Atteinte pulmonaire interstitielle de la polyarthrite rhumatoïde

Vers la détection d’un nouveau variant génétique ?

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Publié le 20/12/2018
fibrose pulmonaire

fibrose pulmonaire
Crédit photo : Phanie

Les manifestations respiratoires de la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont fréquentes, hétérogènes et parfois graves.

La prévalence des atteintes pulmonaires symptomatique est faible, mais peut atteindre 60 % chez les patients qui ont une évaluation tomodensitométrique à haute résolution. Ces atteintes sont responsables d’une surmortalité. Elles sont très hétérogènes, mais, parmi elles, la pneumopathie interstitielle diffuse (PID) occupe une place particulière.

On distingue deux variétés de PID au cours de la PR : la pneumopathie interstitielle non spécifique (PINS) et la pneumopathie interstitielle commune (UIP, pour usual interstitial pneumonia). Elles diffèrent par leurs images au scanner (réticulations et verre dépoli dans la PINS, images en rayon de miel et réticulations dans l’UIP), par leur histologie (infiltrat inflammatoire prédominant dans la PINS, fibrose mutilante dans l’UIP) et par leur pronostic, beaucoup plus mauvais pour l’UIP du fait de la faible corticosensibilité et de l’évolution vers une fibrose irréversible.

Une prédisposition génétique identifiée

L’identification de facteurs pronostiques de l’atteinte pulmonaire chez les patients atteints de PR est donc primordiale. Une prédisposition génétique partagée entre PR, pneumopathie interstitielle et fibrose pulmonaire familiale a déjà été identifiée par une équipe de l’hôpital Bichat à Paris (1). Le variant commun rs35705950, associé à un gain de fonction dans le promoteur du gène MUC5B et codant pour la mucine 5B, est le facteur de risque génétique le plus puissant de fibrose pulmonaire idiopathique, observé chez au moins 50 % des patients atteints et représentant 30 % du risque de développer cette maladie. L'étude a donc testé l’hypothèse que ce variant contribuerait également au risque de PID chez les patients atteints de PR.

Un variant associé à un risque accru de PID en cas de PR

L’essai a inclus 620 patients atteints de PR avec PID, 614 atteints de PR sans PID et 5 448 témoins non atteints (2). Le variant est souvent associé à l’existence d’une PID, avec un odds ratio (ORa) ajusté de 3,8 (IC 95 % : [2,8 – 5,2] ; p = 9,7 x 10−17), et il est, chez les patients ayant une PID, significativement surreprésenté (ORa : 5,5 ; IC 95 % : [4,2 – 7,3] ; p = 4,7 x 10−35). Sa présence est également associée à un risque accru de PID chez les patients atteints de PR (ORa en analyse combinée : 3,1 ; IC 95 % : [1,8 – 5,4] ; p = 7,4 x 10−5), en particulier ceux chez lesquels le scanner à haute résolution a identifié une UIP (ORa en analyse combinée : 6,1 ; IC 95 % : [2,9 – 13,1] ; p = 2,5 x 10−6). Par contre, aucune association n’est constatée avec le diagnostic de la PR seule.

La question se pose de savoir si ce variant devrait être recherché chez tous les patients atteints de PR (3). Pour le moment, l’absence de conséquence thérapeutique incite à répondre par la négative. Mais, au vu du développement des traitements préventifs ou curatifs des PID, ce variant pourrait dans le futur, par les informations pronostiques qu’il fournit, participer à une meilleure stratégie de prise en charge.

Rhumatologue à l’hôpital Lariboisière (APHP)

(1) Juge PA et al. Shared genetic predisposition in rheumatoid arthritis-interstitial lung disease and familial pulmonary fibrosis. Eur Respir J. 2017 May 11;49(5)

(2) Juge PA et al. MUC5B promoter variant and rheumatoid arthritis with interstitial lung disease. N Engl J Med. 2018 Dec;379:2209-19

(3) Gregersen PK, Gravallese EM. Breathing new life into interstitial lung disease in rheumatoid arthritis. N Engl J Med. 2018;379:2265-6

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr