LE PLFSS en cours d’examen à l’Assemblée nationale pourrait marquer un tournant pour l’officine.
Son article 39 ouvre la voie à un nouveau mode de rémunération pour les pharmaciens. Plus précisément, il introduit le principe d’une rémunération, autre que les marges, qui serait versée par les régimes obligatoires d’assurance-maladie en contrepartie du respect d’engagements individualisés. « Ces engagements peuvent porter sur la dispensation, la participation à des actions de dépistage ou de prévention, l’accompagnement de patients atteints de pathologies chroniques, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, ainsi que toute action d’amélioration des pratiques et de l’efficience de la dispensation », indique le texte. Conformément aux propositions du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en juin, le présent article vise à introduire progressivement dans la rémunération officinale « une part croissante dissociée du prix des produits vendus », peut-on lire dans l’exposé des motifs. Cette rémunération new-look serait constituée pour partie d’un paiement de l’acte de dispensation et pour partie d’un système « à la performance » sur la base d’objectifs de santé publique (accompagnement des patients chroniques ou suivi du calendrier vaccinal par exemple) et d’efficience des dépenses. Voilà pour le principe. Les modalités pratiques seront, elles, négociées avec l’assurance-maladie.
Le pharmacien correspondant réhabilité.
Outre qu’elles dessinent les contours d’une future rémunération à l’honoraire, les quelques lignes de l’article 39 réhabilitent le statut de pharmacien correspondant, mis à mal dans le rapport de l’IGAS. Ses auteurs estimaient en effet que « cette procédure est particulièrement lourde pour les diverses parties prenantes » et que son déploiement, du fait notamment d’une forte hostilité des médecins, se heurtera à de nombreux obstacles. Qu’importe, pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), l’article 39 du PLFSS pour 2012 signe bel et bien la possibilité de mettre en œuvre le pharmacien correspondant.
Plus largement, cet article permettra la mise en place des nouvelles missions rémunérées confiées aux officinaux par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), dans le cadre de la prochaine convention avec l’assurance-maladie, actuellement en discussion. « On va passer d’un pharmacien qui gère des boîtes de médicaments à un pharmacien clinicien », se félicite Bernard Charles, président du Centre d’études et de formation hospitalière (CEFH). « Le pari est bon », estime l’ancien député du Lot, qui se dit cependant inquiet de la formation des pharmaciens et de la place nécessaire dans les officines pour assurer ces nouvelles missions. « Pour bien prendre ce virage, il faudra être attentifs à plusieurs éléments, estime-t-il. Il sera indispensable de bien étudier la typologie des officines, car un pharmacien seul, ou avec une petite surface, aura du mal à faire face à ces nouvelles missions. De plus, il faudra traiter la question de l’enseignement en pharmacie, qui n’est pas bon actuellement, avec des professeurs qui découragent les étudiants de l’officine et un échec de la première année commune des études de santé. Il faudra aussi résoudre le problème de l’installation des jeunes. » Pour l’heure, déjà la moitié des officines françaises possèdent un espace de confidentialité, relève Gilles Bonnefond, qui se veut rassurant : « Il y aura une gestion organisée des entretiens pharmaceutiques qui pourront s’effectuer sur rendez-vous. »
Un rôle dans la prévention.
Cette concrétisation de la loi HPST représente également une belle opportunité pour les adjoints qui peuvent être désignés comme pharmacien correspondant et participer à l’éducation thérapeutique des patients, comme le souligne Jérôme Parésys-Barbier, président du conseil central de la section D de l’Ordre national des pharmaciens. « Nous attendons également le texte concernant l’ouverture du capital qui permettrait aux adjoints, tout en restant salariés, d’acquérir des parts sociales d’une officine », rappelle-t-il.
Si certains médecins ne voient pas d’un bon œil ces nouvelles missions dédiées aux pharmaciens, ce n’est pas le cas du député Nouveau Centre de Vendée, Jean-Luc Préel. « Je suis favorable à ce que le pharmacien exerce de nouvelles missions et notamment celle de pharmacien correspondant », affirme-t-il, même s’il se montre réservé sur la possibilité, par exemple, de réaliser des tests de dépistage des angines streptococciques dans les officines, comme le préconise l’IGAS. Pour Jean-Luc Préel, ces missions accordées aux officinaux permettront de répondre à la baisse de la démographie médicale et de rendre du temps médical aux prescripteurs. Quant au statut de correspondant, il offrira aussi aux pharmaciens la possibilité de jouer un rôle dans la prévention de la dépendance des personnes âgées, estime l’élu vendéen, qui dit être « un militant du portage des médicaments à domicile et de la préparation des doses à administrer (PDA) ». Pour l’heure cependant, le projet de décret pour encadrer la PDA est au point mort, lui fait remarquer Bruno Julia, membre du bureau de l’USPO. « Aujourd’hui, cette activité est non régulée et non financée pour le pharmacien », rappelle-t-il.
Quelques textes manquent encore pour transformer complètement l’exercice officinal. Mais ce fameux article 39, s’il est adopté en l’état par les députés puis les sénateurs, ouvrira incontestablement une nouvelle ère pour la pharmacie. La profession est aujourd’hui « à un moment clé », déclarait récemment Xavier Bertrand. Avec les dispositions inscrites dans ce PLFSS, « vous avez le cadre conventionnel pour tout faire », se félicitait le ministre de la Santé.
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