Dans un contexte d’évolution de la pratique clinique ces dernières années et avec des patientes devenues des interlocutrices mieux informées, la Haute autorité de Santé (HAS) et le Collège des gynécologues et obstétriciens français ont produit en décembre 2017 des recommandations de pratique clinique sur l’endométriose, dont une synthèse spécifiquement destinée aux médecins généralistes. Récemment, la ministre de la Santé a souhaité inscrire le repérage de cette pathologie en cas de symptômes dans le calendrier de suivi obligatoire de l’adolescente et créer des filières régionales de soins dédiées. Cet article s’est attaché à développer les aspects spécifiques à la prise en charge en médecine générale.
HISTOIRE NATURELLE
La définition de l’endométriose est histologique, caractérisée par la présence de glandes ou de stroma endométrial en dehors de l’utérus. La prévalence de l’endométriose est difficile à estimer en population générale. Chez les femmes présentant des algies pelviennes chroniques, elle varierait de 2 à 74 % selon les études. Chez celles ayant des algies pelviennes aiguës, la prévalence de l’endométriose serait supérieure à 33 %.
La présence de glandes et/ou de stroma endométrial en dehors de l’utérus ne présage pas de son caractère pathologique ou symptomatique. L’endométriose n’est pas forcément responsable de douleurs ou d’infertilité. Il existe un consensus pour parler de maladie en cas de retentissement fonctionnel (douleur, infertilité) ou d'altération du fonctionnement d’un organe.
→ C’est une maladie multifactorielle, résultant de l’action combinée de facteurs génétiques, environnementaux et liés aux menstruations. L’exposition à ces dernières (premières règles précoces, volume menstruel important, cycles courts) est en effet associée à la présence d’endométriose. Le risque de développer cette pathologie pour les apparentées au premier degré est cinq fois plus élevé que dans la population générale. Néanmoins, il n’existe pas de données permettant de divulguer des conseils en prévention primaire de la maladie.→ En l'absence de symptôme, il n’est pas recommandé de proposer un dépistage systématique dans des populations à risque augmenté, que ce soit sur des facteurs génétiques ou sur des facteurs de risque menstruel.
LOCALISATIONS ANATOMIQUES
• Endométriose superficielle : endométriose limitée au péritoine.
• Endométriose profonde : endométriose qui infiltre l’espace rétropéritonéal ou les viscères (rectum, vagin, utérus, vessie, uretère, intestin
grêle, etc.).
• Endométriome ovarien : kyste endométriosique de l’ovaire.
DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION CLINIQUE
Signes cliniques
→ Variables d’une femme à l’autre, les principaux symptômes évocateurs et localisateurs de l’endométriose sont les dysménorrhées intenses (évaluées par une intensité de huit ou plus sur 10 sur une EVA, un absentéisme fréquent ou une résistance aux antalgiques de niveau 1) ; les dyspareunies profondes ; les douleurs à la défécation à recrudescence cataméniale ; les signes fonctionnels urinaires à recrudescence cataméniale ; l’infertilité.
À noter que les symptômes douloureux comme la dysménorrhée intense ou les dyspareunies profondes sont fréquents en population générale et ne sont pas systématiquement reliés à l’endométriose.
→ Dans le cadre de l’évaluation de l’intensité de la douleur ou de l’évaluation de l’efficacité antalgique d’un traitement, il est recommandé d’utiliser des échelles de mesure.
En cas de syndrome de sensibilisation, une évaluation et une prise en charge algologique conformes aux recommandations habituelles pour toutes les douleurs chroniques sont recommandées.
→ En cas de dysménorrhée isolée, sans autre symptôme douloureux ni souhait de grossesse immédiat, la recherche d’une endométriose n’est pas recommandée en cas d’efficacité de la contraception hormonale sur la dysménorrhée.
Examen clinique
→ Évaluer la douleur, son intensité (l’usage d’une échelle d’évaluation de la douleur est recommandée) et son retentissement. L’endométriose peut être associée à une modification des seuils douloureux avec une discordance anatomo-clinique (phénomène de sensibilisation). Une évaluation interdisciplinaire peut être nécessaire en cas de douleurs chroniques.
→ Évaluer la qualité de vie avec le questionnaire de qualité de vie Endometriosis Health Profile-30 (EHP-30 et EHP-5) ou le questionnaire SF-36.
