Prévention

LA VACCINATION DES ADOLESCENTS

Publié le 14/09/2012
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Une attention particulière doit être portée à la vaccination des adolescents. Ils consultent peu et, pourtant, certains vaccins ne sont dispensés qu’à cet âge. De plus, leurs changements de comportement génèrent des risques nouveaux et ils sont souvent au contact des personnes les plus fragiles. Enfin, une couverture vaccinale insuffisante à cet âge peut-être responsable de la résurgence de maladies infectieuses évitables.

Crédit photo : KEVIN CURTIS/SPL/PHANIE

?La couverture vaccinale est insuffisante chez les adolescents. Ils sont en bonne santé, consultent peu et sont peu réceptifs aux messages de prévention. En 15 ans, les indications vaccinales entre 11 ans et 18 ans se sont considérablement modifiées. L’adhésion à la nécessité de leur vaccination est difficile à obtenir, ce qui a justifié que la vaccination des adolescents soit déclarée priorité nationale en 2012.

Parents et médecin généraliste ont un rôle déterminant : le médecin est le principal vecteur d’information et d’incitation à la vaccination, les parents sont décisionnaires, l’adolescent est impliqué. « La pratique de la vaccination doit être expliquée et consentie?», souligne le Pr Daniel Floret.

UNE COUVERTURE VACCINALE INSUFFISANTE

› Seul un adolescent sur trois a reçu l’ensemble des vaccins recommandés et peu sont au courant de leur situation vaccinale. Ainsi, 45 % ne peuvent citer leur dernier vaccin (3).

› La situation est différente selon les vaccins, la couverture étant meilleure pour les vaccins obligatoires et les plus anciens. En 2011, elle était estimée à (2):

– diphtérie, tétanos, polio : 85,3 % ont reçu le schéma complet à 6 doses;

– rougeole, oreillons, rubéole : 86 % des 15 ans ont reçu les deux doses recommandées;

– coqueluche : 73 % au lieu des 95 % nécessaires ;

– méningocoque C : moins de 10 % des adolescents de 11 à 14 ans ;

– hépatite B : 55 % ont reçu une dose et 38 % le schéma complet ;

– papillomavirus : 39 % des adolescentes de 14 ans (population cible) ont reçu au moins une dose de vaccin?; à 17 ans, 65 % ont reçu au moins une dose ;

› Cette insuffisance de couverture vaccinale a notamment été responsable de la recrudescence de la rougeole : près de 15 000 cas enregistrés en 2011 dont 6 décès, contre 40 cas en 2008. 50 % de ces cas concernent les 15 ans ou plus, tranche d’âge dans laquelle les complications sont les plus fréquentes et les plus sévères : 85 % de ces sujets n’avaient pas reçu de vaccins, 11 % une seule injection. La France fait partie des pays d’Europe les moins performants pour la vaccination contre la méningite. La mauvaise couverture des adolescents et des jeunes adultes contre la coqueluche est responsable de contamination chez les nourrissons et 1 500 personnes meurent encore de l’hépatite B chaque année…

QUELLES VACCINATIONS CHEZ L’ADOLESCENT ?

Chez les adolescents consultant ponctuellement, le risque de reporter une vaccination sine die est un motif très fréquent d’occasion manquée. Il est préférable de fixer une date proche et précise.

Les rappels

Il s’agit essentiellement du rappel de tétanos, poliomyélite, diphtérie, coqueluche vers 11-13 ans et du tétanos, poliomyélite, diphtérie vers 16-18 ans, valable ensuite 10 ans. A noter que chaque dose de vaccin donnée compte et qu’en cas d’oubli prolongé, il n’est jamais nécessaire de tout recommencer : une mémoire immunitaire permet à l’organisme de répondre rapidement à une dose de rappel même si la précédente est éloignée dans le temps (1) Boostrixtetra®, Repevax® administrables sans limite supérieure d’âge.

Les rattrapages

– Vaccin contre l’hépatite B : la vaccination peut être faite avec un schéma classique à trois injections ou, à partir de 11 ans, avec un schéma simplifié, à deux injections dosées à 20 µg à 6 mois d’intervalle, en l’absence de risque élevé d’infection. Les vaccins contre l’hépatite B sont substituables (Engerix?B®, Genhevac B®, HBVAXPRO® ou Twinrix® couplé avec le vaccin contre l’hépatite A).

– Vaccin contre le méningocoque C : une dose unique suffit (Neisvac®, Meningitec®, Menjugatekit®).

– Vaccin rougeole-oreillons-rubéole : tous les adolescents devraient avoir reçu deux doses de vaccin trivalent au total (le second vaccin n’est pas un rappel mais un rattrapage pour ceux n’ayant pas acquis une immunité suffisante) (MMRVAX PRO®, Priorix®).

– Le BCG peut être réalisé jusqu’à l’âge de 15 ans chez les enfants à risque non vaccinés (venant d’un pays à forte endémie tuberculeuse ou dont les parents

sont originaires de l’un de ces pays ou devant y séjourner….), sous réserve d’une IDR à la tuberculine négative (vaccin BCG SSI®).

– Le vaccin contre l’hépatite A est recommandé aux adolescents dont l’un des membres (au moins) est originaire d’un pays de haute endémicité et qui sont susceptibles d’y séjourner et à ceux qui doivent séjourner dans un pays à hygiène précaire, quelles que soient les conditions du séjour (Avaxim®, Havrix® ou Twinrix® [couplé]).

– Le vaccin contre la grippe est recommandé pour tous les jeunes atteints d’affections respiratoires, cardiaques ou neurologiques, de diabète, de drépanocytose, de néphropathie…

Les primo-vaccinations

– Le vaccin contre la varicelle doit être fait, avec un schéma vaccinal à deux doses, pour tous les adolescents de 12 à 18 ans n’ayant pas d’antécédent connu de varicelle ou s’il existe des doutes?; dans ce dernier cas, un contrôle sérologique peut être demandé au préalable. Les jeunes et leurs parents gardent en général une mémoire fiable de l’épisode (Varilrix®, Varivax®).

– Le vaccin contre les infections à papillomavirus (HPV). Deux vaccins sont disponibles : Cervarix® bivalent (HPV 16,18) et Gardasil® quadrivalent (HPV 6, 11, 16,18). Ils ne sont pas substituables.

Le vaccin anti-HPV est recommandé vers 14 ans. Une vaccination de rattrapage est proposée jusqu’à 23 ans à celles qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou, au plus tard, dans l’année suivant le début de la vie sexuelle.

Mode d’administration

Tous les vaccins manquants peuvent être donnés le même jour ou avec n’importe quel intervalle - jours, semaines - sauf lorsqu’il s’agit de deux vaccins vivants viraux qui doivent être réalisés soit le même jour, soit avec un mois d’intervalle (ROR, varicelle).

EXPLORER LES ÉVENTUELLES RÉTICENCES

› Les adolescents ont peu d’occasions de consulter le médecin généraliste, en moyenne que 2 à 3 fois par an, alors qu’entre 11 et 18 ans, c’est l’âge des rappels (dTP, dTPC), des rattrapages (hépatite B, ROR, méningocoque) et des primo-vaccinations (papillomavirus chez les filles, varicelle pour les non-immunisés). Chaque rencontre avec un jeune patient (certificats sportifs, voyage, mise en route de la contraception…) représente une opportunité pour faire le point sur ses vaccinations.

› Les jeunes ne sont pas opposés de principe aux vaccinations, ils n’y pensent pas mais une fois informés, ils les acceptent le plus souvent. La difficulté vient plus volontiers de parents exprimant des doutes ou des appréhensions dans la prise de décision rendue plus complexe par la multiplicité des vaccins, le caractère récent de certains d’entre eux, leur coût. Si dans leur grande majorité, médecins et patients sont largement favorables à la vaccination, les études menées par l’InVS (Institut national de veille sanitaire) et la Drees (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et de la Statistique) montrent qu’environ 9 % des personnes sont défavorables à au moins une vaccination et, dans une étude réalisée en 2009 par l’INPES (Institut national pour la prévention et l’éducation de la santé) et BVA auprès de médecins généralistes et de pédiatres, 58 % de ces médecins déclaraient se poser des questions sur l’opportunité de certains vaccins (3,4,7,8).

La polémique concernant le vaccin contre l’hépatite B dans les années 1990 a marqué les esprits. Pour répondre spécifiquement aux inquiétudes à ce sujet, on peut se référer aux études de cohortes qui ont rejeté toute association causale entre vaccin et sclérose en plaques (6). Plus récemment, la vaccination contre la grippe A a été l’objet de notables controverses. Le vaccin contre le HPV est toujours l’objet de suspicions bien que le dernier rapport de la Commission nationale de Pharmacovigilance ait conclu en 2011 que le rapport bénéfice-risque reste favorable. à tout cela se sont ajoutés des doutes sur l’immunogénicité des adjuvants à base de sels d’aluminium ; à ce jour, les éléments disponibles indiquent que bien que l’aluminium vaccinal puisse persister au site d’injection pendant des années (« tatouage vaccinal »), cela ne reflète pas l’existence d’une atteinte inflammatoire diffuse et n’est pas associé à une maladie systémique diffuse (1).

› « Informer sur la nature des vaccinations, leurs avantages et leurs inconvénients est nécessaire mais peut ne pas suffire, explique le Pr Floret, il faut parfois aider les adolescents comme leurs parents à formuler leurs craintes et leurs réticences comme?:

“ Je pense que la maladie n’est pas grave”, “Je pense que la maladie est très rare”, “Je pense que j’ai peu de risques d’avoir cette maladie”, “ J’ai peur d’avoir mal au moment de l’injection”, “ Je pense que les vaccins empêchent le corps de se défendre tout seul contre les maladies”, “ Je pense que la vaccination, ce n’est pas naturel”, “ Je connais quelqu’un qui a été gravement malade à cause d’un vaccin” » Puis on reprend avec eux ce qu’ils ont exprimé afin d’y répondre avec des informations et des explications claires, sans oublier que, parfois, face à l’anxiété, les arguments rationnels ont peu de poids. Il est utile de leur laisser une part d’initiative dans la décision tout en leur facilitant le parcours pour se faire vacciner (prescription, délivrance, administration, mémorisation, etc.).

› Par ailleurs, donner à un adolescent des informations potentiellement effrayantes sur la maladie a laquelle il s’expose en cas de refus de vaccin ne l’incite pas forcément à accepter la vaccination ; cela peut même avoir l’effet opposé (1).

› Pour les patients restant indécis ou réservés par rapport à la vaccination, un document écrit présentant la maladie, le vaccin, ses effets, les doses, les questions les plus fréquentes sur la vaccination, représente un bon support de communication et une aide pour le médecin. Ces documents (« Questions de vaccination ») sont disponibles gratuitement sur le site internet de l’Inpes .

INFORMER SUR L’INTÉRÊT DES VACCINATIONS

› Pour protéger tout au long de la vie, des vaccins nécessitent des rappels réguliers pour être efficaces, notamment celui contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP) ou celui contre la coqueluche.

