Rattrapage des vaccinations chez l’enfant et l’adulte

Publié le 27/01/2012
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Le calendrier vaccinal s’est beaucoup modifié ces dernières années. Dans le même temps, le médecin est souvent confronté aux situations parfois complexes de retard de vaccination ou d’incertitude quant au statut vaccinal de ses patients. Effectuer au mieux les « rattrapages » nécessaires implique d’en connaître les règles.
Pour être considérée comme injection de rappel, une dose doit être faite au moins 5 à 6 mois...

Pour être considérée comme injection de rappel, une dose doit être faite au moins 5 à 6 mois...
Crédit photo : ©BSIP

La situation dans laquelle une vaccination a été initiée, puis interrompue est fréquente. Le professeur Floret explique : " De nombreuses raisons peuvent conduire un enfant ou un adulte à être en retard par rapport au calendrier vaccinal idéal. La négligence des parents est souvent en cause mais les médecins eux-mêmes y contribuent en reportant les injections lors d’infections respiratoires récidivantes bénignes considérées, à tort, comme des contre-indications à la vaccination."

D’autres causes peuvent être à l’origine de ces retards :

- Affections intercurrentes,

- Accidents de la vie,

- Changement de lieu de résidence,

- Opposition des parents aux vaccins…

Et il n’est pas rare d’être confronté à des incertitudes quant au statut vaccinal en particulier chez les patients issus des populations récemment immigrées.

Du fait de l’efficacité préventive des vaccins, la mise à jour des vaccinations de ces patients s’impose.

LES PRINCIPES DU RATTRAPAGE

Les règles de base de tout « rattrapage vaccinal »

-› Chaque dose de vaccin donnée compte. Il n’est jamais nécessaire de tout recommencer. Cette notion s’appuie sur l’existence d’une mémoire immunitaire qui permet à l’organisme, dans la plupart des cas, de répondre rapidement à une dose de rappel, même si la dose précédente est très éloignée dans le temps.

-› Les intervalles minimums de temps entre deux vaccins en primo-vaccination doivent être de 1 à 2 mois (le minimum toléré validé est de 3 semaines).

-› Pour être considérée comme dose de rappel, une dose doit être faite au moins 5 à 6 mois après la dernière dose de primo-vaccination (le minimum toléré validé est de 4 mois), l’effet « booster » jouant à plein avec un délai d’au moins six mois.

-› Tous les vaccins manquants peuvent être donnés le même jour ou avec n’importe quel intervalle - jours, semaines - sauf lorsqu’il s’agit de deux vaccins vivants viraux, ceux-ci devant être réalisés soit le même jour soit avec un mois d’intervalle (ROR, varicelle, fièvre jaune…). En pratique, le nombre d’injections simultanées toléré étant de deux, il est préférable, si nécessaire, d’espacer les visites de 1-2 semaines (1).

Sujets jamais vaccinés

Chez les enfants à partir de 1 an, les adolescents et les adultes jamais vaccinés, le Haut Conseil de la santé publique propose un calendrier de rattrapage afin d’aligner les vaccinations sur le calendrier vaccinal en cours (2).

Enfants incomplètement vaccinés

-› Pour ces enfants, il faut avoir deux objectifs : leur assurer une protection optimale et si possible les recaler sur le calendrier français en vigueur (2, 3, 4 mois, 16-18 mois, 6 ans, 11-13 ans et 16-18 ans), avant les rappels tous les 10 ans. La vaccination de rattrapage des enfants partiellement vaccinés doit tenir compte de leur âge actuel, du nombre de doses déjà reçues, et de l’âge auquel les vaccinations précédentes ont été effectuées.

-› La règle est de compléter la vaccination et d’administrer le nombre de doses qu’un enfant devrait avoir reçues en fonction de son âge, sans cependant lui administrer en rattrapage plus d’injections que celles qui seraient pratiquées si cet enfant était primo-vacciné à cet âge. Pour cela, on se réfère au calendrier de rattrapage chez les sujets jamais vaccinés. Par exemple, pour un enfant de 4 ans n’ayant eu qu’une seule dose de vaccin contre Hib (Haemophilus influenzae b) à l’âge de 2 mois, on ne prescrira pas trois doses en plus, mais une seule puisqu’elle suffit en primovaccination à cet âge (1).

