Cette première consultation s’inscrit dans un nouveau dispositif mis en place le 1er novembre 2017 (1). Dénommée CCP pour consultation de contraception et prévention, elle s’adresse aux jeunes filles de 15 à 18 ans pour deux sujets : la contraception et la prévention des maladies sexuellement transmissibles. La CCP est cotée à 46 euros. D’après l’Assurance maladie, 3 616 CCP ont été effectuées en février 2018 (2).
PRÉVENIR UNE GROSSESSE
Le nombre de naissances chez les adolescentes de 15 à 19 ans est en permanente diminution en France : elles étaient 52 101 femmes en 1980 et ne sont plus que 16 477 en 2013 (3). Cela correspond à une baisse de 68 %.
Le nombre d’IVG chez l’adolescente est plutôt stable. En pratique, même si les grossesses non prévues sont moins fréquentes, il s’agit d’un recours plus fort à l’IVG chez ces femmes (5). En 2007, chez les adolescentes ayant consulté pour IVG (6), une grande majorité a rapporté une grossesse non prévue (82 %), deux tiers étaient secondaires à un échec ou un arrêt de contraception, 26 % à un problème dans l’utilisation du préservatif et 20 % dans l’utilisation de la pilule.
PAS DE PROFIL DE PATIENTE
Toutes les méthodes contraceptives sont possibles, tant pour la HAS (3), que pour l’OMS (4) ou le CDC (5), et peuvent être présentées aux patientes (annexe I). Afficher son choix contraceptif diminue la satisfaction des patientes et pourrait diminuer la persistance et donc l’efficacité contraceptive (6). L'indication contraceptive en fonction d’une situation et d'un profil de patiente est un modèle paternaliste, à abandonner.
→ Des méthodes de présentation de la contraception, comme le “BERCER”, peuvent aider les praticiens à structurer la consultation pour s’adapter au mieux à la demande de l’adolescente (7).
• Bienvenue : accueil empathique. Utilisation d’un langage non verbal (posture, regards…) accueillant.
• Entretien : compréhension du mode de vie, de l’histoire contraceptive, des motivations, recherche des éléments pouvant contre-indiquer une contraception (E1).
• Renseignements : présentation des contraceptions à disposition de la patiente, orientées par l’entretien : efficacité, bénéfices, risques… (cf. annexe 1 et tableau 1).
• Choix de la patiente selon le mode délibératif.
• Explications : présentation “pratique” de la contraception choisie. Comment se passe la pose, comment gérer un oubli, quand commencer… Expliquer l’utilisation des méthodes barrières permettant de réduire le risque des infections sexuellement transmissibles (IST) lorsque l’adolescente utilise une contraception principale qui n’est pas barrière.
• Retour : consultation complémentaire systématique ou en cas de problème.
E1. PRINCIPALES CONTREINDICATIONS AUX OESTROPROGESTATIFS SELON LA HAS CHEZ UNE PATIENTE EN BONNE SANTÉ
• Migraine avec aura.
• Antécédent de thrombose veineuse chez un parent du 1er degré (père, mère, frère, soeur) particulièrement si avant 60 ans.
• Association de plusieurs facteurs de risques cardiovasculaires (au moins 2) dont : migraine sans aura, tabagisme, obésité, dyslipidémie modérée.
• Hypercholestérolémie (LDLc > 2,20 g/L, TG > 2 g/L).
LA CONFIDENTIALITÉ
La confidentialité doit être signalée à la patiente. Un temps sans les parents ou représentants légaux est indispensable. Le dispositif “contraception mineure” (lire plus loin) permet de procurer aux adolescentes un espace important de confidentialité, complémentaire des centres de planification parfois trop éloignés du domicile des adolescentes. L’angoisse de l’examen pelvien peut être aussi un frein pour l’accès à la contraception (8). L’examen clinique gynécologique n’est pas indispensable lors de la consultation (3), seulement lors de la pose d’un DIU (5). Le praticien devra donc exposer à la patiente l’absence de nécessité d’examen et voir avec elle quand celui-ci est utile.
EN PREMIÈRE INTENTION
→ Les contraceptions réversibles d’action longue ou LARCs (long-acting reversible contraception) telles que le dispositif intra-utérin au cuivre (DIU), le système intra-utérin au lévonorgestrel (SIU) ou l’implant contraceptif ont non seulement une efficacité forte, mais aussi une très bonne tolérance chez l’adolescente. Le taux de continuation est supérieur aux autres méthodes contraceptives efficaces telles que les oestroprogestatifs (9), car plus adaptées à leur mode de vie. Les LARCs devraient ainsi être proposés en première intention.
