C E virus recombinant, inoculé à la souris, devait en principe stimuler la production d'anticorps dirigés contre l'embryon. En fait de quoi, c'est l'animal lui-même qui s'est montré incapable de répondre à l'infection.
Dans le « Journal of Virology », les Australiens rapportent une inhibition des réponses cytotoxiques NK et CTL, ainsi que l'inhibition de la production d'interféron gamma par ces derniers.
S'il existe des souris sensibles à ce virus, développant une maladie aiguë en raison d'une réponse immune spontanément insuffisante, il existe aussi des animaux génétiquement résistants. Or, chez ces animaux aussi, le virus recombinant est létal. Pire, même : des animaux préalablement vaccinés contre l' Ectromelia Virus, développent, eux aussi, une infection aiguë létale. En d'autres termes, le virus recombinant serait capable non seulement de supprimer la réponse antivirale primaire, mais aussi l'immunité mémoire.
Le « virus fou » obtenu à Camberra a donc des côtés d'arme absolue, au moins contre la gent murine. C'est déjà extrêmement inquiétant, si l'on considère que les rongeurs, quelque ponction qu'ils fassent subir aux récoltes, ne sont certainement pas justiciables d'une « solution finale ». Mais cela le devient encore plus si l'on considère qu'il ne manque pas de détraqué ici ou là pour reprendre la recette du gène IL-4, mais dans un virus humain, cette fois.
La convention internationale contre les armes biologiques
L'énormité n'a pas échappé aux Australiens, dont on imagine qu'ils ont passé quelques nuits blanches sur la question : « Dire ou ne pas dire ? ». Ils ont donc choisi de dire, mais en assortissant la publication dans le « Journal of Virology » d'un communiqué demandant le renforcement de la convention internationale contre les armes biologiques.
Quel effet tout cela fait-il ? Sur fond de troisième millénaire, les ingrédients du spectaculaire sont là : virus + manipulation génétique + arme biologique, etc. On doit cependant relativiser quelque peu. D'abord parce c'est loin d'être la première fois que l'on « trafique » génétiquement un virus pour le rendre plus pathogène : la chose s'est notamment largement pratiquée avec le SIV, auquel les macaques s'obstinaient à résister. Ensuite parce que au chapitre des armes biologiques, il n'est sans doute pas nécessaire de recourir à la transgenèse pour « faire un carton ». D'un point de vue militaire, ces armes seraient « efficaces » à l'excès, parce que non discriminantes. D'un point de vue terroriste, le bon vieux virus de la variole serait amplement suffisant pour obtenir l'effet politique escompté. Pour la malfaisance en général, le gonflage à l'IL-4 ne semble donc pas d'un bénéfice évident.
Quête de l'absolution
Ce qui est clair, en revanche, c'est que les chercheurs australiens ont conscience d'avoir fait une bêtise, ou de l'avoir frôlée, et qu'ils recherchent une sorte d'absolution en place publique en exagérant quelque peu l'alerte.
Bob Seamark, directeur du centre de Camberra, proclame que les recherches ont été effectuées pour « des motifs complètement humanitaires », et qu' « il arrive en science que l'on fasse des découvertes entièrement inattendues - par exemple, la pénicilline ». Le Dr Annabelle Duncan, qui dirige le département de biologie moléculaire, et qui a participé aux missions onusiennes de destruction des armes chimiques en Irak, déclare, quant à elle, que « des découvertes de ce genre sont permanentes, et qu'il faut s'assurer qu'elles sont utilisées pour le bien, et non la destruction ». Le Pr John Richard, vice-chancelier de l'Université nationale australienne, enfin, affirme qu'il est « important de récupérer des résultats inattendus pour le bénéfice de l'humanité ».
De tout cela, nul ne doute, même si on s'interrogera encore longtemps sur les moyens à mettre en œuvre. L'un dans l'autre, il n'est cependant pas mauvais qu'avec une transparence quasi militante, des chercheurs australiens viennent proclamer à la face du monde tout simplement qu'ils se sont fait très peur.
Ronald J. Jackson et coll. « Journal of Virology », février 2001, pp. 1205-1210, vol. 75, n° 3.
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