-› Pour chaque antigène, les doses manquantes sont relevées en fonction de l’âge actuel. Pendant l’enfance, le calcul est simple : doses manquantes = doses nécessaires - doses reçues. Pour administrer ces doses manquantes, on choisit les associations vaccinales concomitantes compatibles : par exemple DTPcaHib + ROR (ca = coqueluche acellulaire), en utilisant si possible un vaccin combiné pour diminuer le nombre d’injections. Et ceci toujours en respectant bien les intervalles nécessaires pour faire jouer à plein l’effet de rappel.

Enfants à statut vaccinal incertain ou inconnu

-› Il faut tenir compte du pays d’origine : les enfants venant des pays en voie de développement ont en général été vaccinés, au moins dans les villes. La vaccination polio est faite très tôt et habituellement en OPV (polio oral).

-› Il existe un principe général : en cas de doute sur la vaccination diphtérie, tétanos et hépatite B, il faut faire une dose de vaccin puis demander une sérologie (tétanos et hépatite B) 4 à 6 semaines après.

-› Il n’y a pas d’inconvénient à administrer un vaccin rougeole-oreillons-rubéole, Hib, hépatite B ou polio à une personne éventuellement déjà immune pour l’une ou l’autre des maladies. Ainsi dans le doute sur une vaccination ROR, celle-ci doit être entreprise.

CONDUITE A TENIR SELON LES VACCINATIONS

Tétanos, diphtérie, poliomyélite, coqueluche, haemophilus influenzae

-› Enfant et adolescent

• Pour les valences Diphtérie - Tétanos – Polio, en cas de vaccination incomplète, on calcule le nombre de doses selon l’âge de la première dose reçue. En pratique, on reprend la vaccination là où elle avait été arrêtée et on la complète pour arriver au nombre d’injections requis selon l’âge.

Ainsi, pour un enfant de 7 ans à 11 ans au moment du rattrapage, et en tenant compte de l’âge de la première dose, on obtient :

- 1ère dose < 1 an : 5 doses (3 doses + 2 rappels)

- 1ère dose entre 1-5 ans : 4 doses (2 doses + 2 rappels)

- 1ère dose › 6 ans / adultes : 3 doses (2 doses + 1 rappel)

Exemple : à un enfant de 4 ans n’ayant eu que deux DTPca à 3 et 4 mois de vie, il manque une dose de primo-vaccination et un rappel. On programmera donc une 3ème dose tout de suite puis un rappel 6 mois après. Ensuite il devra avoir son rappel vers 6 ans et il sera ainsi « recalé » sur le calendrier habituel.

Attention, les vaccins faiblement dosés en diphtérie et tétanos (dTP : Revaxis® ; dTPca : Boostrixtetra®, Repevax®) ne permettent pas une primo-vaccination correcte, quel que soit l’âge, ni le rappel de 16-18 mois. Ils ne sont tolérés qu’en rappel à partir de l’âge de 6 ans (1).

Pour les adolescents, il est préférable d’utiliser, en cas de doute sur une vaccination antérieure, un vaccin combiné diphtérie-tétanos-polio faiblement dosé en anatoxine diphtérique.

• Pour la valence Coqueluche, le schéma est identique, moins la dose de 6-7 ans.

• Pour la valence Haemophilus influenzae b, le nombre de doses nécessaire est fonction de l’âge au moment du rattrapage :

- de 6 mois à 12 mois : 2 doses + 1 rappel

- de 1 an à 5 ans : une seule dose suffit

- au-delà de cinq ans, la vaccination n’est plus indiquée.

• En cas de doute sur la réalité d’une série vaccinale antérieure pour la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, et devant le risque de réactions locales exacerbées en cas d’hyperimmunisation, il est conseillé d’administrer une première dose de vaccin et de titrer ensuite, 4 à 6 semaines plus tard, les anticorps tétaniques. Le dosage sérologique polio n’a pas d’intérêt : il est peu fiable, cher et peu utile. En l’absence de DTP (Diphtérie-Tétanos-Polio) sur le marché français, il est préférable pour cette première dose d’utiliser un vaccin avec D (Tétra, penta ou hexavalent).

