Rhumatologie

OSTÉOPOROSE : DU DIAGNOSTIC AU TRAITEMENT, SANS OUBLIER LA PRÉVENTION

Publié le 25/01/2018
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Les nouvelles recommandations du Groupe de recherche et d’information sur l’ostéoporose ont beaucoup simplifié les indications de traitement, notamment pour les patients à haut risque fracturaire. Des notions nouvelles sont à considérer : durée de traitement, fenêtre thérapeutique, voire planification de séquences thérapeutiques. Les stratégies non médicamenteuses sont à inclure dans le traitement. 
Osteodensitometrie

Osteodensitometrie
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’ostéoporose (OP) est une maladie diffuse du squelette, caractérisée par une masse osseuse faible et une détérioration de la micro-architecture de l’os conduisant à une fragilité osseuse accrue et à une augmentation secondaire du risque de fracture. Selon la définition de l’OMS, l’OP se caractérise par une densité osseuse inférieure à 2,5 écarts-types en dessous de la moyenne des adultes jeunes (T-Score). La mise à jour des recommandations du Groupe de recherche et d’information sur l’ostéoporose (Grio) est l'occasion d'une actualisation des connaissances concernant l’épidémiologie, le diagnostic, la prévention et le traitement de cette maladie (1).

SUR LE PLAN ÉPIDÉMIOLOGIQUE

Il se confirme, à partir de données du PMSI, que le nombre de fractures de l’extrémité supérieure du fémur (ESF) liées à l’OP a augmenté régulièrement en France entre 2004 et 2013 chez les sujets de plus de 84 ans (figure 1). La prise en charge de l’OP est insuffisante car moins de 15 % des sujets plus de 50 ans hospitalisés pour fracture reçoivent un traitement à l’issue de leur séjour (Bouvard et coll., présenté à la Société française de rhumatologie en 2015). L’excès de mortalité lié aux fractures ostéoporotiques dites majeures (fémur, humérus, vertèbre, bassin) a également été confirmé (2).

LA PRÉDICTION DU RISQUE DE FRACTURE

Cette évaluation est basée sur l’âge, les antécédents personnels de fracture, la mesure de la densité osseuse et l’évaluation du risque de chute chez les sujets de plus de 70 ans.

Le risque d’OP augmente significativement avec l’âge : si 39 % des femmes de 65 ans sont ostéoporotiques, elles sont 70 % à l’être à 80 ans ! Chez les patientes hospitalisées pour fracture ostéoporotique, le pic de la répartition par âge se situe à 86 ans.

Un antécédent personnel de fracture est un élément essentiel de l’évaluation du risque fracturaire. Ce paramètre est d’autant plus consistant que l’antécédent est récent, et souvent les fractures surviennent en “cascade” dans les deux à trois ans qui suivent le premier épisode fracturaire. Pour les fractures vertébrales (FV), il peut être utile de faire des radiographies du rachis pour évaluer la prévalence fracturaire, notamment en cas de rachialgies, de perte de taille ou de prise de corticoïdes. En effet, les FV peuvent être passées inaperçues alors qu’elles constituent, par leur présence, un potentiel majeur de récidive (figure 2). 

► La mesure de la densité osseuse au rachis lombaire et à la hanche est un élément incontournable de l’évaluation du risque fracturaire. Il existe un gradient de risque entre le T-Score et le risque de fracture. Plus le T-Score est bas et plus le risque fracturaire augmente, aussi bien chez l’homme que chez la femme. L'indication d’une ostéodensitométrie doit cependant être respectée pour que l’examen soit remboursé (tableau I). 

► L’évaluation du risque de chute doit systématiquement être réalisée, surtout chez un sujet de plus de 70 ans (3). Il faut rechercher si une chute est survenue dans les trois à six mois précédents. Le test “get up and go”, le temps d’appui unipodal et la réaction à l’appui sternal permettent une évaluation simple du risque en l’absence d’antécédent de chute. Une consultation gériatrique peut être proposée pour un bilan plus approfondi.

