux ou non, le travail avec la famille et la reprise de la scolarité sont des éléments moteurs de cette hospitalisation. « Cette prise en charge d’adolescents demande une grande expertise de l’équipe soignante du service et des enseignants de l’Éducation Nationale qui travaillent auprès de ces patients (la clinique Rist bénéficie d’une annexe pédagogique du lycée Claude Bernard). Au fil de l’hospitalisation, la douleur devient moins prégnante, l’adolescent apprend à vivre avec et malgré la douleur », explique le Dr Tonelli.
Retour d’expérience
Sur la période de septembre 2011 à avril 2014, une analyse rétrospective des dossiers et du devenir de 45 adolescents hospitalisés dans le service du Dr Tonelli ayant bénéficié d’un projet Soins/Études « douleur » a été effectuée. À l’entrée dans le service, deux tiers des adolescents sont des filles, la moyenne d’âge est de 15 ans (11,5-22), le score d’intensité douloureuse très important (29 adolescents ont un EVA à 6 ; 10 un EVA à 8), l’ancienneté de la déscolarisation est supérieure à 2 mois (29 adolescents), voire à un an (n = 6) et le bilan somatique normal dans 70 % des cas (n = 33).
À leur sortie, les symptômes douloureux diminuent (29 adolescents), la scolarité est reprise (n = 32) et 6/8 réussissent un examen scolaire. Sur les 18 adolescents interrogés à 3 ans, 11 ont une amélioration des symptômes douloureux, 15 poursuivent leur scolarité.
« Les résultats sont encourageants mais nécessitent toutefois une étude de plus grande envergure du fait du faible nombre de patients et du faible recul », conclut le Dr Tonelli.
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