L’ostéoporose (OP) est une maladie diffuse du squelette, caractérisée par une masse osseuse faible et une détérioration de la micro-architecture de l’os conduisant à une fragilité osseuse accrue et à une augmentation secondaire du risque de fracture. Selon la définition de l’OMS, l’OP se caractérise par une densité osseuse inférieure à 2,5 écarts-types en dessous de la moyenne des adultes jeunes (T-Score).
QUAND TRAITER ?
► L’indication thérapeutique dans l’OP est basée sur la présence ou non de fractures et leurs types (sévères ou non sévères) et la mesure de la densité osseuse au rachis lombaire et à la hanche (figure 1). Il existe en effet un gradient de risque entre le T-Score et le risque de fracture. Plus le T-Score est bas et plus le risque fracturaire augmente. Les indications de la réalisation d’une ostéodensitométrie doivent cependant être respectées pour que l’examen soit remboursé (tableau 1).
► Le traitement de l’ostéoporose repose sur une stratégie visant à empêcher l’apparition de fractures ou de réduire l’incidence des récidives (tableau 2).
♦ Devant une fracture sévère (hanche, humérus, vertèbre, bassin) survenue en l’absence d’un traumatisme important, il est recommandé de traiter si le T-Score est < -1 (accord professionnel).
♦ Devant une fracture non sévère (par exemple le poignet), une ostéodensitométrie est également réalisée car la décision thérapeutique sera prise en fonction du chiffre de T-Score :
– Si le T-Score est > - 1 : pas de traitement
– Si le T-Score est compris entre - 1 et - 2 : l’avis d’un spécialiste et l’usage d’autres outils de prédiction du risque sont recommandés (par exemple le FRAX).
– Si le T-Score est ≤ - 2 : le traitement est recommandé.
♦ En l’absence de fracture. L’ostéodensitométrie s’impose avant toute décision thérapeutique (grade A). Par accord professionnel, le chiffre de T-Score est décisionnel.
– Si le T-Score > - 2 : le traitement n’est pas recommandé.
– Si le T-Score est ≤ - 3 : le traitement est recommandé.
– Si le T-Score est compris entre - 2 et - 3 : l’avis d’un spécialiste et l’usage d’outils de prédiction du risque sont recommandés.
RECOMMANDATIONS DE TRAITEMENT
1. Chez les patients ayant une fracture de l’extrémité supérieure du fémur (ESF), l’acide zolédronique est à considérer en première intention car il est le seul traitement ayant montré un effet anti-fracturaire dans une telle population (grade A).
2. Chez les patients ayant au moins deux fractures vertébrales prévalentes, le tériparatide peut être prescrit en première intention au moment du diagnostic (grade A).
3. Chez des femmes de moins de 65 ans avec une ostéoporose nécessitant un traitement, le raloxifène est recommandé si le risque de fracture non vertébrale est faible, notamment en l’absence des éléments suivants : T-score bas à la hanche, facteurs de risque de chute et antécédent de fracture non vertébrale (grade A).
4. Chez une femme âgée de moins de 60 ans ayant des troubles climatériques et une ostéoporose sans fracture sévère, un THS peut être envisagé (grade A).
5. En cas de DMO très abaissée (T ≤ - 3) avec ou sans fracture, des moyens thérapeutiques injectables peuvent être utilisés pour atteindre une cible densitométrique (au minimum T > - 2.5 à - 2 à la hanche) en fin de séquence : acide zolédronique, dénosumab ou séquence thérapeutique tériparatide suivi d’un antirésorbeur (accord professionnel).
TRAITEMENTS ADJUVANTS
Les apports quotidiens optimaux de calcium doivent être d’au moins 1 000 mg à 1 200 mg chez les femmes ménopausées âgées de plus de 50 ans.
► Privilégier les apports alimentaires (accord professionnel).
► Évaluer les apports alimentaires par un auto-questionnaire fréquentiel disponible en ligne (http://www.grio.org/espace-gp/calcul-apport-calcique-quotidien.php). L’apport de vitamine D doit être envisagé pour atteindre un taux plasmatique optimal supérieur à 30 ng/ml.
L’apport quotidien recommandé est 800 UI/j. Le dosage de la vitamine D peut être proposé à un patient chez qui un traitement anti-ostéoporotique va être introduit, en cas de chutes fréquentes, de pathologies ou traitements inducteurs d’ostéoporose. Le suivi du dosage est indiqué en cas de malabsorption ou de carence initiale inférieure à 10 ng/ml (accord professionnel).
SUIVI DES TRAITEMENTS
L’effet bénéfique du traitement anti-ostéoporotique doit être évalué deux à trois ans après son initiation (accord professionnel). Cette réévaluation ne signifie pas l’interruption du traitement et doit être de plusieurs ordres : clinique, ostéodensitométrique, morphologique et biologique.
► L'examen clinique comporte le recueil des événements fracturaires, la recherche de nouveaux facteurs de risque et/ou maladies inductrices d’ostéoporose, l’évaluation du risque de chutes (chutes récentes, facteurs de risque de chutes), la tolérance et l’observance des traitements. La mesure de la taille est aussi à prévoir : les fractures vertébrales sont responsables d’une diminution de la taille, dont la réduction (à mesurer une fois par an chez les sujets ostéoporotiques) est donc un signe d’alerte non spécifique de pathologie rachidienne. Les patientes traitées pour ostéoporose doivent être informées du risque très faible d’ostéonécrose de la mâchoire et de fracture atypique fémorale sous traitement par biphosphonates et denosumab.
► Une mesure de la DMO peut être proposée dans les deux à trois ans après le début du traitement et en fin de séquence de traitement (accord professionnel).