› Certaines maladies dites « infantiles » sont considérées, bien à tort, comme bénignes. C’est le cas de la rougeole dont les complications (pneumonie, encéphalite), sont plus graves chez l’adolescent et le jeune adulte. Avant la vaccination, plus de

500 000 cas de rougeole survenaient en France responsables chaque année entre autres de 10 à

30 encéphalites aiguës. Le seul réservoir de la maladie étant humain, on peut espérer à terme son éradication totale ; des pays comme la Suède ou la Finlande, dont la couverture vaccinale est de plus de 95 %, ont déjà vu disparaître la rougeole. La varicelle est bénigne chez l’enfant mais potentiellement très grave quand elle touche les adolescents, les jeunes adultes ou les femmes enceintes. On estime à 3 à 4 % les adolescents n’ayant jamais été exposés à la varicelle.

› Se faire vacciner est une façon de protéger son entourage. Si certaines maladies ne sont pas graves chez l’adolescent, comme la coqueluche ou la rubéole, elles peuvent être gravissimes chez un nourrisson ou une femme enceinte. Les nourrissons hospitalisés pour coqueluche ont, dans la grande majorité des cas, été contaminés par leurs parents ou plus rarement par la fratrie.

› La vie en collectivité et en groupe, caractéristique de l’adolescence, expose particulièrement à certaines maladies transmises par voie aérienne comme les infections invasives par le méningocoque. Les méningites à méningocoque ne sont pas fréquentes, environ 700 cas par an en France dont 22 % du groupe C, mais il s’agit d’une maladie grave, d’évolution foudroyante, mortelle dans 10 % des cas et à risque de séquelles importantes. Une couverture vaccinale optimale devrait permettre d’en réduire considérablement le nombre.

› Les adolescents ont ou peuvent avoir des activités et un mode de vie les rendant vulnérables à certaines maladies contagieuses. Les changements de comportement – sexualité, pratiques de piercing, tatouages, injection de drogues... – génèrent des risques infectieux nouveaux comme l’hépatite B et l’infection par les papillomavirus humains (HPV). On estime à 300 000 le nombre de personnes contaminées par le virus de l’hépatite B en France dont la moitié l’ignorerait. Dans le monde,

350 millions de personnes sont contaminées et

2 millions en meurent chaque année. Le vaccin contre les infections à papillomavirus (HPV) est le plus complexe et le moins confortable à proposer : trois injections, souvent douloureuses, un coût élevé, un recul encore limité pour une maladie susceptible d’apparaître seulement 15 à 25 ans plus tard, un vaccin concernant uniquement les filles. De plus, il faut expliquer que, contrairement aux autres vaccinations, la protection est incomplète, très efficace sur le HPV 16 et 18 impliqués dans 72 % des cancers du col utérin en France mais non sur d’autres HPV, ce qui rend toujours nécessaire la prévention par frottis cervicaux utérins à l’âge adulte. Surtout, il s’agit d’un vaccin lié à la sexualité qui doit être administré à 14 ans, âge où l’abord de cette problématique n’est pas simple, d’autant que la mère est présente et que le médecin ignore souvent le mode d’éducation à la sexualité dans la famille. C’est dans ce cas que des documents informatifs à remettre peuvent se révéler particulièrement utiles pour compléter les explications du médecin. Celui-ci doit préciser que l’infection à HPV est une IST très fréquente, plus de 70 % des adultes ayant été en contact avec le HPV durant leur vie.

Chez les filles, plus de 60 % des primo-infections surviennent dans les cinq ans suivant les premiers rapports sexuels, en sachant que la moitié des jeunes filles ont leur premier rapport sexuel avant 17 ans dont 5% avant 15 ans. Le HPV est responsable des condylomes ano-génitaux en augmentation notamment chez les jeunes filles de 16 à 25 ans et de la grande majorité des cancers du col utérin

(3 000/ an en France), de la vulve et de l’anus. Le préservatif ne protège que partiellement, le HPV diffusant à l’ensemble de la sphère uro-génitale.

Dr Catherine Freydt (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr), sous la direction scientifique du Pr Daniel Floret (Président du Comité Technique des vaccinations, Haut conseil de la santé publique, Consultant Maladies Infectieuses Pédiatriques, Hôpital Femme Mèr

Source : lequotidiendumedecin.fr