► L'algorithme Frax indique, pour un patient de 40 à 90 ans, la probabilité à 10 ans de survenue d’une fracture ostéoporotique majeure ou d’une fracture de hanche. Le calcul est réalisé en fonction de la présence de facteurs de risque cliniques de déminéralisation osseuse (et de fracture) auxquels on peut inclure la densité osseuse du col fémoral ou un indice de texture osseuse (le TBS). Le Frax permet de calculer un risque absolu pour un individu donné, non relatif (par rapport à d’autres sujets). Le calcul du Frax est inutile quand l’indication thérapeutique est claire : antécédent de fracture sévère, fracture non sévère et T-Score ≤ -2, en l’absence de fracture et T-Score ≤ -3 à l’un des deux sites. À l’inverse, le calcul du Frax est utile quand la décision de traiter est difficile à prendre : fractures non sévères et T-score > -2 et ≤ -1 ou en l’absence de fracture et T-score entre -2 et -3. Dans ces situations, une courbe de décision thérapeutique, prenant en compte l’âge et le pourcentage de risque absolu calculé par le Frax a été élaborée (figure 3).

LE TRAITEMENT DE L’OSTÉOPOROSE

Il repose sur une stratégie visant à empêcher l’apparition de fractures ou de réduire l’incidence des récidives (Tableau II).

L'existence ou non d'une fracture

► Devant une fracture sévère (hanche, humérus, vertèbre, bassin), survenue en l’absence d’un traumatisme important, il est recommandé de traiter si le T-Score est < -1 (accord professionnel). L’ostéodensitométrie doit être réalisée pour vérifier le T-Score et envisager les différentes phases thérapeutiques et de suivi. Si le T-Score est > -1, la situation requiert l’avis d’un spécialiste et l’usage d’autres outils décisionnels comme le Frax et/ou le dosage des marqueurs du remodelage osseux.

► Devant une fracture non sévère (par exemple le poignet), une ostéodensitométrie est également réalisée car la décision thérapeutique sera prise en fonction du chiffre de T-Score :

– Si le T-Score est > -1 : pas de traitement.

– Si le T-Score est compris entre -1 et -2 : l’avis d’un spécialiste et l’usage d’autres outils de prédiction du risque sont recommandés.

– Si le T-Score est ≤ -2 : le traitement est recommandé.

► En l’absence de fracture, l’ostéodensitométrie s’impose avant toute décision thérapeutique (grade A). Par accord professionnel, le chiffre de T-Score est décisionnel.

– Si le T-Score > -2 : le traitement n’est pas recommandé.

– Si le T-Score est ≤ -3 : le traitement est recommandé.

– Si le T-Score est compris entre -2 et -3 : l’avis d’un spécialiste et l’usage d’outils de prédiction du risque sont recommandés.
 

Recommandations de traitement

1. Chez les patients ayant une fracture de l’ESF, l’acide zolédronique est à considérer en première intention car il est le seul traitement ayant montré un effet anti-fracturaire dans une telle population (grade A).

2. Chez les patients ayant deux fractures vertébrales prévalentes, le tériparatide peut être prescrit en première intention au moment du diagnostic (grade A).

3. Chez des femmes de moins de 65 ans avec une ostéoporose nécessitant un traitement, le raloxifène est recommandé si le risque de fracture non vertébrale est faible, notamment en l’absence des éléments suivants : T-score bas à la hanche, facteurs de risque de chute et antécédent de fracture non vertébrale (grade A).

4. Chez une femme âgée de moins de 60 ans ayant des troubles climatériques et une ostéoporose sans fracture sévère, un THM peut être envisagé (grade A).

5. En cas de DMO très abaissée (T ≤ -3) avec ou sans fracture, des moyens thérapeutiques injectables peuvent être utilisés pour atteindre une cible densitométrique (au minimum T > -2.5 à -2 à la hanche) en fin de séquence : acide zolédronique, dénosumab ou séquence thérapeutique tériparatide, puis un antirésorbeur (accord professionnel).

