RAPPEL ANATOMIQUE
Le canal lombaire normal
Il existe au niveau de la colonne vertébrale lombaire trois canaux : le canal central ou foramen vertébral, le récessus latéral (portion latérale du canal central)(ou trou de conjugaison, également appelé foramen latéral, mais aussi foramen tout court en langage courant) et le foramen intervertébral. Les parties molles - ligaments jaunes, capsules, ligament longitudinal dorsal - peuvent participer à la compression.
Les niveaux les plus touchés par ordre de fréquence sont L4/L5, L3/L4 et plus rarement L2/L3 ou L5/S1
Canal lombaire étroit ou rétréci : une définition simple
Le canal lombaire étroit ou rétréci est défini anatomiquement par une réduction du canal lombaire se caractérisant par une perte de réserve épidurale responsable de compression des structures nerveuses et vasculaires et cliniquement par un syndrome douloureux radiculaire.
UNE PATHOGENIE COMPLEXE
La pathogénie du CLE est complexe et n’est pas complètement élucidée. Elle associe probablement plusieurs facteurs : anatomique (statique et/ou dynamique), biochimique, neuropathique et vasculaire. Ceci explique la variété des symptômes, l’évolution imprévisible et l’absence de corrélation anatomo-clinique (4).
Un processus dégénératif lent
Dans la majorité des cas, le CLE correspond à un processus dégénératif, lié au vieillissement naturel de la colonne vertébrale lombaire. Le CLE peut ainsi être associé à un spondylolisthésis dit dégénératif (le spondylolisthésis par lyse isthmique n'entraîne qu'une sténose foraminale). Le canal lombaire étroit dégénératif comprend des lésions de l'ensemble des constituants du segment mobile. Les lésions arthrosiques sont responsables du rétrécissement du canal lombaire : protrusion discale, ostéophytose disco-somatique ou articulaire postérieure, hypertrophie ligamentaire (ligament jaune, interlamaire).
L’évolution est progressive et se déroule en plusieurs étapes : elle débute par des fissurations discales ou de micro-déchirures capsulaires, suivies d'un pincement discal qui entraîne l’apparition d'ostéophytes. Au dernier stade, il existe une hypertrophie des articulations, un épaississement des ligaments et des capsules articulaires. Ces phénomènes dégénératifs touchent autant le canal central que les récessus latéraux et les foramens intervertébraux.
En principe, on admet une sténose canalaire lorsque le diamètre sagittal du canal est inférieur à 10 mm sur la ligne médiane. Les mesures de la surface sont de plus en plus utilisées, mais leurs variations sont assez larges chez les sujets asymptomatiques (86 à 230 mm2) (2)
La sténose peut être localisée dans le canal rachidien, elle est alors centrale ou foraminale, ou être localisée dans les récessus latéraux ou encore être diffuse. Elle peut intéresser un seul étage ou plusieurs.
La station debout entraine un bombement des éléments ligamentaires dans le canal ce qui en réduit les dimensions et permet de comprendre pourquoi les symptômes sont majorés dans cette position. Pour diminuer la gêne les patients ont ainsi tendance à marcher en position plus ou moins antéfléchie.
LES ASPECTS CLINIQUES
Claudication intermittente et syndrome postural sont caractéristiques
Le CLE symptomatique concerne généralement des patients de plus de 60 ans. D’évolution lente, les symptômes sont présents en général depuis des années avant que le patient ne se décide à consulter en raison de l’augmentation de leur intensité. Des lombalgies sont présentes dans 90 % des cas, mais leur absence n’exclut pas le diagnostic.
