Jamais le monde de la santé n’aura autant parlé du numéro d’appel d’urgence 112 mais jamais également autant de désinformation n’aura été diffusée à ce sujet.
Le 112 a été créé en 1991 par l’Union européenne pour que chacun de ses citoyens connaisse le numéro à composer en cas d’urgence. Certains pays ont saisi l’opportunité d’en faire un numéro unique autour duquel l’ensemble des services concernés sont réunis, à la manière d’un 911 nord-américain, accompagné d’un autre numéro offrant l’accès H24 au système de santé.
La France n’a pas fait ce choix et le 112 n’y est déployé qu’a minima, comme un numéro subsidiaire, aboutissant le plus souvent chez les sapeurs-pompiers ou parfois, dans 14 départements, au SAMU. Nous connaissons donc une juxtaposition de numéros historiques (17, 18 puis 15) très mal articulés puisque l’on continue en 2021 à se dicter des adresses au téléphone malgré 20 ans de promesses d’interopérabilité.
Que devons-nous construire autour du 112 ? Un centre de réception des appels « aux secours » de toutes natures au sein duquel l’ensemble des services chargés d’apporter une réponse aux situations d’urgence, parmi lesquels les SAMU, pourraient coordonner leurs actions plutôt qu’agir en ordre dispersé.
Le 112 n’a en revanche pas vocation à recevoir tous les appels de santé, il doit s’accompagner d’un numéro destiné à recevoir les demandes de conseils médicaux et de soins non programmées. Ce numéro existe déjà et il est également européen : le 116 117, installé en France début 2017, déjà testé dans 3 régions, devrait être adopté par le service d’accès aux soins (SAS) : ce SAMU rebaptisé, aux ambitions élargies aux soins non programmés dont nous attendons beaucoup.
Hélas, les représentant des SAMU s’opposent par principe à de telles plateformes communes et considèrent que la nature de leur activité les oblige à demeurer à distance des services de secours : ils plaident pour un SAS isolé à l’hôpital alors même que la réponse des centres 15 repose pour bonne partie sur les sapeurs-pompiers. Ainsi, face à un arrêt cardiaque, le temps perdu à dicter une adresse est une vraie perte de chance : il n’est pas raisonnable de recevoir les appels les plus urgents sans disposer in situ de la réponse opérationnelle.
C’est ainsi que lorsque le Président de la République a exprimé en octobre 2017 le souhait de simplifier ce système autour du numéro 112, le président de l’association SAMU-Urgences de France désignait « les légions du 112 » comme ses adversaires dans « la mère des batailles ». Le ton était donné : le débat ne serait pas rationnel mais uniquement dogmatique.
Le système des années 1980 doit évoluer
Première contre-vérité, le 112 ferait disparaître la régulation médicale : affirmation purement alarmiste destinée notamment à effrayer les assistants de régulation médicale et à inspirer quelques mouvements sociaux. Personne n’a jamais souhaité supprimer la régulation médicale, il s’agit au contraire de la rapprocher de ses partenaires.
On dit également qu’il serait périlleux de confier à l’appelant le choix de déterminer l’urgence de sa situation (112 ou 116 117 ?) et que toutes les demandes devraient donc passer par le filtre préalable d’un assistant de régulation médicale. C’est considérer que les médecins généralistes seraient incapables de réorienter une urgence (AVC, IDM…) qui se présenterait sous des signes d’apparence banale ; c’est à la fois méprisant et prétentieux.
Ceux qui prétendent enfin, sans autre argument que celui d’autorité, que le 112 viendrait surcharger les urgences hospitalières sont les mêmes qui y orientent les patients pris en charge par les sapeurs-pompiers qui leur transmettent les bilans de leur intervention.
Le duo 112 et 116 117 n’est donc pas une menace mais bien une opportunité pour le monde médical. Le système des années 1980 doit évoluer et les militants d’un entre-soi dogmatique ne sont pas ses meilleurs guides.
Exergue : On continue en 2021 à se dicter des adresses au téléphone malgré 20 ans de promesses d’interopérabilité
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