Traitements adjuvants

► Les apports vitamino-calciques quotidiens optimaux doivent être d’au moins 1 000 mg à 1 200 mg chez les femmes ménopausées âgées de plus de 50 ans. On leur préconise de privilégier les apports alimentaires (accord professionnel) et d'évaluer ces derniers par un auto-questionnaire fréquentiel disponible en ligne (www.grio.org). L’efficacité de la supplémentation calcique administrée seule pour prévenir les fractures ostéoporotiques n'est pas démontrée.

► L’apport de vitamine D doit être envisagé pour atteindre un taux plasmatique optimal supérieur à 30 ng/mL. L’apport quotidien recommandé est 800 UI/j. Le dosage de la vitamine D peut être proposé à un patient chez qui un traitement anti-ostéoporotique va être introduit, en cas de chutes fréquentes, de pathologie ou de traitement inducteurs d’ostéoporose. Le suivi du dosage est indiqué en cas de malabsorption ou de carence initiale inférieure à 10 ng/ml (accord professionnel).

► Le calcium et la vitamine D sont indispensables mais pas suffisants pour traiter l’OP. Une méta-analyse récente des essais randomisés a montré que la supplémentation en calcium, en vitamine D ou les deux ne réduit pas à elle seule le risque fracturaire chez les sujets âgés vivant hors institution (4).

► La prévention des chutes est impérative chez les sujets âgés à risque dépistés par l’examen clinique (cf. supra). Il faudra être notamment attentif aux médicaments anti-hypertenseurs et aux somnifères, aux troubles orthopédiques des membres inférieurs (podologiques) et à l’aménagement du domicile.

SUIVI DES TRAITEMENTS

L’effet bénéfique du traitement anti-ostéoporotique doit être évalué deux à trois ans après son initiation (accord professionnel). Cette réévaluation ne signifie pas l’interruption du traitement à adapter selon la clinique, la DMO et l'évaluation morphologique du rachis (accord professionnel). La poursuite d’un traitement (le même ou un autre) dépend du risque initial et des résultats de la réévaluation (accord professionnel).

Un dosage des CTX sériques (pour les inhibiteurs de la résorption) peut être réalisé entre les troisième et douzième mois selon le traitement.

• L'effet pharmacologique attendu est une diminution de plus de 25 % par rapport à la mesure pré-thérapeutique, avec pour cible un dosage inférieur à la médiane des femmes non ménopausées.

• Si les CTX sériques sont élevés sous traitement, revoir les conditions de prise, et le cas échéant envisager un changement de traitement (accord professionnel).

• Une mesure de la DMO peut être proposée dans les 2 à 3 ans après le début du traitement, puis à la fin (accord professionnel). Les objectifs sont de vérifier l’absence de perte osseuse (définie par une baisse de plus de 0,03 g/cm2 de DMO) (accord professionnel) et d’évaluer la réponse osseuse aux traitements.

• La DMO en fin de séquence permet d’évaluer le risque de fracture dans les années qui suivent et de définir la valeur de densité osseuse pour laquelle le risque fracturaire est réduit à un niveau admissible.

• L’absence de perte osseuse (variation de la DMO ≤ 0,03 g/cm2) est l’objectif minimal pour tous les patients.

• Chez les patientes avec une DMO fémorale très basse, l’objectif est son augmentation significative, au minimum au-dessus de T > -2,5 voire > -2 au site fémoral.

QUAND ARRÊTER LES TRAITEMENTS ?

► Une interruption du traitement après trois à cinq ans est recommandée si les conditions suivantes sont réunies (accord professionnel) :

– Pas de fracture sous traitement

– Pas de nouveaux facteurs de risque (Tableau III)

– Pas de diminution significative de la DMO

– T-Score fémoral supérieur à -2,5 voire -2 (5).

