L A relève est là, décidément, en matière de mise en scène et Paul Desveaux en fait partie. Ce jeune directeur d'une compagnie sise en Haute-Normandie, L'Héliotrope, qui, avant Wedekind, s'est intéressé à Molière, Marivaux, Koltès, Sarraute, a tout d'un artiste sur qui compter. Sens de l'espace, du rythme, de la direction d'acteurs, cet « Eveil du printemps » est d'une remarquable cohérence et ne sacrifie jamais l'émotion à l'image. Pourtant tout est beau, fort, très personnel, tout témoigne d'une réflexion aiguë sur cette oeuvre bouleversante et tout témoigne d'un grand métier de la scène.
Ils s'appellent Wendla, Ilse, Melchior, Moritz, Hans, ils ont 14-15 ans. Ils ont dans la tête leurs problèmes de mathématiques et déjà les grands textes de la littérature, ceux que l'on étudie en classe à leur âge. Ils ne savent pas grand chose encore de la vie, mais les questions les taraudent comme sève qui monte de pulsions nouvelles à rêves imprécis, désirs parfois confus, espoir et angoisse inextriquablement mêlés. Tout le monde a connu cela, tout le monde connaît cela et les adolescents du jour ressemblent comme frères à ceux de cette fin de XIXe siècle.
Pierre Garcia signe la scénographie et les costumes. De larges plateaux très simples sur lesquels les personnages peuvent s'ébattre à loisir et qui permettent les développements chorégraphiques imaginés par Yano Iatridès. Rien d'artificiel dans ce travail dansé, réglé : cela donne corps au choeur, si l'on peut dire, et le travail sur les mouvements, qu'ils soient de groupe ou de solitude, est remarquablement inscrit dans cette mise en scène fluide et vive que soulignent la musique (Vincent Artaud et Arnaud Rebotin) et les lumières (Alexandre Martre).
Le drame de Wedekind est déchirant, mais il prend des allures allègres souvent, et drôles. Paul Desveaux respecte cette versatilité des humeurs et dirige magnifiquement des interprètes remarquables qui méritent tous d'être cités. Julie Recoing, merveilleuse et sensible Wendla, Céline Bodis, sensuelle Ilse, Pierre Laneyrie, qui donne à Melchior sa juste inquiétude, Fabrice Cals, un Moritz aigu et attachant, Adrien Michaux, Ernst, fragile et solide à la fois, Maxime Desmons, Hans qui porte son mystère, sont tous très bien, fins, personnels, immédiatement présents, comme l'est Véronique Dossetto, Martha. Du côté des adultes, Serge Blavian, Monsieur Gabor puis l'homme masqué, Anne Lévy, présence puissance, sévère et tendre à la fois, impose sa personnalité forte.
Très belle pièce, très beau spectacle, frais et emporté, radieux et sombre, en toute fidélité à Wedekind.
Théâtre de l'Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 16 0. Durée : 2 h 30 sans entracte (01.43.74.99.61). Jusqu'au 29 avril.
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