HTA

CONTRER L’INERTIE THERAPEUTIQUE CHEZ LES HYPERTENDUS A HAUT RISQUE

Publié le 06/06/2014
Article réservé aux abonnés
Plus le risque cardio-vasculaire global des hypertendus est élevé, moins bien ils sont contrôlés en prévention primaire. Une situation qui concerne les trois quarts des patients traités.

Crédit photo : B. BOISSONNET / BSIP

En France, sur dix millions d’hypertendus traités, plus de 90% sont exclusivement suivis par leur médecin généraliste. Cependant et malgré les recommandations des sociétés savantes françaises et européennes, 50 à 76% des hypertendus ne sont pas équilibrés, mettant en exergue un décalage entre les recommandations et « la vraie vie », et laissant penser que ces recommandations n’ont pas tenu compte des particularités des soins primaires.

Cela peut paraître paradoxal, mais plus le risque cardiovasculaire global des hypertendus est élevé et moins bien ils sont contrôlés en prévention primaire. Ce qui correspond à plus des trois quarts des patients traités. En cause dans ces mauvais chiffres: la mauvaise observance des patients, mais aussi l’inertie thérapeutique des médecins.

L’étude ESCAPE (Effets d’une Série de Consultations Approfondies de Prévention sur l’Evolution des facteurs de risque des patients hypertendus à haut risque en prévention primaire) a donc souhaité intervenir exclusivement du côté des médecins généralistes avec l’objectif de démontrer qu'une intervention réalisée par des pairs augmentait significativement le taux de patients à haut risque en prévention primaire atteignant toutes les cibles préconisées dans les recommandations.

MÉTHODE

Entre novembre 2006 et juillet 2007, 1 832 patients ont été inclus par 257 investigateurs, tous membres du Collège National des Généralistes Enseignants.

› Les patients inclus sont représentatifs des hypertendus à haut risque que nous suivons dans nos consultations : âgés en moyenne de 62 (+/- 7,8) ans, avec une répartition hommes/femmes de 2/1; traités depuis 10,9 (+/- 8,1) ans, par en moyenne 2,17 antihypertenseurs. 76% d'entre eux avaient plus de deux autres facteurs de risque CV associés et 57% étaient diabétiques de type 2. L’IMC moyen était de 30,5 kg/m2.

› À l’inclusion, seuls 8,2% des patients atteignaient toutes leurs cibles thérapeutiques individuelles (1,5% pour les diabétiques).

› L’intervention comportait une journée de formation standardisée sur les objectifs préconisées par les guidelines HAS et les stratégies thérapeutiques à suivre pour les atteindre, l’attribution d’un tensiomètre électronique et la remise d’un aide-mémoire. Par la suite, les patients inclus étaient reçus tous les 6 mois pendant 2 ans lors d’une consultation dédiée à l’HTA et au risque cardiovasculaire. Le traitement médicamenteux devait être intensifié si les cibles thérapeutiques individuelles n’étaient pas atteintes.

› Dans le groupe témoin, les médecins généralistes ont été invités à inclure et à suivre les patients comme à leur habitude.

RÉSULTATS

Après 2 ans de suivi, le taux de patients ayant atteint toutes leurs cibles thérapeutiques a significativement augmenté dans les deux groupes mais significativement davantage dans le groupe intervention (OR= 1,89, IC 95% [1,09 ;3,27]).

› La proportion de patients ayant une HTA contrôlée a significativement augmenté dans le groupe intervention mais pas dans le groupe témoin, parallèlement à l’augmentation du nombre d’antihypertenseurs 2,41 (±1,05) contre 2,29 (± 1,06) respectivement.

La diminution de la PAS de 6 mmHg dans le groupe intervention (contre -1,2 dans le groupe contrôle) était cliniquement pertinente car susceptible de réduire la mortalité de 20% pour les AVC et de 15% pour les infarctus myocardiques et la mortalité totale à long terme.

› Le taux de patients à la cible de LDL-C et non-fumeurs a augmenté dans les deux groupes sans différence significative et la proportion de diabétiques équilibrés n’a pas varié.

› La proportion de diabétiques recevant de l'aspirine à dose cardiopréventive a significativement augmenté dans les deux groupes mais significativement davantage dans le groupe intervention

› Au total, le risque cardiovasculaire a diminué dans les deux groupes avec une différence significative en faveur du groupe intervention, sans altération de la qualité de vie.

CONCLUSION

En conclusion, une formation d’une journée par et pour les médecins généralistes, « facile à réaliser », selon le Dr Denis Pouchain, suivie de consultations semestrielles dédiées à l’HTA et au risque cardiovasculaire augmente significativement, dans cette population à haut risque en prévention primaire, le taux de patients hypertendus atteignant les cibles recommandées, sans prix à payer en terme de qualité de vie.

Julie Van Den Broucke (médecin généraliste) avec le Dr Denis Pouchain (CNGE)
HTA

Source : lequotidiendumedecin.fr