→ En effet, les contraceptions comme les oestroprogestatifs oraux posent différents problèmes aux adolescentes comme le passage en pharmacie (10). La continuation de ces méthodes est assez faible, notamment du fait des effets secondaires et des difficultés à la prise (11).
→ Le Quickstart (12) est une méthode permettant d’instaurer une contraception hormonale oestroprogestative, progestative orale ou l’implant avant l’attente des prochaines menstruations dans un contexte où la demande est souvent tardive et le risque fort. La patiente commence au plus vite et la contraception est efficace dès le 7e jour, les rapports devant être protégés pendant cette période de mise en place. Par précaution, il est recommandé de réaliser un HCG urinaire trois semaines après le dernier rapport considéré comme à risque.
→ Concernant l’oubli de la prise quotidienne, la méthode “Si-Alors” (13) permet de diminuer d’environ la moitié les conduites à risque. La patiente va élaborer avec le praticien la stratégie qui lui semble la plus adaptée, en associant un geste de sa vie quotidienne avec la prise contraceptive (maquillage, lavage des dents…).
PRÉSERVATIF + AUTRE CONTRACEPTION
Chez les adolescentes, il faut promouvoir l’utilisation combinée d’un préservatif et d’une autre méthode de contraception. Les méthodes barrières ne peuvent pas être classées comme efficaces en contraception, selon l’OMS (4). Cependant, le préservatif masculin et féminin sont des moyens de protection contre les IST contrairement aux méthodes contraceptives efficaces. L’acceptation du préservatif par le partenaire est parfois compliquée à faire admettre (14). La compréhension des freins à son utilisation pourra aider l’adolescente. La discussion sur le préservatif pourra aussi être l’occasion de parler des IST, de leur dépistage et des vaccins contre le HPV ou l’hépatite B.
→ Les praticiens ayant l’occasion de voir les adolescents ne doivent pas hésiter à parler de santé sexuelle avec les jeunes hommes pour tant faciliter l’utilisation du préservatif que de la contraception en général. Une approche clinique est proposée dans ce contexte (15) dénommée His Bestt, que nous pourrions traduire par “C'est bien” :
• Contact : établir le contact et rassure sur confidentialité.
• Engager la conversation sur la santé sexuelle;
• Sexe : évaluer les connaissances sexuelles.
• Tous les 2 : recommandation de l’utilisation combinée préservatif et contraception féminine (dont la contraception d’urgence).
• Bilan clinique : examiner les organes génitaux si nécessaire.
• IST : dépister les IST, si indiqué.
• Entourer : parler de santé sexuelle au(x) partenaire( s) en respectant la confidentialité.
• Nid : parler de santé sexuelle aux parents en respectant la confidentialité de l’adolescent.
SEXUALITÉ, PORNOGRAPHIE, DYSMORPHOPHOBIE
• La pornographie est très prégnante, même chez les adolescentes. En Suède, 30 % des filles de 16 ans regardent des vidéos pornographiques (17), parmi lesquelles 43 % ont des fantasmes vus dans des vidéos et 39 % en ont copié des activités. Elles ont une moins bonne image de leur corps et de leur perception sexuelle (18). Un counseling sur la sexualité et le respect du corps peut être proposé.
• Le praticien pourra engager une discussion sur ce sujet. Le cas échéant, il encouragera les utilisatrices du Web à une utilisation responsable (19), et à trouver un regard adapté, non jugeant sur les pratiques de l’adolescent (sexting, pornographie, cyberrencontres, etc.) (20).
• Le risque de dysmorphophobie est fort. Le praticien doit rassurer la patiente sur son aspect vulvaire ou mammaire s'il est source d’inquiétude (21), ou un frein à l’usage contraceptif.
Lorsqu’une adolescente vient en centre de planification, la prescription et la délivrance anonyme et gratuite sont déjà prévues. Cependant, l’accès à ces centres n’est pas toujours évident, du fait de l’éloignement géographique et de la mobilité réduite des adolescentes.
