Lamine Gharbi (FHP) : « Trop souvent, les ARS favorisent les établissements publics»

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Publié le 27/09/2019
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Le patron de la FHP assure qu'un recours accru au secteur privé permettrait de désengorger les urgences publiques. Pour y parvenir, il réclame des arbitrages plus équilibrés en matière d’autorisation de services et d'orientation des patients.

Crédit photo : Mario Sinistaj

LE QUOTIDIEN : On compte 121 services d’urgences privés. Est-ce une force suffisante pour désengorger le public ?

LAMINE GHARBI : Nos urgences sont largement sous-utilisées : c’est étonnant mais nous avons passé un été sans surcharge ! Nous pouvons contribuer efficacement au désengorgement des urgences publiques. Avec une moyenne d'environ 50 patients par jour et par service, nous ne prenons en charge que trois millions de passages sur plus de plus de 21 millions au total par an. Nous sommes en capacité de doubler ce nombre. C’est pourquoi nous demandons que la régulation oriente les patients de manière plus équilibrée entre établissements privés et publics. 

Ensuite, il est incompréhensible que 42 départements en France n'aient pas encore de services d'urgences privés, d’autant que nous ne cessons de répéter notre volonté de prendre davantage part aux missions de service public. 

LE QUOTIDIEN : Mais vos urgences peuvent-elles soigner tous les patients ?

À l’exception des polypathologies, de la grosse traumatologie routière ou des infarctus majeurs, nous sommes en capacité de prendre en charge tous les patients qui nous sont adressés. Les Français nécessitant une hospitalisation lourde représentent une part minime des passages aux urgences, moins de 5 % : ce ne sont pas eux qui engorgent les services d’urgences publiques ! Et 80 % des patients rentrent chez eux après un passage aux urgences. Ce sont ces quelque 17 millions de patients que les cliniques pourraient aussi soigner, à condition d'être armées d'un chirurgien digestif, d'un orthopédiste, d'un interniste, d'un anesthésiste et d'un médecin urgentiste. Toutes ne possèdent pas cet éventail médical.

LE QUOTIDIEN : En matière d'autorisations, faites-vous le constat de décisions arbitraires des agences régionales de santé en faveur du public ?

Malheureusement oui ! Trop souvent, les ARS favorisent les établissements publics et renâclent à accorder des autorisations au privé. Cela s'explique facilement : ayant à la fois la charge de la gestion de l'hôpital public et de la régulation des autorisations d'activités, les ARS sont juges et parties. Elles ont donc tendance à favoriser le secteur public hospitalier, notamment lorsqu'il s'agit d'attribuer une autorisation de médecine d'urgence, porte d'entrée de l'hôpital. 20 % de ces passages donnent lieu à une hospitalisation post-urgences. C'est un moyen détourné pour maintenir l'activité des établissements, au risque de surchauffe pour les petits hôpitaux.  

Mais le privé est-il prêt à s'installer là où personne ne veut aller ? Il y a davantage de cliniques dans le sud que dans la « diagonale du vide »…

Ce n'est pas de notre fait, mais de celui des ARS. Pourquoi y a-t-il plus de cliniques en Occitanie ? Tout simplement parce que nous avons fait le siège de l'ARS – anciennement ARH – pendant 30 ans pour obtenir des autorisations. Dans d'autres territoires, des cliniques tentent de faire de même mais à force d'essuyer des refus, elles se lassent, et se contentent de centres de soins non programmés ouverts de 8 heures à 20 heures. C'est un problème d'équité qui dure depuis des années ! C'est pour cela que nous demandons à la ministre que les ARS soient dessaisies de la planification de l'organisation des autorisations. 

LE QUOTIDIEN : Souffrez-vous, comme l’hôpital public, de pénurie médicale aux urgences ?

Nous souffrons moins fortement de pénurie médicale. Nos urgentistes sont très majoritairement des médecins libéraux. Leur mode de rémunération incite davantage au développement de l’activité, ce qui est important en termes de service public ! Ils ont toute latitude pour prendre en charge davantage de patients en renforçant au besoin les équipes mobilisées, tant médicales que paramédicales.

La taille humaine de nos établissements est aussi un atout pour eux. Enfin, comme nous avons moins de contraintes administratives, leur mission se trouve allégée de certaines pesanteurs.

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez « Il est incompréhensible que 42 départements en France n'aient pas encore de services d'urgences privés »
FHP

Source : Le Quotidien du médecin