Hervé, 56 ans, présente depuis 5 jours une lésion indolore, apparue de manière soudaine, au niveau de sa verge. Il a consulté le service d’urgence proche de son domicile et on lui a prescrit un antirétroviral car la lésion observée serait en relation avec un herpès, ce qui a déplu à Hervé, qui n’a pas pris le traitement. Nous avons interrogé Hervé, qui a précisé être un adepte des lieux échangistes et affirme prendre « toutes » les précautions (la PrEP… mais sans utiliser de préservatifs) pour éviter d’être contaminé par le VIH.
Sur un plan clinique, il existe une lésion qui a un aspect fibrineux siégeant au niveau balanopréputial avec, sur un des bords, un aspect ulcéré (flèche verte), mais aussi un œdème du prépuce (flèche rouge). Compte tenu de ce tableau clinique non douloureux et du comportement sexuel du patient, nous avons effectué un bilan biologique à la recherche d’une syphilis, diagnostic qui a été confirmé. Nous sommes donc en présence d’un chancre syphilitique.
INTRODUCTION
Jusque dans les années 2000, la syphilis était devenue une infection sexuellement transmissible (IST) anecdotique. À partir de cette date, le nombre de cas enregistrés a augmenté de manière significative du fait d’une plus grande insouciance des patients, qui savent que le VIH peut être traité et que, plus récemment, la PrEP évite de manière quasi certaine une contamination.
Santé publique France indique qu’en 2020, le nombre de nouveaux cas de syphilis est de 2 500 et, dans 61 % des cas, il concerne les hommes ayant des rapports avec des hommes (HSH).
Le nombre de cas de syphilis est prépondérant en zone urbaine. L’âge moyen de diagnostic est de 37 ans chez les HSH, 36 ans chez les hommes hétérosexuels et 32 ans chez les femmes hétérosexuelles.
SYMPTOMATOLOGIE
Le chancre, qui est la première manifestation clinique de la syphilis (syphilis primaire), survient après une latence suite à la contamination qui varie entre 10 jours et 3 mois.
Il se caractérise par une ulcération (ou plutôt exulcération) dans la majorité des cas unique, indolore, bien limitée et superficielle.
Son diamètre varie entre 5 et 20 mm, et il repose sur une base indurée qui induit une difficulté à plisser la lésion lors d’une palpation bidigitale.
Des formes cliniques diverses peuvent être observées : punctiforme (qui peut se confondre avec un herpès), inflammatoire en cas de surinfection, balanite érosive étendue de Follmann (forme très étendue), lymphangite sclérosante.
Chez l’homme, le plus souvent, le chancre est observé au niveau du sillon balanopréputial (aspect en feuillet de livre).
Cependant, il est possible d’objectiver cette formation au niveau du méat (avec écoulement urétral), du gland, du prépuce avec parfois un phimosis (configuration d’une verge en battant de cloche), et plus rarement au niveau du fourreau.
Chez la femme, il atteint souvent la vulve, mais passe inaperçu en cas de localisation vaginale ou du col utérin.
D’autres localisations en dehors de la zone génitale sont également possibles : au niveau buccal (langue, lèvres ou amygdales), au niveau anal ou digital.
En parallèle, on observe souvent des adénopathies inguinales (dès le 4e jour) composées de ganglions de petite taille avec en partie centrale un plus gros (le préfet de l’aine).
En l’absence de traitement, le chancre disparaît au bout de 3 à 5 semaines.
DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE
Le diagnostic repose le plus souvent sur la réalisation de tests sérologiques – non tréponémique (VDRL) et tréponémique spécifique (TPHA). En pratique, il est actuellement recommandé, en première intention, de recourir à un test tréponémique spécifique qui est complété en cas de positivité d’un test non tréponémique.
Le traitement repose sur l’administration de benzathine benzylpénicilline à raison de 2,4 MU en une seule injection intramusculaire.
En cas d’allergie aux pénicillines, il est possible de prescrire de la doxycycline à raison de 100 mg deux fois par jour durant 2 semaines.
Par ailleurs, chez ces patients, il est important d’effectuer un dépistage des autres IST, mais aussi de demander un recontrôle du titre du VDRL à 6 mois, 1 et 2 ans.
Le but est de s’assurer de la réduction du titre du VDRL (négativation au bout de 24 mois), et ainsi avoir la certitude que le sujet a été bien traité ou n’est pas recontaminé.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Widad Gallaf (interne en médecine générale à Montpellier), Thomas Duboux et Madeleine Stoumen (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
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