→ Un dispositif permet aux patientes mineures de plus de 15 ans d’avoir non seulement une prise en charge du 1/3 payant, mais aussi une anonymisation complète lors de la consultation (une consultation par an) et en cas de passage en pharmacie (pas de remboursement visible sur le compte des parents). Pour que l’adolescente puisse en bénéficier, il faut noter « contraception mineure » sur l’ordonnance. Pour le remplissage de la feuille de soins, il faut utiliser le NIR anonyme spécifique « contraception mineure » (2 55 55 55 CCC 042 XX), ainsi que la date de naissance exacte de la jeune fille. Les lettres CCC correspondent au numéro de la CPAM et XX la clé. Si le numéro de la caisse est connu du praticien, des logiciels en ligne permettent de calculer la clé pour pouvoir avoir le numéro complet (16). Dans le cas contraire, un appel à sa CPAM permettrad’avoir le numéro complet sans les lettres. Il faut aussi saisir la date de naissance de la jeune fille.
EN RÉSUMÉ
L’évolution des connaissances fait changer le paradigme contraceptif :
• Il n’y a pas de profil type : c’est à la jeune femme de choisir la contraception qui s’adapte le mieux à son mode de vie, en fonction de ses avantages et inconvénients.
• Les DIU et l’implant présentent le meilleur rapport efficacité/risque, particulièrement chez l’adolescente. Ils méritent d’être mieux connus.
• L’examen gynécologique n’est pas recommandé avant 25 ans, sauf exception.
• Avant 25 ans, la recherche des IST (Chlamydia, HIV, etc.) remplace le frottis, qui n’est pas recommandé à cet âge.
ANNEXE 1 - EXEMPLES D'ÉLÉMENTS DE LANGAGE POUR PARLER DE CONTRACEPTION
- Le DIU au cuivre « Placé dans l’utérus, ce dispositif en T diminue la façon dont bougent les spermatozoïdes et les empêche de fertiliser l’ovule. Il contient un peu de cuivre naturel, pas d’hormone, ne change pas les cycles et peut durer 10 ans. »
- Le SIU au lévonorgestrel « Dispositif en T, placé dans l’utérus. Il libère une petite quantité d’hormones. Ce progestatif empêche les spermatozoïdes de passer à travers le col et donc la rencontre avec l’ovule. Cette méthode efficace jusqu’à 5 ans diminue habituellement le volume des règles. »
- L’implant contraceptif « L’implant est un tout petit bâtonnet en plastique souple inséré sous la peau de votre bras. Il libère un progestatif en petite quantité, lequel empêche vos ovaires d’ovuler et les spermatozoïdes de rencontrer l’ovule. En plus, il est efficace jusqu’à 3 ans. »
- La pilule oestroprogestatif « Ce moyen de contraception contient 2 hormones, empêchant vos ovaires d’ovuler : un oestrogène et un progestatif. Vous devez prendre la pilule au même moment tous les jours. Il y a beaucoup de sortes de pilules. La plupart ont 21 jours actifs et 7 inactifs (ou placebo). Cependant, certaines sont actives plus longtemps. Vous aurez besoin d’une prescription. »
- Le patch oestroprogestatif « Le patch est un autocollant fin beige qui ressemble un peu à un pansement. Vous le collez sur votre peau et il libère 2 hormones qui empêchent vos ovaires d’ovuler : un oestrogène et un progestatif. Vous posez le patch pour une semaine et le changez ainsi toutes les semaines pendant 3 semaines. La 4e est sans patch. Vous aurez besoin d’une prescription pour y avoir accès. »
- L’anneau « C'est un petit anneau de plastique souple à insérer dans votre vagin. Il libère 2 hormones qui empêchent vos ovaires d’ovuler : un oestrogène et un progestatif. Il reste en place pendant 3 semaines. Vous l’enlevez la 4e semaine pour avoir vos règles. »
- Les préservatifs « Les préservatifs sont un des moyens de contraception les plus populaires chez les adolescents. Ils sont habituellement faits en latex et se glissent sur le pénis pour empêcher le sperme d’aller dans le vagin. Il existe aussi des préservatifs féminins qui sont insérés dans le vagin. Les préservatifs sont contraceptifs et diminuent le risque d’attraper une infection sexuellement transmissible, mais ils doivent être mis à chaque rapport, du début à la fin. »