-› La claudication intermittente ou claudication radiculaire : les patients se plaignent de radiculalgies uni ou bilatérales apparaissant ou s’exacerbant après 5 à 10 minutes de marche et obligeant l’arrêt. Elles peuvent aussi être déclenchées par la station debout prolongée. Elles cessent après 5 à 10 minutes de repos et réapparaissent après un temps de marche identique. Ce périmètre de marche est assez constant pour un même malade. Les symptômes sont mal systématisés, ils sont davantage pénibles que franchement douloureux et souvent qualifiés de bizarres : douleurs, sensations de lourdeur, fourmillements des membres inférieurs de topographie diffuse pouvant s’accompagner de crampes. La topographie radiculaire de la douleur ou des paresthésies peut être sciatique, crurale ou périnéale.
-› Syndrome postural : la station assise, la position antéfléchie ou l’accroupissement soulage rapidement le patient. Une attitude de cyphose antalgique peut être à l’origine d’une démarche « penchée en avant ». Les difficultés à la marche décrites par le patient disparaissent lorsqu’il pousse un caddie (signe du caddie).
A noter que la bicyclette peut être pratiquée longtemps alors que le périmètre de marche est déjà réduit.
Dans 10 à 30 % de cas moins sévères, une simple radiculalgie à la marche n’imposant pas l’arrêt remplace la claudication intermittente.
Très rarement, le CLE est associé à une symptomatologie urinaire à la marche qui peut égarer le diagnostic, dysurie, pollakiurie, mictions impérieuses, incontinence ou érection à la marche.
Ces symptômes sont rares mais très évocateurs quand ils surviennent à la marche.
Un examen pauvre malgré des symptômes importants
-› L’examen rachidien : il est souvent pauvre et peu spécifique.
L’inflexion latérale antalgique souvent présente en cas de pathologie discale est rare en cas de CLE. L’impulsivité à la toux est absente. Il n’existe pas de signe de Lassègue. L’hyperextension du rachis réveille la douleur.
-› L’examen neurologique : il est également peu spécifique. Il doit être fait à la fois au repos et après exercice, puisque les signes neurologiques ne peuvent être présents qu’après la marche, notamment les troubles moteurs qui en général sont discrets. La souffrance radiculaire intéresse le plus souvent plusieurs racines et les troubles de la sensibilité couvrent généralement plusieurs territoires. L’abolition ou la diminution des réflexe achilléen et/ou rotulien n’est pas contributive.
-› L’examen des hanches est essentiel, car une coxarthrose uni ou bilatérale peut simuler un CLE ou y être associé.
-› Attention : les plaintes des patients sont souvent importantes alors que l’examen clinique est pauvre. Cette discordance peut être à l’origine d’une erreur à ne pas commettre : penser qu’il s’agit de troubles fonctionnels, voire imaginaires !
Des paresthésies des membres inférieurs sont possibles : brûlures, engourdissement, fourmillements, picotements. Ces sensations surviennent surtout en station debout prolongée immobile et paradoxalement sont améliorées par la marche. La " lourdeur lombaire " est également améliorée par le mouvement.
L’artérite représente le principal diagnostic différentiel, elle est assez simple à éliminer. En pratique une claudication avec pouls conservés est a priori un canal lombaire étroit
LES CRITÈRES DIAGNOSTIQUES
Les lésions observées en imagerie moderne sont en rapport avec le vieillissement et l'usure, mais n'ont pas forcément de caractère pathologique. Seule l’association de lésions anatomiques et de symptômes neurologiques concordants, fera parler de canal lombaire étroit dégénératif.
-› Les radiographies standard sont sans intérêt (2). L’imagerie est réservée généralement aux patients destinés à être opérés.
-› Le scanner en position couchée est l’examen de dépistage le plus simple (3) lorsque le diagnostic de CLE est évoqué. Il faut demander des coupes de chaque étage lombaire de L1 à S1. L’étroitesse du canal correspond à un diamètre sagittal antéropostérieur inférieur à 12 mm (normale supérieure à 15 mm) et sur une coupe passant par les disques : par un diamètre transversal inter-articulaire inférieur à 15 mm.
-› L'IRM, en séquence en T2, permet d'obtenir des images de type myélographique sans injection. La détermination des contours osseux et de la sténose est moins bonne qu'avec le scanner, mais les parties molles sont mieux définies.
