DÉFINITION
L’ostéoporose se définit avant tout par la présence d’une ou plusieurs fracture(s) par fragilité osseuse. En l’absence de fracture, le diagnostic d’ostéoporose peut être retenu si la densité minérale osseuse (DMO) est basse avec un T-score de DMO ≤ - 2,5.
Une fracture ostéoporotique est une fracture survenant en l’absence de traumatisme ou après un traumatisme de faible énergie comme une chute de sa hauteur. Les fractures emblématiques de l’ostéoporose sont celles des vertèbres, de la hanche et du poignet mais tous les os sont concernés, à l’exception des os du crâne, de la face, de la main et de l’avant-pied. En cas de fracture vertébrale située au-dessus de T4, il faudra évoquer une autre cause, tumorale par exemple, avant de retenir l’origine ostéoporotique.
En 2021, les premières recommandations françaises sur la prise en charge et le traitement de l’ostéoporose masculine ont été publiées à l’initiative du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) et de la Société française de rhumatologie (SFR), avec la participation des Sociétés françaises de chirurgie orthopédique, d’endocrinologie, de gériatrie et gérontologie, et d’urologie. Elles attirent l’attention des praticiens sur la fréquence des fractures de fragilité chez l’homme et leur gravité en termes de morbimortalité.
ÉPIDÉMIOLOGIE
20 à 25 % des fractures ostéoporotiques surviennent chez l’homme. L’ostéoporose ayant l’image d’une maladie féminine, elle est encore plus mal prise en charge chez l’homme que chez la femme. Une étude française récente montre que seuls 5 % des hommes hospitalisés pour fracture ostéoporotique reçoivent un traitement spécifique de l’ostéoporose dans l’année suivant l’hospitalisation vs 20 % des femmes.
La surmortalité après une fracture ostéoporotique est plus importante chez l’homme que chez la femme, quelle que soit la fracture. La fracture de hanche est associée à la plus grande surmortalité : un quart des hommes décèdent dans l’année suivant une fracture de hanche, avec un indice comparatif de mortalité (Standardized Mortality Ratio – SMR) à 3.
Comme chez la femme, la fracture précipite souvent la décompensation d’autres pathologies et la perte d’autonomie.
Enfin, la fracture est un facteur de risque de nouvelle fracture (avec un risque plus important au cours des trois années suivant la fracture index).
DIAGNOSTIC
Le diagnostic d’ostéoporose est à évoquer devant toute fracture non traumatique.
Une fracture ou un antécédent de fracture par fragilité osseuse est le témoin de la maladie ostéoporotique. La résistance osseuse dépend à la fois de la quantité osseuse (reflétée par la densité osseuse) et de la qualité osseuse ; la moitié des patients avec fractures ostéoporotiques ont des T-score de densité osseuse > - 2,5. Ainsi, quel que soit le T-score de masse osseuse, le diagnostic d’ostéoporose sera retenu dès lors qu’il existe une ou des fracture(s) non traumatique(s).
La fracture peut se révéler par la douleur et/ou l’impotence fonctionnelle, mais elle peut parfois être découverte fortuitement. C’est le cas de la moitié des fractures vertébrales. Ainsi, une ou des fracture(s) vertébrale(s) sera/seront recherchée(s) même en l’absence de douleur s’il existe une perte de taille (au moins 4 cm par rapport à la taille à 20 ans) ou une cyphose dorsale importante. Le diagnostic de fracture vertébrale ostéoporotique est plus difficile chez les hommes car ils ont davantage de fractures traumatiques liées aux accidents de la voie publique, au sport ou au travail et davantage de déformations rachidiennes comme des séquelles de la maladie de Scheuermann. En cas de découverte fortuite d’une fracture vertébrale à l’imagerie, il faudra savoir retrouver à l’interrogatoire ou en s’aidant d’anciennes imageries des antécédents même très anciens de traumatisme.
En l’absence de fracture, le diagnostic d’ostéoporose, comme chez la femme, pourra être retenu si le T-score de masse osseuse est ≤ - 2,5 sur un des sites de mesure (extrémité supérieure du fémur et/ou rachis lombaire).
FACTEURS DE RISQUE ET ÉTIOLOGIES
Quatre facteurs de risque principaux de fracture : âge, antécédent fracturaire, DMO basse et chute.
La diminution de masse osseuse chez l’homme est plus lente que chez la femme et l’incidence des fractures ostéoporotiques augmente à partir de l’âge de 70-75 ans. À partir de cet âge, l’incidence des fractures croît de manière exponentielle, comme chez la femme. Ainsi, en l’absence d’antécédent de fracture, la recherche des facteurs de risque de fracture est importante à partir de 70 ans, comme cela est fait chez la femme à partir de 50 ans.