→ Un examen gynécologique orienté est recommandé, quand il est possible, incluant l’examen du cul-de-sac vaginal postérieur. La visualisation de lésions bleutées à l’examen au spéculum du vagin, la palpation de nodules au niveau des ligaments utérosacrés ou du cul-de-sac de Douglas, une douleur à la mise en tension des ligaments utérosacrés, un utérus rétroversé ou des annexes fixées au toucher vaginal sont associés à l’existence d’une endométriose.
EXAMENS DE PREMIÈRE INTENTION
La recherche d’une endométriose requiert un examen clinique orienté (lire ci-dessus) et l’échographie pelvienne.
→ L’échographie endovaginale est une technique performante pour affirmer ou infirmer, en présence d’un aspect typique, le diagnostic d’endométriome (endométriose ovarienne) pouvant être réalisé par un échographiste non expert en endométriose. Il doit être posé avec prudence après la ménopause pour ne pas méconnaître une tumeur maligne.
→ En cas de masse ovarienne indéterminée (non typique d’endométriome) en échographie, une IRM pelvienne et/ou une nouvelle échographie par un expert sont recommandées. L’échographie pelvienne et l’IRM pelvienne ont des performances similaires pour le diagnostic d’endométriose ovarienne typique.
→ Chez les patientes présentant un endométriome, la fréquence des lésions d’endométriose profonde associées est élevée.
EXAMENS DE DEUXIÈME INTENTION
En cas de douleurs pelviennes chroniques, il est recommandé de rechercher une endométriose profonde, de même en cas de douleur à la défécation pendant les règles, de signes urinaires cycliques, de dyspareunie profonde intense, ou d’infertilité associée.
→ Les examens de deuxième intention sont :
• L'examen pelvien orienté (clinicien référent), avec la recherche d’une endométriose profonde en cas de douleur à la défécation pendant les règles, de signes urinaires cycliques, de dyspareunie profonde intense ou d’infertilité associée ;
• L’IRM pelvienne (interprétée par un radiologue référent) ;
• L’échographie endovaginale (réalisée par un échographiste référent).
→ Les performances de l’échographie pelvienne dans le diagnostic de l’endométriose profonde s’accroissent avec l’expérience de l’opérateur. En présence d’une lésion profonde caractérisée en échographie, associée à des signes évocateurs (douleurs ou infertilité), il est possible de retenir le diagnostic d’endométriose profonde. Mais l’absence de lésion visible à l’échographie n’élimine pas le diagnostic.
→ L’IRM pelvienne est plus sensible et moins spécifique que l’échographie endovaginale pour diagnostiquer l’atteinte des ligaments utérosacrés, du vagin et de la cloison recto-vaginale. Elle permet la détection de localisations spécifiques, comme l’atteinte des paramètres ou bien des localisations digestives extra-pelviennes.
→ L’échographie pelvienne et l’IRM apportent des informations différentes et complémentaires. La réalisation de ces deux examens est à discuter en fonction du type d’endométriose suspecté, de la stratégie thérapeutique envisagée et de l’information à donner à la patiente.
LES TRAITEMENTS MÉDICAUX
Les traitements hormonaux
L’endométriose doit être traitée lorsqu’elle a un retentissement fonctionnel (douleur, infertilité) ou lorsqu’elle entraîne une altération du fonctionnement d’un organe.
→ La contraception par œstroprogestatifs (COP) diminue les dysménorrhées (baisse de l'EVA de 3 à 9 points sur 10), les dyspareunies et les douleurs pelviennes chroniques. En pratique clinique, l’aménorrhée fait disparaître/diminuer la dysménorrhée. Néanmoins, il n’existe pas de preuve solide d’une supériorité du schéma continu ou cyclique de la contraception œstroprogestative. Le dosage d'EE (20 vs 35 μg) n'influence pas l'efficacité antalgique.
→ Le système intra-utérin au lévonorgestrel 52 mg permet une réduction des scores de douleur (diminution de l'EVA d'environ 6 points sur 10) chez les patientes non opérées. Mais il n’a pas été évalué vs COP.
→ Les traitements hormonaux de deuxième intention sont :
– la contraception microprogestative orale au désogestrel ;
– l'implant à l'étonogestrel ;
– les GnRHa associés à une add-back therapy ;
– le diénogest.
