UN DÉPISTAGE CIBLE UNIQUE

Publié le 05/04/2013
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L’anévrisme de l’aorte abdominale correspond à une dilatation localisée d'un segment de l’aorte dans sa portion abdominale, avec perte du parallélisme de ses bords. La majorité des anévrismes de l'aorte abdominale sont d'origine athéroscléreuse, même si l'athérosclérose vient probablement se surajouter à des anomalies primitives de la paroi aortique (4). Mais d'autres conditions pathologiques peuvent induire un anévrisme aortique : maladies du tissu conjonctif (Marfan, Ehler-Danlos), artériopathies inflammatoires (maladie de Horton, maladie de Takayasu, maladie de Behcet, lupus), infections (par bactériémie, par contiguïté ou cathétérisme), anévrismes post-traumatiques. Seuls les anévrismes de l'aorte abdominale athéro-scléreux sous-rénaux sont considérés dans le présent article.

Tabagisme et antécédents familiaux

- Plusieurs facteurs de risque relatifs aux trois étapes de l'évolution d'un anévrisme – survenue, expansion, rupture – ont été identifiés.

- Les facteurs de risque majeurs de survenue d'un anévrisme de l'aorte abdominale sont, outre le sexe masculin, l'âge supérieur ou égal à 65 ans, le tabagisme ancien ou actif et l'hérédité (1, 2). S'agissant du tabac, la corrélation est d'autant plus marquée que le tabagisme est ancien et/ou la consommation quotidienne élevée, le risque diminuant avec le nombre d'années après l'arrêt du tabagisme. Quant à l'hérédité, les études font état d'un risque relatif égal à 1,9 en cas d’antécédent familial au 1er degré. Par ailleurs, l'âge au diagnostic dans un tel contexte est plus précoce, et ces anévrismes ont un taux de rupture spontanée (32 % versus 8 %) plus élevé, cette rupture étant observée à un âge plus précoce que pour les anévrismes de l'aorte abdominale non-familiaux. L'appartenance à une population caucasienne élève également le risque de survenue d'un anévrisme de l'aorte abdominale.

- Les facteurs de risque d'expansion sont le tabagisme, les antécédents familiaux et les facteurs génétiques.

- Les facteurs de risque de rupture sont la vitesse de croissance annuelle de l'anévrisme, le diamètre et la forme de l’anévrisme de l'aorte abdominale (voir encadré E1), la BPCO sévère, une intervention abdominale pour une autre cause. Le tabagisme serait un facteur de risque de rupture indirect, en favorisant l’expansion de l’anévrisme (1). Le tabagisme est donc présent à tous les stades de l'évolution des anévrismes de l'aorte abdominale.

› En conséquence, la Haute Autorité de santé recommande un dépistage unique ciblé des anévrismes de l'aorte abdominale chez les hommes de 65-75 ans ayant un tabagisme actuel ou passé, et chez les hommes de 50 à 75 ans ayant des antécédents familiaux au 1er degré (2). L’échographie-Doppler est le test de dépistage de référence. « Les femmes ne sont pas concernées en raison de la faible fréquence des anévrismes de l'aorte abdominale dans cette population, précise le Pr Chiche. Pour autant, il convient de rester vigilant et de proposer éventuellement un dépistage individuel chez celles ayant des antécédents familiaux d'anévrisme de l'aorte abdominale. Chez les sujets de plus de 75 ans, l'intérêt du dépistage étant lié à la possibilité d'une intervention curative, le risque opératoire au-delà de cet âge est un élément qui entre en ligne de compte, bien qu'en pratique on opère quotidiennement des octogénaires. »

› Le rôle des facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète) ou des maladies cardiovasculaires (coronaropathie, artérite des membres inférieurs, accident vasculaire cérébral) reste discuté même s'il est vrai que la fréquence des anévrismes de l'aorte abdominale est plus élevée en cas de pathologie cardiovasculaire. Actuellement, ces éléments sont plutôt considérés comme des facteurs prédisposant à la survenue d'un anévrisme de l'aorte abdominale (1).

Pourquoi un dépistage unique ?

Les données de la littérature indiquent que le dépistage unique des anévrismes de l'aorte abdominale dans la tranche d'âge considérée est efficient. « Compte tenu de la vitesse moyenne de croissance des petits anévrismes, soit 2 à 3 mm par an au début de l'évolution, il faut attendre de nombreuses années avant d'arriver au stade chirurgical. En l'absence d'anévrisme entre 65-75 ans, il est donc inutile de réitérer l'examen de dépistage. »

Quid lorsqu'un anévrisme de l’aorte abdominale est dépisté ?

› Lorsqu'un anévrisme de l'aorte abdominale a été individualisé par l'échographie-Doppler, des examens de confirmation diagnostique – angioscanner ou IRM – peuvent être demandés, soit en raison de la taille de l'anévrisme, le diamètre « critique » étant fixé à 50 mm, soit en raison des caractéristiques morphologiques de l'anévrisme de l'aorte abdominale. « En effet, un anévrisme de l'aorte abdominale sacciforme, développé aux dépens d'une partie seulement de la paroi artérielle, est à plus haut risque de rupture qu'un anévrisme fusiforme. Un tel anévrisme justifie donc de réaliser un bilan diagnostique pré-opératoire, quelle que soit sa taille, et d'envisager un traitement curatif. »

› En dessous de 50 mm, une surveillance échographique doit être mise en place (voir Tableau T1). La croissance de l'anévrisme est en effet inéluctable.

› À partir de 50 mm, le traitement curatif, soit par chirurgie conventionnelle, soit par voie endo-vasculaire, est proposé. Un avis spécialisé doit donc être demandé. « Cependant, si l'on envisage de traiter par voie endovasculaire, de meilleurs résultats (moins d'endofuites secondaires) sont attendus si l'anévrisme est un peu plus petit (compris entre 48 et 52 mm). »

› Il convient également, lorsqu'un anévrisme de l'aorte abdominale a été identifié, de rechercher une autre localisation anévrismale synchrone, notamment poplitée, par la palpation d'une part et l'échoDoppler des membres inférieurs d'autre part. Les anévrismes des artères iliaques sont dépistés en même temps que ceux de l'aorte lors de l'examen échographique. Chez le sujet âgé, on peut par ailleurs rechercher une localisation au niveau de l'aorte thoracique.

Le Doppler cervical quant à lui, sert davantage à faire le point sur la présence d'une éventuelle sténose carotidienne athéromateuse qu'à dépister un anévrisme, exceptionnel dans cette localisation.

› En présence d'un anévrisme de l'aorte abdominale, même inférieur à 50 mm, faut-il s'alarmer systématiquement en cas de douleur abdominale ou dorsale ? « L'examen clinique et l'interrogatoire devant toute douleur restent essentiels, afin d'éviter de multiplier inutilement les examens. Rappelons que l'aorte étant un organe rétropéritonéal, la douleur de rupture anévrismale est plus dorsale qu'abdominale. »


Source : lequotidiendumedecin.fr