Rythmes circadiens du sujet âgé

Une facteur thermolabile dérègle l’horloge biologique

Publié le 18/04/2011
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CHEZ LE sujet âgé, l’amplitude et la durée du cycle circadien sont diminuées, comme on l’observe en particulier au niveau de la température ou des sécrétions hormonales, et les organes périphériques connaissent diverses formes de désynchronisation. Ces altérations sont encore accentuées dans les maladies de Parkinson, d’Alzheimer ou la chorée de Huntington.

L’horloge centrale est située dans le noyau suprachiasmatique (NSC), situé dans l’hypothalamus antérieur. Mais le mécanisme de l’horloge s’appuie sur des boucles rétroactives de transcription commandées par des gènes appelés «clock» et où sont impliqués une pléiade d’oscillateurs périphériques. Ces processus opèrent dans l’ensemble des cellules de l’organisme et les chercheurs ont montré qu’il est possible «d’entraîner» les fibroblastes pour mimer des différences de comportement circadien physiologiques, au travers de l’utilisation de promoteurs des gènes clock contrôlant l’expression de substances telles que la luciférase ou le GFP (green fluorescent protein).

Les fibroblastes de 18 participants.

L’équipe suisse d’Anne Eckert a prélevé les fibroblastes de 18 participants jeunes et 18 autres plus âgés. Ces fibroblastes ont été infectés par un lentivirus portant le promoteur Bmal1 commandant l’expression de la luciférase. La bioluminescence circadienne correspondant à l’activité de ce promoteur a été mesurée pendant au moins 5 jours et les variations circadiennes analysés au niveau des fibroblastes des sujets jeunes et âgés.

Les Suisses observent tout d’abord que les caractéristiques du rythme circadien des fibroblastes (longueur, amplitude de période et phase) ne reflètent pas les variations circadiennes physiologiques évaluées par le questionnaire «Munich Chronotype» (MCTQ). Ils ont alors pensé que si les propriétés chronobiologiques des cellules périphériques ne différent pas en fonction de l’âge, ces différences pouvaient être reflétées par des facteurs circulants. Ils ont donc répété leur expérience en remplaçant le milieu standard FBS (sérum fœtal de boeuf) par du sérum humain provenant des sujets eux-mêmes. Ils ont ainsi préparé huit milieux issus de sujets jeunes (YS) et cinq sérums provenant de sujets âgés (OS), hommes âgés et femmes ménopausées, .

La période circadienne est significativement plus courte en présence de sérums OS, que les fibroblastes proviennent de sujets jeunes ou âgés, qu’en présence de sérums YS: longueur de période: 23,79h (fibroblastes «jeunes») ou 23,60h (fibroblastes «âgés») vs 24,61 et 24,35, respectivement. Les chercheurs font la même observation concernant la phase circadienne, plus précoce en présence de sérums de sujets âgés.

Des centres nerveux distincts du noyau suprachiasmatique.

Les chercheurs ont enfin pu déterminer la nature thermolabile des facteurs circulants impliqués dans ces différences en traitant préalablement les sérums par la chaleur. Deux molécules labiles agissant sur le rythme circadien viennent à l’esprit: le cortisol et la mélatonine. Mais les dosages de ces substances dans les sérums YS et OS ne montrent aucune différence, ce qui exclut leur participation à ce phénomène.

La découverte des chercheurs de Bâle et de Zurich démontre qu’un facteur circulant agissant sur des centres nerveux distincts du noyau suprachiasmatique (tels que l’hippocampe ou le thalamus) affecte le chronotype humain, pouvant expliquer les perturbations de l’horloge biologique chez le sujet âgé. La participation d’un facteur hormonal à ces dernières pourrait ouvrir la voie à un traitement spécifique de ces anomalies.

Pagani L., Eckert A. et coll. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.

Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8945