→ En cas de prescription d’un GnRHa dans un contexte d’endométriose, prescrire une add-back therapy (thérapie de soutien) comportant un œstrogène afin de prévenir la baisse de densité minérale osseuse et d'améliorer la qualité de vie des patientes. L’AMM recommande d’y adjoindre un progestatif et de prescrire add-back therapy avant le 3e mois pour limiter les effets secondaires.
→ Chez l’adolescente, il convient de prescrire une contraception oestroprogestative ou microprogestative en première intention, en l’absence de contre-indication. En cas d’échec, demander un avis spécialisé.
Les antalgiques et les approches non médicamenteuses
Les AINS au long cours sont à éviter en raison de leurs effets secondaires gastriques et rénaux. En cas de suspicion d’une origine neuropathique de la douleur, un traitement spécifique peut être proposé.
Des options thérapeutiques non médicamenteuses peuvent complémenter la prise en charge médicale de l’endométriose : l’acupuncture, l’ostéopathie et le yoga. Il n’existe pas de données sur l’efficacité des régimes alimentaires ou des suppléments vitaminiques.
LE TRAITEMENT CHIRURGICAL
Le choix de la chirurgie est guidé par l’efficacité et les effets indésirables des traitements médicamenteux, l’intensité et la caractérisation de la douleur, la sévérité et la localisation des lésions, les attentes de la patiente et son éventuel souhait de grossesse. Lors d’un traitement chirurgical de l’endométriose, la voie coelioscopique est d’abord recommandée.
E1. MÉCANISMES DE LA DOULEUR
• Les mécanismes à l’origine des douleurs associées à l’endométriose sont multiples et complexes.
• Certaines douleurs sont d’origine nociceptive, favorisées par l’inflammation, peuvent provenir d’un stimulus lésionnel (telle l’infiltration par le processus endométriosique) ou fonctionnel (contraction utérine, par exemple). Il existe ainsi une corrélation significative entre la localisation des lésions d’endométriose et le type de douleur. Par exemple, une dyspareunie profonde peut traduire la présence de lésions au niveau des ligaments utérosacrés, du cul-de-sac de Douglas, du cul-de-sac vaginal postérieur ou de la face antérieure du moyen rectum. La présence d’une dyschésie ou d’une dysurie avec une recrudescence prémenstruelle témoigne respectivement de localisations rectale ou vésicale. La dysménorrhée serait plutôt corrélée à une production excessive de prostaglandines aboutissant à une hypertonie du myomètre et à une ischémie secondaire. L’adénomyose associée à l’endométriose a également une part de responsabilité dans les douleurs.
• Certaines patientes endométriosiques souffrent également d’une hyperalgie, c’est-à-dire d’une sensation douloureuse d’intensité anormalement élevée à la suite d’une stimulation variable. Il s’agit en fait d’une altération de la nociception, caractérisée par une sensation excessive de la douleur et caractéristique des douleurs neuropathiques. Ce phénomène est généralement provoqué par un stimulus inflammatoire (souvent en cause dans l’endométriose) ou une atteinte directe des nerfs périphériques. L’environnement pro-inflammatoire créé par les lésions d’endométriose peut aussi promouvoir l’activation de récepteurs nociceptifs, le développement des fibres nerveuses, une néo-neurogénèse locale, aboutissant à une hyperalgie.
• Enfin, la présence d’endométriose peut également être associée avec une perception accrue de la douleur, en raison d’une modulation anormale de l’influx nerveux douloureux au niveau du cortex cérébral, ce que l’on appelle la sensibilisation centrale. Il s’agit de mécanismes conduisant à la présence d’une hyperexcitabilité des neurones nocicepteurs médullaires et surtout responsables de douleurs chroniques.
Bibliographie
1- HAS, CNGOF. Prise en charge de l’endométriose. Messages clés destinés au médecin généraliste. Décembre 2017. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-01/pr…
2- HAS, CNGOF. Prise en charge de l’endométriose. Recommandation de bonne pratique. Argumentaire. Décembre 2017. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-01/pr…
3- P. Collinet, X. Fritel, C. Revel-Delhom et al. Prise en charge de l’endométriose : recommandations pour la pratique clinique CNGOF-HAS (texte court). Hynécologie Obstétrique Fertilité et Sénologie. Volume 46, Issue 3, Mars 2018, 144-155.
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