L’interprétation de la sérologie tétanos post-vaccination se fait de la façon suivante : si le taux est inférieur à 0,1 UI/ml, l’enfant n’a probablement jamais été vacciné antérieurement et il faut appliquer le programme complet de rattrapage. Entre 0,1 et 1 UI/ml, la primovaccination n’a certainement pas été complète ; dans ce cas, on distingue deux situations : entre 0.1 et 0.5 UI/ml, refaire deux doses en plus à 2 et 6 mois ; entre 0.5 et 1 UI/ml, refaire une dose 6 mois après la précédente. Si le taux est supérieur à 1 UI/ml, l’enfant a sûrement été vacciné auparavant, le plus souvent avec un vaccin DTCoq combiné, et son schéma vaccinal peut être considéré comme complet.

-› Adulte

Pour tout adulte ayant eu au moins 5 doses de vaccin diphtérie tétanos polio dans l’enfance (primo-vaccination complète) et en retard dans ses rappels, une dose unique, sans contrôle sérologique préalable, quel que soit le dernier délai depuis le dernier rappel suffit, sans oublier d’y glisser la coqueluche.

S’il a été incomplètement primo-vacciné, on poursuit la primo-vaccination suivi du rappel tous les 10 ans.

Pour les adultes ayant eu un rappel dTP (faiblement dosé en anatoxine diphtérique), un délai de deux ans est requis avant une vaccination tétravalente incluant la coqueluche (par exemple pour vacciner l’entourage d’un nourrisson), sauf en situation épidémique où ce délai est réduit à un mois.

Rougeole, oreillons, rubéole

-›Tous les enfants et adolescents non vaccinés doivent recevoir deux doses de vaccin rougeole-oreillons-rubéole, à au moins un mois d’intervalle (1). Notion importante, la seconde vaccination ne correspond pas à un rappel, l’immunité acquise après une première vaccination étant de longue durée, elle constitue un rattrapage pour ceux n’ayant pas séroconverti pour un ou plusieurs des antigènes lors de la première vaccination (2).

-› Les personnes nées depuis 1980 doivent avoir reçu au total deux doses de vaccin trivalent à au moins un mois d’intervalle, quels que soient leurs antécédents vis-à-vis de ces trois maladies (2). En effet, l’existence d’une éventuelle immunité envers la rougeole, la rubéole ou les oreillons ne représente pas une contre-indication à un vaccin ROR, le cas échéant les antigènes vaccinaux « superflus » étant immédiatement neutralisés par les anticorps correspondants préexistants (3). Il est inutile de faire une sérologie. Si quelqu’un a déjà reçu une première dose, peu importe à quel âge, il suffit de compléter la vaccination avec une deuxième dose.

-› Les femmes de 31 à 45 ans, c'est-à-dire en âge de procréer, à qui est recommandé un vaccin contre la rubéole doivent préférentiellement recevoir une dose de vaccin ROR (2). Ce rattrapage de vaccination est aussi recommandé pour tous les personnels de santé ou travaillant auprès de la petite enfance, et ce en l’absence de preuve biologique de rougeole antérieure ou n’ayant pas reçu une vaccination complète à deux doses.

Pneumocoque

-› En ce qui concerne le rattrapage des enfants non vaccinés antérieurement par le vaccin pneumococcique polyosidique conjugué 13-valent (Prevenar 13), les nourrissons âgés de 7 à 11 mois doivent recevoir 2 doses, à deux mois d’intervalle, puis un rappel au cours de la deuxième année de vie avec un intervalle minimum de 5 à 6 mois. Les enfants âgés de 12 à 23 mois doivent recevoir 2 doses à au moins 2 mois d’intervalle.

-› Pour les enfants à risque (splénectomie, drépanocytose…) de 2 à 5 ans, 2 doses de vaccin conjugué sont recommandées, suivies d’une dose de vaccin non conjugué (Pneumo 23, Pneumovax) avec un intervalle de 2 mois entre chaque dose ; le vaccin non conjugué permet d’élargir leur protection (1 ; 4)

Hépatite B

L’immunogénicité conférée par le vaccin est très bonne, présente même si les anticorps ne sont plus détectables. Il est donc inutile de les contrôler sauf pour les personnes à risque élevé. Pour mémoire : un dosage positif d’anticorps anti HBs est le témoin d’une protection vaccinale, en revanche, des anticorps anti HBc sont les témoins de la maladie et ne sont pas augmentés par la vaccination.

