Merryl Mackenzie, directrice du Africa Mercy : « Je gère une équipe hospitalière de 15 à 18 nationalités différentes, et ça marche ! »

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Publié le 24/10/2024
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Toute la semaine, « Le Quotidien » pose ses valises à Madagascar, sur le pont du Africa Mercy, navire-hôpital de l’ONG Mercy Ships. Rencontre avec sa directrice Merryl Mackenzie, qui coordonne l’ensemble de la chaîne hospitalière de l’établissement avec la foi du volontaire.

Merryl Mackenzie, directrice de l’hôpital de l’Africa Mercy pour Mercy Ships à Tamatave

Merryl Mackenzie, directrice de l’hôpital de l’Africa Mercy pour Mercy Ships à Tamatave
Crédit photo : DR

Un moment de détente sur le pont 7 de l’Africa Mercy pour les patients et les soignants.

Un moment de détente sur le pont 7 de l’Africa Mercy pour les patients et les soignants.
Crédit photo : Mercy Ships

LE QUOTIDIEN : Comment êtes-vous devenue directrice de l’Africa Mercy, le navire-hôpital de Mercy Ships situé à Tamatave, à Madagascar ?

MERRYL MACKENZIE : Je suis australienne et infirmière de bloc opératoire. J’ai eu une première expérience en tant que volontaire en 2007 de deux semaines. Et j’ai renouvelé cette expérience chaque année. En 2017, j’étais alors directrice des services de l’hôpital, toujours en volontaire, et j’ai dû gérer cinq blocs opératoires et le service de stérilisation. J’ai participé à l’installation des blocs opératoires sur le Global Mercy [l’autre bateau de l’ONG, NDLR] qui était alors situé au Sénégal. Depuis janvier 2024, je suis directrice de l’hôpital du Africa Mercy. Je suis en charge de l’ensemble des services de l’établissement sur tout le parcours des soins de nos patients, à savoir le pré et le postopératoire, les services d’hospitalisation, les services support et le Hope Center. Sur cinq blocs opératoires, quatre sont en cours de fonctionnement sur l’Africa Mercy.

Quelles ont été vos motivations pour endosser cette responsabilité ?

C’est sans doute le travail le plus difficile que j’ai effectué dans ma vie professionnelle, mais aussi celui qui comporte le plus de défis. On remarque tout de suite l’impact positif sur la vie des gens qu’on soigne. Le plus gros challenge pour moi est le doublement des capacités hospitalières avec le passage à deux bateaux (le Global Mercy et l’Africa Mercy) en 2024. Je gère une équipe hospitalière de 15 à 18 nationalités différentes (américaine, suisse, australienne, malgache, canadienne, etc.). Normalement, ça ne devrait pas fonctionner, mais ça marche bien, au contraire ! Je dois composer avec le turnover important des professionnels de santé volontaires. Ils nous rejoignent le week-end, sont orientés le lundi pour se familiariser avec les lieux et les équipes, et le mardi ils se mettent à la tâche. Ces professionnels pour la plupart occidentaux font ici face à des cas qu’ils n’ont jamais eus à gérer dans leur établissement d’origine, avec des patients qui faute d’accès aux soins ont souvent dû attendre des années, voire des dizaines d’années pour se faire opérer. Les paramédicaux restent plusieurs semaines, les chirurgiens exercent chez nous pendant deux à quatre semaines.

Quelles sont les pathologies traitées au sein de votre hôpital ?

Nous traitons les yeux (cataractes), l’orthopédie, le maxillo-facial, la reconstruction plastique (fentes labiales et palatines), la chirurgie viscérale (hernie) et du dentaire. La plupart du temps, les chirurgiens doivent s’adapter à des cas beaucoup plus difficiles à opérer. Par exemple, le Dr David Chong, un chirurgien plastique australien volontaire a réparé les lèvres d’un patient de 56 ans qui avait été ostracisé toute sa vie à cause de son handicap. En Occident, on opérerait dès son plus jeune âge un enfant atteint de cette malformation.

Mercy Ships assure aussi la formation des médecins et des infirmiers locaux…

Nous avons intérêt à former les gens d’ici, le système de santé étant plus faible qu’en Occident. Nous négocions des partenariats avec le ministère de la Santé malgache et avec les hôpitaux locaux. Le plus important est celui établi avec l’hôpital de Tamatave où nous avons pu implanter le Hope Center. La formation des chirurgiens est réalisée en fonction des campagnes. Il s’agit de la période durant laquelle on décide de prendre en charge une pathologie. Par exemple, la campagne de l'orthopédie est déjà terminée car il faut plusieurs semaines aux patients pour faire leur rééducation et l'activité du bateau-hôpital s'arrête fin novembre. En ce moment, nous avons deux stagiaires anesthésistes qui sont sur toutes les spécialités. Nous formons aussi des infirmières en troisième et dernière année de cursus. Nous en avons une dizaine en ce moment.

Est-il important de parler français pour communiquer avec les patients ?

Il est certain que nous n’avons pas assez de professionnels français et nous en recherchons. Pour autant, la langue majoritaire et de base est l’anglais. Parler français comporte des avantages, mais ne résout pas tous les problèmes. Depuis 2017, les Français sont sous-représentés, mais on observe une augmentation de leurs effectifs depuis 2022, date d’ouverture de la section française de Mercy Ships. La plupart des volontaires ont à cœur de servir et reviennent régulièrement travailler. Très peu sont déçus et ne renouvellent pas l’expérience. En fait, les patients parlent soit le malgache, soit des dialectes. C’est pourquoi nous recrutons également des day crew (personnel local) qui servent d’intermédiaires et de traducteurs.

La fête et le jeu pour remonter le moral des patients

Tous les jours, sur le deck 3, là où se trouvent les services d’hospitalisation de l’Africa Mercy, on assiste à une scène cocasse et joyeuse. Dans le couloir, sur de la musique, des soignants dansent avec des patients, enfants et adultes. Deux fois par jour, c’est le moyen que les équipes de l’hôpital ont trouvé pour faire marcher les patients et leurs aidants. L’expérience est renouvelée sur le deck 7 en début d’après-midi en plein air, où des soignants font du tricycle, de la balançoire ou toutes sortes de jeux avec les adultes et les enfants. « L’interaction sociale et physique fait partie de la rééducation, témoigne Clara, infirmière de 26 ans en poste sur le bateau depuis un mois. La danse sur le pont 3 est un bon prétexte pour faire bouger les patients les plus timides. » Et de s’enthousiasmer : « C’est beaucoup plus animé que les patients français qu’on fait déplacer dans leur chambre unique ou double du lit au fauteuil ! »

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Un moment de détente sur le pont 7 de l’Africa Mercy pour les patients et les soignants.
Propos recueillis par Arnaud Janin

Source : lequotidiendumedecin.fr