L’antécédent personnel de fracture par fragilité osseuse est un facteur de risque de nouvelle fracture (risque relatif multiplié par deux) et son caractère récent est important à considérer dans l’évaluation du risque fracturaire : 20 % des patients ont une deuxième fracture dans l’année suivant la première fracture et un tiers dans les deux ans. Le risque de nouvelle fracture augmente avec l’âge et est d’autant plus important que la DMO est basse. Le risque de nouvelle fracture reste élevé jusqu’à dix années après la fracture initiale. Les antécédents parentaux (surtout maternels) de fractures de hanche sont également associés à une augmentation du risque de fracture chez les hommes.
Il existe un gradient de fracture avec la DMO : plus elle est basse, plus le risque de fracture augmente. Ainsi, le risque de fracture de hanche est multiplié par trois pour chaque diminution d’un écart-type de masse osseuse. La DMO à la hanche est plus informative et prédictive du risque de fracture. La DMO au rachis lombaire est souvent surestimée, surtout chez la personne âgée, par l’arthrose rachidienne et les calcifications aortiques.
L’autre facteur de risque majeur de fracture est la chute. Sa prise en charge est essentielle à la prise en charge de l’ostéoporose : limitation des médicaments inducteurs de chute, chaussage, aide technique à la marche…
Penser aux différentes étiologies de fragilité osseuse
D’autres facteurs de risque de perte osseuse sont à rechercher, les plus classiques étant l’alcoolisme, le tabagisme, la corticothérapie prolongée, la BPCO. De nombreuses maladies endocriniennes sont des facteurs de risque d’ostéoporose : hyperparathyroïdie, hypogonadisme spontané ou iatrogène, diabète de type 1 et 2… L’ostéoporose peut également être liée à des pathologies plus rares comme l’hémochromatose, la mastocytose ou une maladie génétique, qui requièrent alors un avis spécialisé.
Plus le sujet fracturé sera jeune, plus il faudra être exhaustif dans la recherche de ces facteurs de risque.
Plus les facteurs de risque sont nombreux, plus le risque de fracture ou de refracture augmente.
BILAN BIOLOGIQUE
Après une fracture, le bilan biologique minimal suivant est recommandé : calcémie, albuminémie, phosphatémie, créatininémie, électrophorèse des protéines sériques, hémogramme, CRP, 25(OH) vitamine D, phosphatases alcalines totales, transaminases, gamma GT, testostérone totale. Ce bilan permet d’éliminer une autre cause de fracture comme un myélome ou une ostéomalacie et de rechercher les étiologies les plus fréquentes d’ostéoporose secondaire.
D’autres éléments biologiques pourront être ajoutés en fonction des données cliniques et le bilan sera d’autant plus exhaustif que le sujet sera jeune, à la recherche de causes plus rares de fragilité osseuse : hémochromatose, maladie cœliaque, maladie de Cushing…
Les marqueurs du remodelage osseux ne sont pas à doser dans le bilan d’une fracture ou d’une DMO basse.
PRISE EN CHARGE
L’objectif de la prise en charge est d’éviter la survenue d’une fracture ou d’une nouvelle fracture.
La décision thérapeutique
La décision thérapeutique repose en premier sur l’existence ou non d’une fracture, son siège, sa sévérité.
Il est recommandé de réaliser une ostéodensitométrie avant la mise en route du traitement, elle guidera notamment la durée du traitement.
En cas de fracture par fragilité osseuse
Si la fracture est sévère (vertèbre, bassin, fémur, humérus), le traitement anti-ostéoporotique est toujours recommandé.
Si les T-score de DMO sont tous > - 1, il faudra se poser la question de l’origine ostéoporotique et ne pas hésiter à demander un avis spécialisé.
En cas de fracture non sévère (poignet, cheville), le traitement anti-ostéoporotique n’est pas obligatoire mais il est recommandé si l’un des T-score est ≤ - 2. Si les T-score de DMO sont tous > - 2, il faudra se poser la question de l’origine ostéoporotique. Le mécanisme de ces fractures est souvent à la frontière entre ce que l’on considère comme ostéoporotique et traumatique (fracture du poignet à la patinoire, fracture de cheville en se prenant le pied dans un trou en randonnée). La décision de traitement tiendra donc compte de la DMO, de l’âge et des autres facteurs de risque.
En l’absence de fracture, le traitement anti-ostéoporotique est recommandé si l’un des T-score est ≤ - 3, ce d’autant qu’il existe des facteurs de risque de fragilité osseuse ou un risque de chute.
