LE QUOTIDIEN : L'hôpital est-il un enjeu des municipales ?
CHRISTOPHE BOUILLON : C'est l'accès aux soins dans son ensemble qui préoccupe les citoyens, au même titre que l'emploi et la sécurité. C'est criant avec l'essor des déserts. Les maires n'ont pas les pleines compétences en matière de santé, hors police de l'hygiène, prévention et nutrition via l'école. C'est une difficulté.
Présider le conseil d'administration de l'hôpital était une vraie chance, un vrai moyen de piloter un hôpital ! Depuis le vote de la loi Bachelot et la création du conseil de surveillance en remplacement, les maires ont le sentiment d'avoir été éloignés de leurs responsabilités hospitalières, d'avoir été écartés de la gouvernance par le législateur. Le conseil de surveillance est un lieu d'information et non un lieu de prise de décision. Avec ou sans élections municipales, l'hôpital vaut la peine qu'on se batte pour lui mais, certains maires se le demandent, à quoi bon siéger dans une instance si c'est pour laisser passer les trains ?
Pourtant, de nombreux élus résistent aux tutelles pour conserver leur établissement, leur maternité. Est-ce vain ?
C'est un combat à double tranchant. La communauté hospitalière attend de son maire – plutôt que d'un président de CME qui a d'autres chats à fouetter – qu'il monte au front quand l'agence régionale de santé prend une décision qui dérange. C'est donc utile pour un hôpital d'avoir un élu de son côté !
Mais beaucoup de maires se plaignent d'apprendre le projet de fermeture d'un hôpital ou d'un service par la presse. Ils ne sont pas concertés par la tutelle sanitaire. Et s'ils pratiquent la politique de la chaise vide au conseil de surveillance, ce signal politique face à la machine administrative peut être considéré comme une marque de désintérêt et non d'investissement pour sauver l'établissement ou le service. En somme : y être ne fait pas changer les choses mais ne pas y être est pire que tout. C'est le marteau et l'enclume. L'ironie dans tout cela, c'est que l'ARS est bien plus souvent absente que le maire à la table de l'hôpital.
Les maires mettent en avant l'emploi pour conserver leur hôpital. Cet argument est-il encore valable au regard de la pénurie médicale ?
L'accès aux soins prime mais on ne peut y réfléchir sans prendre en considération les questions relatives à l'aménagement du territoire. Les déserts médicaux se trouvent dans des déserts tout court. C'est pourquoi le maire ne peut pas être coupé des décisions de santé. C'est à lui de s'investir pour améliorer l'accès à tous les services publics, y compris ceux relatifs aux soins. Ne croyez pas que les élus restent les bras ballants. À Joigny, dans l'Yonne, la ville a conçu une maison des internes, qui héberge dans de bonnes conditions les jeunes en stage à l'hôpital ou en ville. C'est un outil attractif et efficace de lutte contre la désertification médicale.
Le paysage hospitalier se structure à deux niveaux : les groupements (GHT) et les hôpitaux de proximité. Les maires s'y retrouvent-ils ?
Un GHT peut être une opportunité pour une ville en termes d'emploi, mais tout dépend de son périmètre qui, avouons-le, n'est pas toujours pertinent. C'est plutôt une chance pour le directeur d'hôpital, qui peut s'appuyer sur plusieurs élus à la fois pour faire passer un message aux tutelles sanitaires ou à un autre établissement de son GHT.
Quant aux hôpitaux de proximité, je sonne l'alerte sur l'ambiguïté du terme. Des élus craignent que la réputation d'un hôpital qui ne rentrerait pas dans les nouveaux critères de labellisation en souffre. À Canteleu, il y a un petit hôpital dépourvu de lits de médecine, une exigence nécessaire pour obtenir le nouveau label. Est-ce que cela en fait un sous-établissement ? Certainement pas ! Attention au flou artistique.
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