« Proposer la bonne intervention, le bon acte, le bon médicament, le bon examen d’imagerie réalisé par le bon praticien, pour réduire les risques pour le patient tout en répondant aux enjeux d’une gestion économe des dépenses de santé » : tel est le sens de la pertinence des actes selon la ministre Agnès Buzyn, qui a mis ce concept, avec la qualité des soins, au centre du plan « Ma santé 2022 ». En février 2018, le Premier Ministre avait demandé à la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, au Pr Olivier Lyon-Caen, médecin-conseil national de la Cnam, et à Alain-Michel Ceretti, président de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, France assos santé, de piloter le rapport Inscrire la qualité et la pertinence au cœur des organisations et des pratiques ; publié en septembre, il est en ligne sur le site du ministère.
La pertinence ne se résume donc pas à une simple réduction des coûts. En radiologie, on estime qu’un tiers des examens ne seraient pas motivés, alors qu’à l’opposé certains sont difficilement accessibles. C’est pourquoi certains pays préfèrent au concept de pertinence des actes deux notions bien distinctes : d’une part l’opportunité, qui mesure la surutilisation d’un acte, et d’autre part la nécessité, qui en mesure la sous-utilisation. Des notions illustrées en France par une certaine surutilisation de l’échographie et une sous-utilisation manifeste de l’IRM.
Le trio radiologue-patient-prescripteur
Complexité supplémentaire, l’acte d’imagerie se joue à trois : le médecin demandeur, le radiologue et le patient. La pertinence suppose une bonne collaboration entre ces trois acteurs.
Du côté des médecins demandeurs, la formation médicale, préalable très important, devrait être améliorée. La Société française de radiologie a d’ailleurs mis à disposition un site consacré au bon usage des examens selon les indications (1). Demandeur et radiologue sont coresponsables de l’acte et de ses implications, dont l’exposition aux rayons X.
Le radiologue a le droit de refuser de réaliser un examen et d’en proposer un autre au demandeur. Mais, en pratique, notamment à l’hôpital, on est parfois devant une logique intenable, par exemple quand le service d’urgence ne veut pas laisser repartir le patient sans avoir réalisé un scanner, considéré comme nécessaire sur le plan médico-légal. Difficile aussi de demander au patient de revenir pour un autre acte au vu des délais de rendez-vous proposés.
Les enjeux de l’accès aux soins
L’absence de dossier médical informatisé empêche de documenter la pertinence au regard du dossier médical et peut occulter d’éventuelles répétitions d’examens, liées au nomadisme des patients. « Les difficultés d’accès aux antériorités posent aussi problème dans les réunions multidisciplinaires, auxquelles le radiologue ne peut pas toujours être présent pour orienter les demandes d’actes de radiologie », souligne le Pr Louis Boyer (Clermont-Ferrand), responsable pour la Société Française de radiologie (SFR) du dossier de la pertinence.
La téléradiologie, considérée comme la solution pour pallier la difficulté d’accès aux soins dans les territoires démunis, ne va pas nécessairement dans le sens de la pertinence. « Prendre des décisions sur les seules images interprétées hors contexte est insuffisant, souligne le Pr Boyer. Le radiologue a pour mission d’analyser la demande, réaliser l’examen, analyser les images et transmettre les résultats au médecin et au patient. Or la téléradiologie est restreinte à la téléinterprétation. Cette diffusion de la téléradiologie, destinée à augmenter les flux d’actes radiologiques, a peu de chances d’améliorer la pertinence. »
Autre effet de la difficulté d’accès aux soins dans certains territoires, il existe aujourd’hui une grande variabilité de pratiques sur le plan financier en radiologie et, partant de là, du coût final des pathologies et des soins. « Or la pertinence doit s’inscrire aussi dans l’égalité de l’accès aux soins », souligne le Pr Boyer.
Entretien avec le Pr Louis Boyer, chef de service de radiologie interventionnelle au CHU Gabriel-Montpied (Clermont-Ferrand)
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