LE QUOTIDIEN – Y a-t-il une recrudescence des actes de violence contre les médecins libéraux ?
Dr FRANK QUESTEL – Les chiffres disponibles issus de l’Observatoire ordinal de la sécurité des médecins ne traduisent que les cas faisant l’objet d’une déclaration des praticiens eux-mêmes. Ils sont probablement très en dessous de la réalité. On a une sous-notification considérable des agressions. Sur le papier il n’y a pas eu d’explosion du nombre de cas recensés depuis dix ans. En 2008, 534 incidents ont été déclarés, le pic ayant été atteint en 2007 (plus de 800). Mais le vécu des médecins généralistes sur le terrain est très différent. Beaucoup d’entre eux éprouvent une crainte et un sentiment d’insécurité qui n’existait pas il y dix ou quinze ans. Il y a une discordance entre les chiffres officiels et le ressenti. Et bien sûr on a des faits épisodiques dramatiques...
Quel sont les principaux cas d’agressions ?
Il y a deux grands types de cas. Les plus fréquents – 50 % des observations – concernent des agressions verbales liées à une frustration par rapport à une demande de soins, un temps d’attente trop long, un traitement non conforme aux exigences, l’absence de certificat d’arrêt de travail… Ce n’est pas quelque chose de prémédité. Et les auteurs ne sont pas des malades mentaux ou des toxicomanes. C’est plutôt la volonté immédiate de « résultat », de consommer des soins, et la dégradation de l’image du médecin qui sont en cause. Ensuite, il y a des agressions préméditées avec vol, recherche d’argent, d’ordonnances, qui concernent souvent des lieux plus exposés, « à risque » comme certains cabinets isolés de banlieue - davantage que l’hôpital. Les médecins généralistes sont très majoritairement en première ligne. L’Ile-de-France et particulièrement la Seine-Saint-Denis concentrent le plus d’incidents.
Quelle attitude ou comportement adopter face à un risque d’agression ?
Soit on a affaire à un psychopathe, à quelqu’un qui est sur le registre de l’intolérance à la frustration momentanée, avec probablement une possibilité de discuter. Encore faut-il savoir calmer le jeu ! Soit on est face à un acte prémédité, comme l’intention de voler ou du vandalisme pur. La police conseille d’évaluer le danger… En gros, si vous êtes seuls face à quelqu’un d’armé, l’idée est qu’il faut ficher le camp et prévenir la police !
Quels seraient les mesures efficaces ?
La profession n’a pas anticipé cette situation. Pas plus que les pouvoirs publics. Même si nombre de médecins ressentent une insécurité croissante, personne n’a pris les devants. Or, il y a sans doute des mesures concrètes pertinentes : de la vidéo, des caméras proches des cabinets, un contact direct avec les commissariats, des numéros dédiés, des mesures de prévention spécifiques en cas d’exercice nocturne isolé dans une banlieue… Paradoxalement, le cible n’est pas le médecin de campagne isolé. Les violences existent surtout en milieu urbain. En tout cas, la violence faite aux professionnels de santé est un vrai sujet.
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