► Une réévaluation après l’arrêt du traitement est recommandée après deux ans d’interruption.

► Un relais thérapeutique est conseillé après l’arrêt de certains traitements de l’ostéoporose (6) :

– Bisphosphonates après tériparatide

– Bisphosphonates pendant un an après dénosumab (7).

CONCLUSION

Ces recommandations du Grio ont beaucoup simplifié les indications de traitement, notamment pour les patients à haut risque fracturaire (règle du -1-2-3). Le traitement ne doit pas se limiter à la pharmacologie (prévention des chutes). Apparaît une notion de durée de traitement, de fenêtre thérapeutique et, dans certains cas, de planification immédiate de séquences thérapeutiques.

Bibliographie

1- http://www.Grio.org/documents/page/recommandations-opm-Grio-2016-2017.p…
2- Bliuc D, Nguyen ND, Milch VE, et al. Mortality risk associated with low-trauma osteoporotic fracture and subsequent fracture in men and women. JAMA 2009; 301:513-21.
3- Blain H et al. A comprehensive fracture prevention strategy in older adults: The European Union Geriatric Medecine Society (EUGMS) statement. J. Nutrit. Health Aging 2016;20:647-52.
4- Zhao J, Zeng X, Wang J, Liu L. Association between calcium or vitamin D supplementation and fracture incidence in community-dwelling older adults. A systematic review and meta-analysis, JAMA 2017;318(24):2466-2482.
5- Ferrari S, Adachi JD, Lippuner K et al. Further reduction in non vertebral fracture rate with long-term denosumab treatment in the FREEDOM open-label extension and influence of hip bone mineral density after 3 years. Osteoporos. Int. 2015;26:2763-71.
6- Leder BZ, Tsai JN, Uihlein AV. Denosumab and teriparatide transitions in postmenopausal osteoporosis (the data-switch study): extension of a randomised controlled trial. Lancet 2015;386:1147-55.
7- Lamy O, Gonzalez-Rodriguez E, Stoll D, Aubry-Rozier B. Dénosumab en routine clinique : précautions à prendre avant, pendant et après. Rev Med Suisse 2017 ; 13 : 863-6.

Bibliographie

1- http://www.Grio.org/documents/page/recommandations-opm-Grio-2016-2017.p…
2- Bliuc D, Nguyen ND, Milch VE, et al. Mortality risk associated with low-trauma osteoporotic fracture and subsequent fracture in men and women. JAMA 2009; 301:513-21.
3- Blain H et al. A comprehensive fracture prevention strategy in older adults: The European Union Geriatric Medecine Society (EUGMS) statement. J. Nutrit. Health Aging 2016;20:647-52.
4- Zhao J, Zeng X, Wang J, Liu L. Association between calcium or vitamin D supplementation and fracture incidence in community-dwelling older adults. A systematic review and meta-analysis, JAMA 2017;318(24):2466-2482.
5- Ferrari S, Adachi JD, Lippuner K et al. Further reduction in non vertebral fracture rate with long-term denosumab treatment in the FREEDOM open-label extension and influence of hip bone mineral density after 3 years. Osteoporos. Int. 2015;26:2763-71.
6- Leder BZ, Tsai JN, Uihlein AV. Denosumab and teriparatide transitions in postmenopausal osteoporosis (the data-switch study): extension of a randomised controlled trial. Lancet 2015;386:1147-55.
7- Lamy O, Gonzalez-Rodriguez E, Stoll D, Aubry-Rozier B. Dénosumab en routine clinique : précautions à prendre avant, pendant et après. Rev Med Suisse 2017 ; 13 : 863-6.

Liens d'intérêts

Le Dr éric Thomas déclare n'avoir aucun lien d’intérêts en relation avec cet article.


Dr Eric Thomas (PH, Responsable équipe médicale pathologies mécaniques du rachis et des articulations, département de rhumatologie, CHRU Lapeyronie, 34295 Montpellier).

Source : Le Généraliste: 2820