La Haute Autorité de Santé a récemment évalué les dispositifs de compression médicale à usage individuel (bas, bandes, manchons, dispositifs de capitonnage…) dans le cadre de la révision de la nomenclature des produits inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Les indications de ces dispositifs sont définies pour chaque situation clinique envisagée : affections veineuses chroniques, maladie thromboembolique veineuse, grossesse et lymphœdème. Sur cette base, un projet de nomenclature a été proposé. En médecine de ville, toutes indications confondues, seuls 2 % des patients concernés ont aujourd’hui une prescription de dispositifs de compression. La marge de progression est donc importante (1). Plusieurs documents sont à la disposition des prescripteurs, dont une synthèse du rapport sur l'utilisation des dispositifs de compression en pathologies vasculaires (2) et quatre fiches de « bon usage des technologies de santé » (3, 4, 5, 6).
Le terme de compression est utilisé pour désigner tantôt la compression par un textile élastique, tantôt la compression par un textile inélastique (ou contention). La force de la compression doit être dégressive depuis la cheville jusqu'en haut du membre. Par ailleurs, il convient de tenir compte des variations de pression selon que les zones soumises à la compression sont convexes ou concaves. Ainsi, plus le rayon de courbure est petit, comme c'est le cas au niveau des saillies constituées par le tendon d'Achille ou les crêtes tibiales, plus la pression imprimée par le tissu élastique est forte. À l’inverse, les régions concaves telles que les zones sous et rétromalléolaires subissent, pour le même degré d'étirement du textile, une pression faible ou nulle. Des rembourrages en mousse sont disponibles, afin de modifier le rayon de courbure initial et permettre par exemple d'augmenter la pression locale en regard d'un ulcère de jambe.
Les bas
-› Le terme générique « bas de compression » est souvent utilisé dans la littérature pour désigner plusieurs produits : chaussettes ou bas jarret, bas cuisse autofixants ou non, collants, collant maternité dont la forme de la culotte est adaptée aux modifications morphologiques de la grossesse, hémicollants (7). Ceux qui sont pris en charge en France par l’assurance-maladie satisfont à un référentiel technique précis. Les principaux éléments concernent leur mode de fabrication et les caractéristiques des matériaux qui les composent, la pression qu’ils exercent à la cheville, mesurée in vitro et classée en 4 niveaux (encadré 1), le pourcentage de dégressivité de cette pression de la cheville vers la cuisse, leur résistance à un test de comportement à l’usage. Les bas sont bien adaptés à une utilisation à long terme (3).
-› Il existe aussi des bas anti-thrombose et des bas de compression « progressive ». Ces derniers ne font l’objet d’aucun référentiel et ne sont pas pris en charge.
Les bandes
-› Les classes de compression n'existent pas pour les bandes. En pratique, la force de compression, qui dépend de l'étirement qu'on imprime à la bande (l'étirement détermine la force de rappel des fibres élastiques), varie selon la technique de pose. Les bandes sont plutôt utilisées pour une courte durée (quelques jours à quelques semaines) et doivent être posées par un personnel entraîné (3).
On distingue (7) les bandes de compression médicale à allongement long (allongement ≥ 100 % de la taille initiale), les bandes de compression médicale à allongement court ›10 % et < 100 %), et les bandes inélastiques < 10 %).
-› Par ailleurs, les bandes peuvent être :
– sèches : uniquement textiles ;
– adhésives : adhèrent à la peau et sur elles-mêmes ;
– cohésives : auto-adhérentes, n’adhèrent pas à la peau ;
– enduites de pâte à l’oxyde de zinc.
-› Le bandage multitype est constitué d’au moins deux bandes de compression différentes. Dans ce cas, les forces s'ajoutent. La compression obtenue est très opérateur-dépendante. À noter que l’appellation bandage multitype doit se substituer à l’expression bandage multicouche souvent utilisée : un bandage comporte presque toujours plusieurs couches, même lorsqu’il est composé d’une seule bande, dès lors que celle-ci est superposée sur elle-même (7).
Les autres dispositifs de compression médicale
-› Les manchons ne sont disponibles que sur mesure. Le manchon simple s’arrête en distalité au poignet. Le plus souvent, on ajoute soit un gantelet qui recouvre les faces dorsale et palmaire de la main, avec les cinq doigts, soit une mitaine qui recouvre les faces dorsale et palmaire de la main, sans les doigts, sauf éventuellement le pouce. La mitaine ou le gantelet peuvent être séparés du manchon ou attenants.
-› Les dispositifs de capitonnage sont des bandes de mousse (ou plaques, ou languettes) ou des coussins (ou coussinets). Ceux-ci sont préformés, de forme, de dimensions et d'épaisseur variables.