Un progrès : jusqu’à présent, seule la saccoradiculographie permettait de faire des clichés debout, permettant de bien voir le rétrécissement canalaire en charge voire en hyperextension. L’apport de l’IRM possible sur de nouvelles machines en position debout semble pouvoir remplacer cette imagerie avec injection qui nécessitait une ponction lombaire.
LE TRAITEMENT EST D’ABORD MEDICAL
L’évolution vers l’aggravation n’est pas systématique, la symptomatologie est fluctuante (5).
Le traitement est avant tout médical. Son but est d’informer le patient et de le rassurer, de soulager les douleurs, de restaurer la fonction pour permettre de vivre normalement.
L’information doit éviter les termes équivoques comme « instabilité », « vertèbres déplacées », « hyper ou hypo- mobilité », « glissement de vertèbres ». Les patients ont le droit de comprendre leur maladie, sa gravité, son pronostic, les incertitudes et les options thérapeutiques. Pour cela le jargon technique doit être évité et il est nécessaire de vérifier la compréhension et l’agrément du patient (5).
Soulager la douleur
Les antalgiques de palier I ou II sont recommandés. Les AINS ne semblent pas plus efficaces que les antalgiques, ils ne doivent pas être prescrits au long cours (6). Les myorelaxants ne sont pas recommandés : ils exposent au risque de chutes et il n’existe aucune preuve de leur efficacité.
Les infiltrations : elles sont largement utilisées lorsque les antalgiques ou les AINS ne sont pas efficaces. La voie épidurale est utilisée, selon diverses modalités de voie d’abord (7).
L’acupuncture : aucune efficacité démontrée
Manipulations : elles ne sont pas recommandées dans cette indication.
Les antidépresseurs et les anti-convulsivants qui sont utilisés dans le cadre du traitement d’une douleur chronique n’ont pas fait l’objet d’étude dans le canal lombaire rétréci.
Restaurer la fonction
Le principe de base de la rééducation est de favoriser les exercices en flexion et de l’associer au traitement médicamenteux.
L’immobilisation par corset est possible en phase aiguë.
Que penser du traitement chirurgical ?
Le principal geste chirurgical est celui de la décompression effectuée soit par laminotomies, soit par laminectomies. La chirurgie est qu’exceptionnellement une urgence.
La lombalgie seule, même en présence de sténose radiologique, n'est pas une bonne indication chirurgicale. La chirurgie est réservée aux CLE très gênants après échec des traitements médicamenteux.
Le traitement chirurgical est plus efficace à court terme (1 à 4 ans) que le traitement médical.
À plus long terme (8-10 ans), les bénéfices de la chirurgie sont moins évidents, puisque l’amélioration du symptôme le plus gênant et de la lombalgie s’observe chez la moitié des patients qu’ils aient été opérés ou non. Après 10 ans, le taux de satisfaction des patients est identique après traitement médical ou chirurgical, sauf dans les CLE sévères où la chirurgie est plus efficace. La décision opératoire ne peut être envisagée que par une équipe très spécialisée. Une revue systématique de la littérature (8) ne prenant en compte que les études randomisées, comparatives et prospectives montre notamment qu’une bonne capacité de marche pré-opératoire prédit une meilleure capacité de marche à 2 ans et une meilleure satisfaction des patients, qu’un état dépressif préalable est un facteur de mauvais pronostic de la chirurgie ainsi qu’une importante morbidité cardio-vasculaire. La présence d’une sténose importante ≤ 6 mm prédit moins de douleur à 5 ans. Par ailleurs, on sait que 20% des patients vont présenter à nouveau une sténose, soit au niveau opéré, soit au-dessus de la région décomprimée.
Au total, le traitement médical ou chirurgical améliore l’état des patients avec le temps, mais leurs résultats ne sont pas totalement satisfaisants (4).
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