Dossier médical personnel et télétransmission

Une obligation pour demain ?

Publié le 21/06/2012
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Crédit photo : S TOUBON

LA TELETRANSMISSION des feuilles de soin et le dossier médical personnel (DMP) ont au moins un point commun : leur démarrage a été tardif et difficile. Prescrite par les ordonnances Juppé de 1996, la télétransmission a eu du mal à se tailler une place auprès des médecins. En 1998, lors du démarrage de SESAM-Vitale, un certain nombre d’entre eux l’ont vécue comme une contrainte, un transfert de tâches (de la sécurité sociale aux professionnels de santé) venant alourdir leur quotidien. Beaucoup redoutaient également l’utilisation de l’outil informatique. Mais, petit à petit, la feuille de soin électronique a su convaincre. De leur côté, les patients, séduits par le côté pratique de la carte Vitale, ont incité leurs médecins à la prendre en compte. Et ces derniers ont découvert les avantages de l’informatisation. « La dématérialisation des feuilles de soins est aujourd’hui quelque chose d’évident. Il est plus compliqué et long de remplir une feuille de soins papier que de la traiter via notre logiciel informatique. Par ailleurs, la feuille de soins électronique (FSE) offre des atouts indiscutables à nos patients : ils n’ont plus besoin d’envoyer un courrier à leur caisse d’assurance-maladie et sont remboursés plus rapidement (sous 5 jours) », souligne le Dr Éric Perchicot, secrétaire du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV). Il comprend cependant les réticences d’une partie de ses confrères vis-à-vis de la télétransmission. « Certains redoutent encore les pannes informatiques, d’autres ont l’impression d’être contrôlés plus directement par les caisses d’assurance-maladie via la télétransmission... Si certains préfèrent continuer à délivrer des feuilles de soins papier à leurs patients, ils doivent en avoir le droit. Je ne vois aucune raison de rendre la télétransmission obligatoire, dans les années à venir », note le Dr Perchicot.

Le DMP nécessite le consentement du patient.

Le chemin vers le lancement du DMP a également été long et semé d’embûches. D’après l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP-Santé), chargée de son développement, de janvier 2005 à juin 2009, le DMP a coûté environ 94 millions d’euros en expérimentations, et de l’été 2009 à fin 2011, 62 millions pour son déploiement. Avec 100 000 DMP ouverts en mars dernier, l’ASIP se trouve en deçà de ses prévisions initiales qui étaient de 500 000 dossiers à la fin 2011. Le retard pris par les industriels pour mettre au point des logiciels métiers DMP-compatibles explique, notamment, ces résultats mitigés. « La mise en œuvre du DMP est assez complexe car celui-ci doit idéalement contenir l’ensemble des antécédents médicaux importants du patient. Il doit aussi être facile d’accès et d’utilisation pour les médecins tout en protégeant la liberté individuelle du patient. En effet, ce dernier peut demander à masquer certaines informations et choisir les médecins ayant accès à son DMP (en dehors de l’urgence). La création de logiciels DMP permettant toutes ces fonctionnalités n’a pas été simple », précise le Dr Perchicot.

Mais les efforts entrepris semblent porter leurs fruits : d’après un sondage de l’ASIP, 77 % des médecins se disent désormais favorables au DMP et 63 % sont prêts à en recommander l’ouverture à leurs patients. « C’est un outil qui permet aux professionnels de santé de coordonner leurs actions autour du patient pour que ceux-ci soient mieux pris en charge et à un moindre coût. Personne ne peut s’opposer à cet objectif. Il suffit de travailler dans l’urgence pour s’en rendre compte. Lorsque je suis d’astreinte à l’hôpital, face à un patient que je ne connais pas et qui n’est pas en état de m’expliquer ses antécédents, je suis bien content d’avoir accès à son DMP. De même avec le vieillissement de la population, les patients présentant des pathologies chroniques et des comorbidités sont de plus en plus nombreux, le DMP facilitera grandement leur prise en charge », indique le Dr Perchicot.

« Comme son nom l’indique, le DMP est un dossier personnel. Il ne doit pas être ouvert de façon systématique ou sous la contrainte. Le consentement du patient est indispensable. Personnellement, je propose le DMP uniquement aux patients que je connais bien, après leur avoir expliqué les objectifs et les atouts de cet outil. Une chose est sûre, plusieurs années seront nécessaires avant que le DMP puisse monter en charge. Cela nécessitera beaucoup de bonne volonté de la part des médecins, en ville comme à l’hôpital », conclut le Dr Perchicot.

D’après un entretien avec le Dr Éric Perchicot, Cavaillon, secrétaire du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV).

HELIA HAKIMI-PREVOT

Source : Bilan spécialistes