-› Les vêtements élasto-compressifs, notamment les panties, sont réalisés sur mesure.
DANS QUELLES INDICATIONS ?
La compression peut être utilisée seule ou associée à d'autres traitements (pharmacologiques, chirurgicaux). Les contre-indications sont l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) avec un index de pression systolique (IPS) < 0,6, la microangiopathie diabétique évoluée (pour une pression › 30 mmHg), la Phlegmatia caerulea dolens et la thrombose septique (2).
Par ailleurs, la réévaluation régulière du rapport bénéfice-risque est nécessaire dans les situations suivantes : AOMI avec un IPS › 0,6 et < 0,9 ; neuropathie périphérique évoluée ; dermatose suintante ou eczématisée ; intolérance aux fibres utilisées.
Insuffisance veineuse chronique
-› Les anomalies liées à l'insuffisance veineuse chronique sont classées selon la classification CEAP, où le C désigne les manifestations cliniques, E l'étiologie (congénitale, primaire ou secondaire), A l'anatomie (veines superficielles, profondes ou perforantes), et P le mécanisme physiopathologique (reflux, obstruction, association des deux mécanismes, absence d'anomalie à l'écho-Doppler). La classification clinique (C) va de 0 à 6, et l'on ajoute un « a » pour « asymptomatique » et un « s » pour « symptomatique ».
-› En pratique, la compression médicale est justifiée à partir du stade C2 (fig. 1), mais les données cliniques disponibles ne sont robustes que dans le traitement de l’ulcère veineux ouvert (stade C6) (3). Pour les stades C0 et C1, l’effet de la compression sur l’évolution de l’affection veineuse n’est pas démontré, ceci recouvrant les patients présentant des symptômes tels que douleurs, jambes lourdes, impatiences, prurit, sensation d’œdème vespéral… sans signe clinique, ainsi que les patients avec des télangiectasies ou des varices réticulaires < 3 mm), lorsque ces troubles ne sont pas associés à des manifestations plus sévères. La Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) ne propose donc pas le remboursement des dispositifs de compression médicale dans ces indications (2).
-› En présence de troubles correspondant à plusieurs stades cliniques, le traitement compressif à retenir est celui du stade le plus sévère. La prescription doit toujours comprendre la pression en mmHg, et éventuellement la classe.
-› En présence d'un ulcère mixte à prédominance veineuse (ulcère de mécanisme préférentiellement veineux, mais s’accompagnant d’une AOMI modérée n’expliquant pas à elle seule la présence de l’ulcère), la compression doit être adaptée afin de ne pas aggraver l'AOMI. En cas d’IPS < 0,8 ou › 1,3, la HAS (2006 ; réf. 9) recommande de diminuer le niveau de pression en dessous de 30 mmHg, en privilégiant les compressions à étirement court (pression faible au repos) ; de surveiller le patient ; de l'informer de la nécessité de retirer la compression en cas d’aggravation des douleurs ; de s’assurer qu'il peut retirer la compression par lui-même.
-› L'éducation du patient est importante. Les bas doivent être enfilés le matin dès le lever. En cas de difficultés à enfiler un bas de forte pression, la pose par une infirmière, l'utilisation d'un enfile-bas ou la superposition de plusieurs bas pour obtenir une pression efficace peuvent améliorer l'observance.
Prévention de la thrombose veineuse
Dans le domaine de la maladie thromboembolique veineuse (METV), on dispose des recommandations de l'Afssaps sur la prévention et le traitement de la METV en médecine (10) et de celles de la HAS (2, 4). Le consensus est en faveur de l’utilisation de la compression en prévention de la thrombose, en complément du traitement anticoagulant ou seule lorsque ce traitement n’est pas indiqué, sans oublier la mobilisation précoce des patients. La HAS propose les repères suivants (4) :
-› En contexte médical, l’utilisation d’une compression est recommandée pour prévenir une thrombose veineuse dans les situations à risque, notamment en cas d’alitement : infections avec fièvre prolongée, cancers à risque de thrombose, insuffisance cardiaque, antécédents de thrombose veineuse.
En revanche, la compression après un accident vasculaire cérébral (AVC) n’a pas démontré son intérêt.
En contexte chirurgical, la compression est recommandée en cas d’intervention chirurgicale à risque thromboembolique veineux. La durée du traitement compressif est fonction de l'importance du risque : de 7 à 10 jours en cas de chirurgie à faible risque ; 7 semaines en cas de chirurgie à haut risque (chirurgie orthopédique ou chirurgie carcinologique abdominale).
