Une prescription de tramadol a été faite chez M. A, 50 ans, opéré d'une prothèse de genou pour réduire les douleurs post-opératoires. Vu la persistance de ces dernières, le traitement a été renouvelé à plusieurs reprises par différents médecins et se disant insuffisamment soulagé, M. A a augmenté la dose journalière à 300/400 mg par jour. Il se plaint d'effets secondaires à type de somnolence et de constipation. Néanmoins, toutes ses tentatives d'arrêt du tramadol se sont soldées par des symptômes de sevrage avec sueurs et angoisses qui l'ont amené à reprendre le traitement. Il souhaiterait pouvoir arrêter le traitement mais craint « de ne pouvoir s'en passer ». Pour son médecin traitant, il s'agit avant tout d'évaluer la dépendance physique et psychique de son patient vis-à-vis de l'opioïde.
BILAN DE LA RELATION MÉDICAMENT/MALADE
Première étape, le médecin doit réévaluer la douleur. Le maintien et l'augmentation des doses de l'antalgique peuvent être liés à la persistance de la douleur : dans le cas de M. A, une consultation auprès de son chirurgien peut vérifier l'absence de problème à ce niveau. Il faut aussi bien analyser ce qui revient au nociceptif et ce qui relève du neuropathique dans la douleur, afin d'éventuellement rectifier le traitement.
› Tous les antalgiques de palier II peuvent provoquer une pharmacodépendance. Dans la plupart des cas, comme chez Mr A, l'histoire commence avec une prise d'antalgiques à but thérapeutique sous prescription médicale; la prolongation du traitement et/ou l'augmentation des doses installe insidieusement la dépendance et les essais de sevrage échouent. Dans un certains nombres de cas, les opioïdes faibles sont volontairement détournés de leur usage et consommés pour leurs effets psycho-actifs.
› Les essais d'arrêt brutal du traitement peuvent être entravés par le syndrome de sevrage – sueurs, douleurs, anxiété, confusion, agitation – incitant à sa reprise.
› Les effets secondaires des opioïdes faibles les plus fréquents (codéïne, tramadol, poudre d’opium) sont les nausées, la constipation, la somnolence, dangereuse pour la conduite, et, plus rarement, des sensations vertigineuses, une dépression respiratoire, des états confusionnels, des hallucinations, des réactions allergiques cutanées. Le risque de détresse respiratoire en cas de surdosage est rare mais réel. Ces manifestations iatrogènes sont cependant négligées chez les patients dépendants.
PROPOSER LE SEVRAGE PROGRESSIF
Le patient doit se sentir entouré et soutenu pour accepter le sevrage qui nécessite sa totale adhésion.
› Pour les trois opioïdes faibles, la diminution des doses doit être progressive. D’après les résultats d’une enquête pilote, les médecins exerçant en algologie pratiquent une diminution de 25% de la dose tous les 10 jours, alors que les addictologues proposent une diminution de 15% de la dose tous les
10 jours (1). Les difficultés sont relativement fréquentes, et en particulier lors du passage de la dose la plus faible à l'arrêt total.
› En cas d'échec du sevrage, le médecin orientera son patient vers un algologue, s'il est lié à la persistance de la douleur, cas le plus fréquent pour le tramadol, ou vers un addictologue. Exceptionnellement, dans les addictions sévères à la codéine, il pourra être envisagé par le spécialiste un traitement de substitution.
PRÉVENIR LA DÉPENDANCE AUX ANTALGIQUES OPIO??DES FAIBLES
Le risque de dépendance est toujours présent, même à doses thérapeutiques, et les syndromes de sevrage s'observent dès 1 à 2 mois de traitement.
Avant la prescription, le médecin doit évaluer le risque ultérieur de dépendance, lié au contexte psychologique, à l’existence de comorbidités psychiatriques ou d’addiction à toute substance, légale ou non.
› Un patient douloureux sous antalgiques doit être revu régulièrement. Pour limiter les risques d’effets indésirables, il convient de s’assurer que le patient ne prend pas d’antalgiques supplémentaires, en auto-médication. Lorsque la douleur est insuffisamment calmée, il ne faut pas s'obstiner dans l'escalade des doses et de la durée, mais potentiellement changer de molécule (variabilité inter-individuelle des effets analgésiques de la codéine et du tramadol en raison du polymorphisme génétique des enzymes hépatiques impliquées dans leur métabolisme), tenir compte de l’origine de la douleur et de l’intérêt potentiel d’avoir recours à des thérapeutiques non médicamenteuses.
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