Sécurité du patient

A PRESCRIPTION NON RELUE SUCCEDE SOUVENT L’IMPREVU…

Publié le 09/12/2011
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Aucun professionnel ne semble à l’abri d’un oubli ou d’une distraction. Pourtant, une prescription non ou mal relue devrait être considérée par tout médecin comme un événement porteur de risque pour le patient.

M. C. 50 ans vous consulte un matin car depuis la veille il a constaté que sa jambe est devenue rouge, chaude et douloureuse. Ces signes l’ont alerté immédiatement car ce patient a eu une thrombophlébite profonde de la même jambe deux ans auparavant.

Ce jour-là, vous avez été pris dans un embouteillage et vous arrivez en retard. La salle d’attente est déjà pleine. Quand vous voyez M. C, vous vous dites qu’il vous faudra sûrement plus d’une demi-heure pour prendre en charge ce patient aigu : votre stress monte d’un cran.

M. C. est inquiet à juste titre : tous les signes d’une phlébite profonde sont présents à l’examen clinique. Vous le rassurez et, tout en lui injectant une première dose curative d’héparine, vous répondez à ses questions.

Puis, comme l’état général et l’environnement social du patient le permettent, vous décidez de poursuivre le traitement curatif à domicile en attendant les résultats d’un écho-doppler veineux des membres inférieurs.

Le téléphone sonne. En répondant tout en éditant cette prescription, vous sélectionnez par inattention l’item « échodoppler artériel » au lieu de « échodoppler veineux » dans la liste préétablie d’examens complémentaires de votre logiciel informatique, tout en notant dans la demande l’antécédent de phlébite. Vous demandez au patient de poursuivre les anticoagulants jusqu’au résultat de l’imagerie qu’il s’engage à vous communiquer juste après sa réalisation.

Le lendemain, le radiologue réalise un doppler artériel des membres inférieurs, et ne constate aucune anomalie. Le patient ne vous appelle pas compte-tenu de la normalité de l’examen mais, toujours inquiet, il prend rendez-vous le jour suivant avec un confrère de votre cabinet, qui identifie rapidement l’erreur de prescription et reprogramme en urgence un échodoppler veineux des membres intérieurs. Celui-ci met en évidence une récidive de thrombose veineuse.

Dans cet exemple, rédigé à partir d’une histoire réelle, un moment d’inattention du prescripteur a suffi pour entraîner des risques sérieux pour le patient. Tous ces risques auraient pu être facilement évités. L’analyse par le médecin de ses propres erreurs et l’identification des moyens permettant d’y remédier constituent les principaux objectifs pédagogiques des cas cliniques qui seront présentés dans la rubrique « organisation des soins » .

ANALYSE DU CAS PAR LA MÉTHODE DES BARRIÈRES

Dans le cas de M. C., l’erreur de sélection dans une liste de prescriptions préétablies d’examens complémentaires a été commise par inattention par un médecin qui n’a relu sa prescription, ni lors de sa rédaction sur ordinateur, ni avant la signature de l’imprimé.

À partir de ce cas, il est possible d’avoir deux attitudes. La première consiste à se dire que le médecin a fait une erreur heureusement rattrapée ; il ne s’est rien passé de grave, point final. La seconde consiste à se demander pourquoi le médecin a fait l’erreur, d’en analyser les causes et d’identifier les moyens qui pourraient être mis en place ou renforcés pour l’éviter (Cf encart) . Il existe plusieurs méthodes d’analyse, nous avons choisi la méthode des barrières.

-› La relecture lors de la rédaction et à la signature de la prescription constitue la barrière de prévention la plus robuste car elle permet au médecin de rectifier l’erreur avant qu’elle ne soit commise. Cette barrière n’a pas fonctionné, probablement parce que le médecin déjà en retard a été distrait par le téléphone.

Plusieurs barrières de récupération étaient présentes mais n’ont pas fonctionné : le patient correctement informé par le médecin des prescriptions aurait pu de sa propre initiative relire l’ordonnance et rectifier l’erreur. On pourrait d’ailleurs concevoir que le médecin invite systématiquement ses patients à relire ses prescriptions devant lui avant qu’ils ne quittent le cabinet, ce qui constituerait une autre barrière de prévention.

Le radiologue aurait du réévaluer la pertinence de la prescription au regard de la pathologie suspectée en fonction des signes cliniques et contacter le médecin. Cette barrière de récupération a été inefficace.

Dans le cas de M. C., le traitement par HBPM mis en place dès le début par le médecin généraliste représente une troisième barrière de récupération identifiable, la seule qui ait fonctionné in fine. Grâce à cette barrière et/ou à l’évolution naturelle de la maladie, le retard diagnostique dû à l’erreur de prescription n’a heureusement pas conduit à une embolie pulmonaire, qui aurait constitué un événement indésirable grave. Aucune barrière d’atténuation, comme un traitement fibrinolytique ou une embolectomie, n’a donc été nécessaire en l’absence d’un tel accident.

Il est à noter que le patient, comme dans le cas présenté, représente souvent une des principales barrières de récupération des erreurs. Acteur de sa propre maladie, il est le facteur d’alerte du confrère du médecin prescripteur en demandant une nouvelle consultation urgente et en communiquant son inquiétude sur la persistance des signes ressentis, alors même que le résultat de l’imagerie artérielle était normal.

RISQUE D’ERREUR ET PRESCRIPTION ÉLECTRONIQUE

Les erreurs de choix d’un item dans un menu déroulant ont été décrites dans plusieurs études qualitatives anglo-saxonnes. Il est difficile de mettre en évidence ces évènements de manière objective car seul le prescripteur peut attester de son intention au moment de son choix. Le résultat de cette décision étant le seul élément visible en définitive, l’observateur extérieur sera le plus souvent dans l’impossibilité de déterminer si la prescription finale a été souhaitée telle qu’elle est rédigée, c’est-à-dire assumée, ou au contraire, comme dans le cas présenté, non assumée par le prescripteur.

CONCLUSION

L’analyse des événements indésirables ou, comme ici, des événements porteurs de risque, par la méthode des barrières, permet pour toute erreur, d’identifier la succession des évènements, les causes de survenue et les conséquences évitables ou non évitables de ces événements.

Par cette démarche réflexive personnelle, ou entre pairs, ou bien pluridisciplinaire, chaque médecin peut intégrer dans sa pratique des schémas de gestion des risques. Le but étant d’éviter la répétition d’erreurs ou de prévenir leur survenue.

Cette prise de conscience de la problématique « sécurité du patient » permet également au médecin d’apprécier l’importance du partage d’expérience et de la coordination entre professionnels de santé pour l’amélioration globale des soins.

Dr Frédéric Villebrun (Médecin généraliste en centre de santé, Champigny-sur-Marne (94) - Chef de projet au service évaluation et amélioration des pratiques de la Haute Autorité de Santé (La Plaine Saint-Denis, 93). Pr Jean Brami (HAS, Université Paris De

Source : lequotidiendumedecin.fr