L’objectif est de vérifier l’absence de perte osseuse (définie par une de plus de 0,03 g/cm2 de DMO) (accord professionnel) et d’évaluer la réponse osseuse aux traitements. La DMO en fin de séquence permet d’évaluer le risque de fracture dans les années qui suivent et de préciser la valeur pour laquelle le risque fracturaire est réduit à un niveau admissible. L’absence de perte osseuse (variation de la DMO ≤ 0,03 g/cm2) doit être l’objectif minimal pour tous.
Chez les patientes avec une DMO fémorale très basse, l’objectif est une augmentation significative de la DMO, au minimum au-dessus de T > - 2,5 voire > - 2 au site fémoral.
► L’évaluation morphologique du rachis à la recherche d’une fracture vertébrale (radiographies ou VFA (Vertebral Fracture Assessment) est indiquée chez une femme ménopausée traitée s’il existe des rachialgies et/ou une perte de taille prospective ≥ 2 cm (accord professionnel).
► Un dosage des CTX sériques (pour les inhibiteurs de la résorption) peut être réalisé entre les troisième et douzième mois, selon le traitement (lire encadré E1). L’effet pharmacologique attendu d’un inhibiteur de la résorption est une diminution de plus de 25 % du CTX sérique par rapport à la mesure pré-thérapeutique avec pour cible un dosage inférieur à la médiane des femmes non ménopausées. Si le CTX sérique reste élevé sous traitement, revoir les conditions de prise (observance), et le cas échéant envisager un changement de traitement (accord professionnel).
► La poursuite d’un traitement (le même ou un autre) dépend du risque initial et des résultats de la réévaluation (accord professionnel).
E1. Les marqueurs du remodelage osseux
Le tissu osseux est en constant remodelage. La forme majoritaire de collagène du tissu osseux est de type 1. En phase de résorption, la dégradation de ce collagène de type 1 libère des fragments réticulés provenant de ses extrémités (NTx et CTx). Ces marqueurs de la résorption osseuse n’ont pas de valeur diagnostique : la corrélation entre DMO et concentrations de NTx et CTx est faible. L’augmentation des marqueurs de résorption chez les femmes ménopausées peut aider à la décision thérapeutique, selon le contexte clinico-radiologique.
Parmi les facteurs de variabilité intra-individuelle, estimée à 25 % – 55 %, on retrouve : – le rythme nycthéméral (prélever de préférence le matin à la même heure), – l’alimentation (prélever à jeun), – l’activité physique (éviter un alitement de plus de deux jours avant prélèvement), – une consommation excessive d’alcool et de tabac.
QUAND ARRETER LES TRAITEMENTS ?
► Une interruption du traitement après 3 à 5 ans est recommandée si les conditions suivantes sont réunies (accord professionnel) :
– Pas de fracture sous traitement
– Pas de nouveaux facteurs de risque (tableau 3)
– Pas de diminution significative de la DMO
– T-Score fémoral supérieur à - 2,5 voire à - 2
► Une réévaluation après l’arrêt du traitement est recommandée après deux ans d’interruption
► Un relais thérapeutique est conseillé après l’arrêt de certains traitements de l’ostéoporose :
– Biphosphonates après tériparatide– Biphosphonates pendant un an après dénosumab (voir encadré E2).
E2. Dénosumab et fractures :
la polémique de l’été 2018
Le Monde a publié le 25 juin 2018 un article intitulé : "Ostéoporose, le piège du Prolia, médicament « miracle » qui a mis le feu aux poudres". Le journal reprenait une publication d’auteurs suisses (2) faisant état de fractures vertébrales multiples survenues à l’arrêt du Prolia. L’ANSM avait de son côté recensé 11 cas du même type depuis 2011 et la revue Prescrire avait placé le Prolia sur sa liste noire des médicaments depuis 2013.
Le mécanisme retenu pour ces complications fracturaires graves est une activation brutale de la résorption osseuse à l’arrêt du Prolia entraînant une diminution de la densité osseuse.
Pour l’ANSM, qui a lancé une enquête de pharmacovigilance, le rapport bénéfice/risque du Prolia reste positif et les patientes ne doivent pas arrêter leur traitement sans avis médical. Le GRIO recommande de prendre systématiquement à l’arrêt du Prolia un relais par un inhibiteur efficace de la résorption osseuse pendant un an. Le Prolia est remboursé par la sécurité sociale à 65 % uniquement dans l'indication « Traitement de l'ostéoporose postménopausique chez les patientes à risque élevé de fracture », en deuxième intention en relais d'un traitement par bisphosphonates.
CONCLUSION
Les nouvelles recommandations du GRIO ont beaucoup simplifié les indications de traitement, notamment pour les patients à haut risque fracturaire. Il apparaît dans ces recommandations une notion de suivi thérapeutique afin de préciser la durée optimale de traitement, d’envisager d’éventuelles fenêtres thérapeutiques et, dans certains cas, de planifier d’emblée des séquences thérapeutiques.
Bibliographie
1- Karine Briot, Christian Roux, Thierry Thomas et col. Actualisation 2018 des recommandations françaises du traitement de l’osteoporose post-ménopausique. Revue du Rhumatisme. https://doi.org/doi:10.1016/j.rhum.2018.02.005 http://www.grio.org/documents/page240/recosoppm2018-revrhum.pdf
2- Lamy O, Gonzalez-Rodriguez E, Stoll D, Aubry-Rozier B. Rev Med Suisse 2017 ;13 :863-6.
3- HAS. Les médicaments de l'ostéoporose. Fiche bon usage. Juillet 2014. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1751307/fr/les-medicaments-de-l…
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