BIBLIOGRAPHIE
1. Arrêté du 20 octobre 2016 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016.
2. Commission paritaire nationale des médecins, CPAM, 4 avril 2018.
3. Haute Autorité de Santé - Contraception chez l’adolescente [Internet]. [cited 2017 May 30]. Available from: https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1752690/fr/contraceptionchez-l-…
4. WHO | Medical eligibility criteria for contraceptive use [Internet]. WHO. [cited 2016 Dec 11]. Available from: http://www.who.int/reproductivehealth/publications/family_planning/MEC-…
5. Curtis KM. U.S. Selected Practice Recommendations for Contraceptive Use, 2016. MMWR Recomm Rep [Internet]. 2016 [cited 2017 May 9];65. Available from: http://www.cdc.gov/mmwr/volumes/65/rr/rr6504a1.htm
6. Dehlendorf C, Grumbach K, Schmittdiel JA, Steinauer J. Shared decision making in contraceptive counseling. Contraception. 2017 May 1;95(5):452–5.
7. Rinehart W, Rudy S, Drennan M. GATHER guide to counseling. Popul Rep J. 1998 Dec;(48):1–31.
8. Braverman PK, Breech L, Committee on Adolescence. American Academy of Pediatrics. Clinical report--gynecologic examination for adolescents in the pediatric office setting. Pediatrics. 2010 Sep;126(3):583–90.
9. Rosenstock JR, Peipert JF, Madden T, Zhao Q, Secura GM. Continuation of reversible contraception in teenagers and young women. Obstet Gynecol. 2012 Dec;120(6):1298–305.
10. White KO, Westhoff C. The effect of pack supply on oral contraceptive pill continuation: a randomized controlled trial. Obstet Gynecol. 2011 Sep;118(3):615–22.
11. Raine TR, Foster-Rosales A, Upadhyay UD, Boyer CB, Brown BA, Sokoloff A, et al. One-year contraceptive continuation and pregnancy in adolescent girls and women initiating hormonal contraceptives. Obstet Gynecol. 2011 Feb;117(2 Pt 1):363–71.
12. Westhoff C, Osborne LM, Schafer JE, Morroni C. Bleeding patterns after immediate initiation of an oral compared with a vaginal hormonal contraceptive. Obstet Gynecol. 2005 Jul;106(1):89–96.
13. Martin J, Slade P, Sheeran P, Wright A, Dibble T. “If-then” planning in one-to-one behaviour change counselling is effective in promoting contraceptive adherence in teenagers. J Fam Plann Reprod Health Care. 2011 Apr;37(2):85–8.
14. Williams RL, Fortenberry JD. Update on adolescent condom use. Curr Opin Obstet Gynecol. 2011 Oct;23(5):350–4.
15. Vargas G, Borus J, Charlton BM. Teenage pregnancy prevention: the role of young men. Curr Opin Pediatr. 2017 May 22;
16. Calcul de la clé NIR - Petits utilitaires [Internet]. [cited 2018 Apr 13]. Available from: http://marlot.org/util/calcul-de-la-cle-nir.php
17. Mattebo M, Tydén T, Häggström-Nordin E, Nilsson KW, Larsson M. Pornography consumption among adolescent girls in Sweden. Eur J Contracept Reprod Health Care Off J Eur Soc Contracept. 2016 Aug;21(4):295–302.
18. Doornwaard SM, Bickham DS, Rich M, Vanwesenbeeck I, van den Eijnden RJJM, ter Bogt TFM. Sex-related online behaviors and adolescents’ body and sexual self-perceptions. Pediatrics. 2014 Dec;134(6):1103–10.
19. Pizzol D, Bertoldo A, Foresta C. Adolescents and web porn: a new era of sexuality. Int J Adolesc Med Health. 2016 May 1;28(2):169–73.
20. American College of Obstetricians and Gynecologists’ Committee on Adolescent Health Care. Committee Opinion No. 653: Concerns Regarding Social Media and Health Issues in Adolescents and Young Adults. Obstet Gynecol. 2016 Feb;127(2):e62-65.
21. Committee on Adolescent Health Care. Committee Opinion No. 686: Breast and Labial Surgery in Adolescents. Obstet Gynecol. 2017;129(1):e17–9.
22. Secura GM, Madden T, McNicholas C, Mullersman J, Buckel CM, Zhao Q, et al. Provision of no-cost, long-acting contraception and teenage pregnancy. N Engl J Med. 2014 Oct 2;371(14):1316–23.
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L'auteur déclare avoir des liens d'intérêts avec MSD et Gedeon Richter (consultant), HRA-Pharma (action de formation).
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