LE QUOTIDIEN : Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 sera discuté la semaine prochaine à l'Assemblée nationale. Bon ou mauvais cru ?
PASCAL ROCHE : La ministre de la Santé souhaite sortir de l'opposition mortifère entre la médecine de ville et l'hôpital, récompenser les acteurs vertueux du système de santé et traiter avec équité ceux qui privilégient la qualité et l'efficience. Nous partageons ces lignes directrices, mais quelle sera leur traduction dans ce PLFSS ? Où sont les actions, la méthode et le calendrier ?
Ce budget nous laisse un peu sur notre faim. Certes, nous avons obtenu un moratoire sur la réforme kafkaïenne du financement des soins de suite et de réadaptation (SSR) ainsi que l'abrogation du principe aberrant de dégressivité tarifaire. Sur ces points, on nous a entendus.
Mais on parle une nouvelle fois de nous transférer les frais liés au transport sanitaire. De surcroît, 225 millions d'euros d'économies nous sont réclamés via des « actions de pertinence » et des « adaptations tarifaires ». C’est-à-dire ? S'il s'agit de réallouer une partie de la tarification à l'activité (T2A) sur le financement à la qualité, très bien ! C'est une source d'émulation. Je m'inquiète en revanche du coup de rabot de trop dans la prochaine campagne tarifaire. Les salaires des 25 000 employés des cliniques du groupe sont gelés depuis trois ans. Une nouvelle politique comptable empiéterait un peu plus sur nos ressources, qu'on ne peut réduire indéfiniment !
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) défend un reste à charge zéro pour les patients des cliniques. Diffusez-vous ce discours dans vos établissements ?
Il faut être attractif pour les médecins et pour les patients ! Nous sommes sur une ligne de crête. Nous appelons les praticiens à faire preuve de tact et de mesure dans leurs tarifs, à pratiquer l'autorégulation. En obstétrique, je suis parfois soucieux au regard des sommes réclamées par les anesthésistes pour une péridurale. Il suffit qu'un praticien soit déraisonnable pour qu'une clinique soit réduite à l'image d'une "pompe à fric". Mon rôle est de leur expliquer que des dépassements d'honoraires excessifs sont contre-productifs sur le long terme. Et leur rappeler que nous avons des intérêts alignés sur la qualité de la prise en charge.
Justement, quelle est votre marque de fabrique ?
88 % de nos 121 hôpitaux ont le plus haut degré de certification. Nos 23 services d'urgences enregistrent une croissance de 8 % par an et un délai d'attente moyen de 15 minutes. La qualité est dans l'ADN de la maison. Nous faisons aussi de l'accueil des internes et de la recherche clinique deux éléments de différenciation et d'attractivité pour les médecins. Plus de 6 % de notre chiffre d'affaires (2,3 milliards d'euros en 2016) est consacré à l'investissement dans le matériel et la formation médicale.
Vous misez également sur une stratégie médicale de filières de soins…
En cancérologie, nous venons d'inaugurer notre 10e institut à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), où médecins spécialistes et infirmières coordinatrices organisent le parcours de soins du patient. Nous sommes en train de déployer cette logique globale et pluridisciplinaire sur la filière nutrition/obésité. Prochaine étape : la cardiologie.
Vous allez ouvrir une clinique psychiatrique à Louhans (Saône-et-Loire) spécialisée dans la prise en charge du burn-out des soignants. La CGT y voit une nouvelle recherche de rentabilité. Pourquoi ce projet ?
Je suis surpris de la réaction de la CGT. La clinique devait fermer. Nous avons obtenu de l'agence régionale de santé un transfert d'autorisation qui a permis de sauver 40 emplois. À partir du premier semestre 2018, tous les médecins, quel que soit leur statut, pourront y être accueillis. Par pudeur et par sentiment d'omniscience, beaucoup ont recours à l'autodiagnostic. Nous voulons créer les conditions pour que cela change.
On assiste à un phénomène de concentration de l'hospitalisation privée. Y a-t-il des limites à ne pas franchir ?
Nous avons atteint la taille critique. Il n'y a pas de raison d'être esclave d'une stratégie de croissance externe, ni de renforcer notre position sur des territoires où nous sommes déjà présents. Nous avons acquis en juillet une clinique lyonnaise de Noalys car leur projet était complémentaire au nôtre. À l’inverse, nous avons cédé en octobre la clinique Herbert d'Aix-les-Bains, déficitaire. Elle est désormais rattachée à un groupement de coopération sanitaire (GCS) avec l'hôpital local. L'offre de soins est maintenue et les médecins libéraux continuent à y exercer en secteur II.
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