Cas particulier : en cas de corticothérapie prolongée (> 7,5 mg de prednisone/j pendant plus de 3 mois), un traitement est systématiquement proposé en cas d’antécédent de fracture bien sûr, mais également quel que soit le T-score de DMO chez les hommes de plus de 50 ans.
Les traitements médicamenteux
La prescription tient compte des AMM, des conditions de remboursement et des contre-indications. Trois molécules sont disponibles en France : le risédronate 35 mg (un comprimé par semaine), l’acide zolédronique 5 mg (une perfusion annuelle), le tériparatide 20 µg (une injection sous-cutanée quotidienne). Le denosumab a une AMM mais n’est pas remboursé, il est donc préférable ne pas l’initier en médecine générale.
En présence de deux fractures vertébrales, le tériparatide (qui correspond à la séquence active de la parathormone humaine endogène) pourra être utilisé en première intention (condition de remboursement). Ce traitement est réalisé pendant 18 mois puis relayé par un bisphosphonate car il n’a pas de rémanence osseuse.
Dans les autres situations, et si la clairance de la créatininémie est > 35 ml/minute, les bisphosphonates oraux (risédronate 35 mg/semaine) ou intraveineux (acide zolédronique 5 mg) peuvent être utilisés. La voie intraveineuse sera à privilégier, notamment en cas d’antécédent de fracture de hanche, de polymédication ou de risque de non-observance.
Les mesures complémentaires
En association à ces traitements spécifiques de l’ostéoporose, on proposera :
de supprimer ou limiter les facteurs de risque favorisant l’ostéoporose comme le tabac, l’alcool…,
des mesures préventives pour limiter le risque de chute,
une supplémentation en vitamine D pour obtenir une concentration optimale en 25(OH) vitamine D > 75 nmol/L,
un apport calcique, en privilégiant les apports alimentaires, de 800 mg à 1 200 mg/jour (soit l’équivalent de trois produits laitiers par jour). En cas d’intolérance alimentaire aux laitages, on proposera une eau minérale riche en calcium,
une activité physique en charge, telle que la marche à pied, pendant au minimum 20 minutes par jour. Outre son effet positif sur le remodelage osseux, l’activité physique a un effet positif sur la masse musculaire et sur la diminution du risque de chute.
La durée du traitement et le suivi
Les mesures complémentaires doivent être pérennes.
Le traitement spécifique de l’ostéoporose est entrepris pour une période initiale de trois ans (trois années de risédronate ; trois perfusions d’acide zolédronique ; 18 mois de tériparatide puis un an de bisphosphonates). À la fin de cette période thérapeutique, la poursuite du traitement doit être réévaluée. Pour prendre une décision d’arrêt ou de poursuite du traitement, le clinicien doit disposer des éléments suivants : le détail des éventuelles nouvelles fractures, une imagerie du rachis actualisée, une nouvelle mesure de densité osseuse, les facteurs de risque de fracture du patient, son risque de chute.
Le traitement pourra être interrompu si le patient n’a pas eu de nouvelle fracture, si sa densité osseuse n’a pas baissé, s’il n’a pas de nouveau(x) facteur(s) de risque de fracture. Dans ce cas, une nouvelle évaluation osseuse sera réalisée deux ans plus tard.
Si le patient a eu une nouvelle fracture pendant la période initiale de traitement, et/ou si sa masse osseuse a baissé, et/ou si sa masse osseuse reste basse (T-score < - 2,5), et/ou s’il a de nouveaux facteurs de risque, le traitement sera poursuivi pour deux années supplémentaires avec une nouvelle évaluation à l’issue.
Dr Maia Bovard-Gouffrant (rédactrice) et le Pr Béatrice Bouvard (relecture - service de rhumatologie, CHU d’Angers)
BIBLIOGRAPHIE
1. « Recommandations françaises de la prise en charge
et du traitement de l’ostéoporose masculine », Revue
du rhumatisme, Volume 88, Issue 3, May 2021, Pages 173-182, https://doi.org/10.1016/j.rhum.2021.02.024
2. Ostéoporose masculine : des recommandations pour améliorer sa prise en charge, Revue du rhumatisme Volume 88, Issue 3, May 2021, Pages 173-182 ; Male osteoporosis: Recommendations to improve its treatment, Joint Bone Spine, Volume 88, Issue 5, October 2021, Pages 105250, https://doi.org/10.1016/j.rhum.2021.05.009
3. Update of recommendations on the prevention and treatment of glucocorticoid-induced osteoporosis. Joint Bone Spine 2014 ;81(6) :493-501.
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