Un cas particulier : les voyages en avion de plus de 7 heures. La plupart des patients à risque identifié portent en fait déjà un dispositif de compression.
-› Que le contexte soit médical ou chirurgical (hors AVC), le port de chaussettes « antithrombose » (pression à la cheville entre 15 et 20 mmHg, pression au mollet de 50 à 80 % de la pression à la cheville, pied ouvert, talon marqué) est recommandé.
Pour les patients n'ayant pas déjà de traitement compressif en cours, la compression doit être porté de façon bilatérale jour et nuit dès l’admission et tant que persiste le risque thromboembolique (même en cas de reprise de la marche).
Pour les patients ayant déjà un traitement compressif de plus forte pression, les chaussettes antithrombose doivent être portées des deux côtés jour et nuit pendant toute la durée de l'alitement, le traitement compressif habituel étant repris par la suite.
-› Enfin, une compression doit être portée durant toute la grossesse et durant 6 semaines après l'accouchement (6 mois si césarienne) : classe II le plus souvent, classes III ou IV en cas d'affection veineuse chronique associée.
Il n’y a pas de différence d’efficacité démontrée entre les différents types de bas. La culotte des collants, qu’ils soient dits « de maternité » ou non, n’a aucune efficacité compressive.
Les bandages ne sont pas indiqués chez la femme enceinte ou en post-partum, sauf en cas d’affection veineuse chronique associée.
En cas de thrombose veineuse avérée
Le traitement curatif des thromboses veineuses fait appel aux médicaments anticoagulants, ainsi qu’à la compression médicale et à la mobilisation précoce (encadré 2). La compression médicale est également indiquée en cas de syndrome post-thrombotique. La pression à retenir est la plus forte supportée par le patient.
Le lymphœdème (6)
-› Il est à différencier du lipœdème et de l'œdème induit par une insuffisance veineuse. Qu'il soit primaire ou secondaire à une atteinte du système lymphatique (cancer, traumatisme…), son traitement repose à la fois sur les mesures hygiéno-diététiques et la compression médicale. Au rang des mesures hygiéno-diététiques figurent les soins de la peau et des phanères, la prise de précautions contre les portes d'entrée infectieuses, la gymnastique et la mobilisation douce, la perte pondérale si nécessaire et le drainage lymphatique manuel.
-› Le traitement compressif utilise principalement des bandes, des bas ou des manchons. Globalement, les bandes sont préférables dans les utilisations de courte durée (de quelques jours à quelques semaines). On utilise des bandes sèches inélastiques ou à allongement court. Les bandes adhésives ou cohésives, les bandes enduites, les bandes sèches à allongement long › 100 %) et les bandages multitype commercialisés en kit ne sont pas indiqués dans le traitement du lymphœdème.
La réalisation du bandage peut demander l’utilisation de bandes de maintien et/ou de dispositifs de capitonnage (mousse, coussins, ouate) pour protéger la peau et pour uniformiser la pression (ou en cas de méplat, pour augmenter la pression locale).
Les bas (chaussettes, bas-cuisse, collants) ou les manchons sont mieux adaptés à une utilisation à long terme.
Certaines indications nécessitent le port de vêtements compressifs.
-› La thérapie décongestive se déroule en deux phases : une phase de réduction du volume et une phase de maintien. Durant la première phase, la compression doit être portée au moins 5 jours par semaine pendant 1 à 6 semaines. Durant la phase de maintien, la compression est portée au long cours avec réévaluation régulière du rapport bénéfice-risque.
En cas de lymphœdème du membre supérieur, on utilise en première intention, durant la phase de réduction, des bandes sèches à allongement court ou inélastiques associées à des dispositifs de capitonnage. Le manchon est réservé à la deuxième intention. La pression maximale tolérée doit être recherchée. Au cours de la phase de maintien, la préférence va au manchon de 15 à 20, 20 à 36 ou › 36 mmHg (bandes sèches en deuxième intention). Préférer le manchon avec main attenante si cela est compatible avec l'activité du patient.
Pour le lymphœdème du membre inférieur, la HAS recommande, durant la phase de réduction, d'utiliser en première intention des bandes sèches à allongement court ou inélastiques, à la pression maximale tolérée, et des dispositifs de capitonnage. Les chaussettes, bas-cuisse, collants ou hémicollants sont prescrits en deuxième intention. En phase de maintien, on fait appel aux chaussettes, bas-cuisse, collants ou hémicollants de 20 à 36 ou › 36 mmHg (bandes sèches en deuxième intention). Là encore, il faut utiliser la pression maximale tolérée : au moins 45 mmHg si possible (éventuellement par superposition).
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