-› Enfant et adolescent (1)

• En cas de certitude d’absence de vaccination, chez l’enfant de moins de 11 ans, deux injections à 2 mois d’intervalle sont recommandées, avec rappel au moins 5-6 mois plus tard. Entre 11 et 15 ans, 2 injections de vaccins dosés à 20 µg à 6 mois d’intervalle suffisent.

• Pour les sujets ayant déjà reçu une dose, on reprend le schéma vaccinal avec la deuxième dose puis la troisième à au moins 6 mois d’intervalle. Sauf pour les adolescents de 11-15 ans ayant reçu un vaccin dosé à 20µg, pour lesquels une deuxième dose à 6 mois d’écart au moins suffit.

• Pour les enfants ayant déjà reçu deux doses à au moins un mois d’intervalle, on donne la troisième dose au moins 6 mois plus tard, quelle que soit l’antériorité des deux premières.

Exemple : pour cette adolescente de 16 ans ayant reçu à 2 ans et 3 ans une injection sans rappel, une seule nouvelle dose suffit.

• Pour les enfants sans certitude de vaccination, il faut faire une sérologie initiale (anticorps anti-HBs et anti-HBc) avant toute vaccination.

- Si Ac Anti-HBs › 100 mUI/ml : l’enfant est protégé à long terme ;

- Ac Anti-HBs entre 10 et 100 mUI/ml : l’enfant est vacciné, protégé et probablement protégé à long terme si son âge est compatible avec une vaccination ancienne (› 10 ans)

- Ac Anti-HBs < 10 mUI/ml : on vérifie qu’il n’est pas infecté en demandant un dosage de l’AgHBs, on refait une injection tout de suite, puis on contrôle les Ac anti-HBs 4 à 6 semaines après. Suivant les résultats, si le titre d’Ac anti-HBs est supérieur à 10 mUI/ml, on considère que l’enfant avait été vacciné et on s’en tient là ; en dessous de 10 mUI/ml, on considère que l’enfant n’a jamais été vacciné. Il faut alors poursuivre le schéma complet.

-› Adulte

• Pour l’adulte incomplètement vacciné, une deuxième dose à 20 ug suffit quelle que soit l’antériorité de la première dose.

• En cas d’incertitude, on fait une dose de vaccin suivie d’une sérologie 4 à 6 semaines plus tard. Si le taux d’anticorps est supérieur à10 mUI/ml, on s’en tient là.

Méningocoque C

Depuis avril 2009, une vaccination généralisée des enfants de 12 à 24 mois est recommandée (une dose) avec un vaccin conjugué contre le méningocoque C, avec rattrapage pour toutes les personnes de 2 à 24 ans (5).

Varicelle

La vaccination est recommandée pour les adolescents de 12 à 18 ans n’ayant pas eu la varicelle (6). Deux doses sont nécessaires. Cette recommandation est étendue aux femmes en âge de procréer ou venant d’accoucher et aux professionnels de santé et de la petite enfance non immunisés (2). Chez un adulte, le souvenir d’avoir eu la varicelle dans son enfance est toujours fiable mais le contraire n’est pas vrai. En cas d’anamnèse incertaine ou négative, le choix de demander une sérologie préalable est laissé au médecin traitant.

Hépatite A

La deuxième vaccination contre l’hépatite A doit être faite 6 à 12 mois après la première dose mais l’immunité conférée étant excellente, cette seconde injection peut être administrée entre trois et cinq ans après la première vaccination. Il n'est plus justifié d'administrer de nouvelles doses de rappel.

Dr Catherine Freydt, sous la direction scientifique du Pr Daniel Floret (Président du Comité Technique des vaccinations, Haut conseil de la santé publique, chef de service des urgences pédiatriques, hôpital Edouard-Herriot, Lyon).

Source : Le Généraliste: 2589