Après la crise de la pilule

Une évolution inexorable de la contraception

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Publié le 28/06/2018
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pilule choix 1

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Crédit photo : PHANIE

pilule choix 2

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L’augmentation des accidents thromboemboliques veineux associés à certaines pilules œstroprogestatives de troisième génération a fini par semer le doute sur l’ensemble d’une classe pharmacologique. Le Dr Geoffroy Robin, gynécologue au CHRU de Lille, qualifie cette diabolisation d’abusive, en l’absence d’études de cohortes prospectives contrôlées. En reprenant les données de la dernière méta-analyse (2013), il estime que la question est bien plus complexe : « Chaque pilule présente un risque thrombotique veineux, qui dépend à la fois de la dose d’œstrogène et du type de progestatif associé. » Il dénonce « la méfiance générale qui règne après ce scandale, plus médiatico-politique que scientifique, et injustement liée à des problématiques de conflits d’intérêts ».

Dans l’imaginaire des patientes, les pilules de troisième génération, dont la prescription se ferait sous influence des laboratoires, sont plus dangereuses. Or, explique le Dr Robin, certaines ont une indication intéressante chez les femmes qui font de l’acné avec les pilules de deuxième génération. Mais la méfiance s’est installée, et les questions se sont multipliées en consultation. Le risque de thrombose liée à la pilule reste pourtant minime en valeur absolue, et dépend surtout de facteurs de risque associés : génétique, obésité, tabac… Pour les thromboses artérielles, le diabète et les migraines entrent aussi en ligne de compte. « On oublie de dire qu’un pourcentage significatif de femmes victimes de thromboses présentent des contre-indications, dont la pilule n’est que le révélateur », rappelle le Dr Robin.

Au-delà de la crise, des perspectives

Pour un certain nombre de femmes, ce scandale a été l’occasion de se reposer la question de leur mode de contraception, et de chercher une alternative à la pilule, comme la pose d’un dispositif intra-utérin hormonal ou en cuivre, ou d’un implant microprogestatif. Le Dr Robin estime que de 15 à 20 % de ses patientes ont souhaité basculer vers d’autres modes de contraception. Mais d’autres femmes, inquiétées par les médias ou par des professionnels de santé, ont purement et simplement abandonné la pilule dans l’urgence. Un an après la crise, une enquête dans l’ex-région Nord-Pas-de-Calais a montré qu’un peu plus de 10 % des IVG étaient liées directement ou indirectement à ce scandale.

Pour en sortir, il faut, selon le Dr Robin, revenir à l’essentiel : « La pilule est un vrai médicament, avec des contre-indications qui vont conditionner le risque d’accident vasculaire. Il convient de les respecter. On ne prescrit pas de pilules œstroprogestatives sur un coin de table ! » Et tout ce tapage pourrait avoir des retombées positives, en remettant en cause certaines pratiques contraceptives : « Lever l’abandon du stérilet chez les nullipares fait partie des solutions à proposer. Les professionnels y ont longtemps été réticents, mais cette crise de la pilule a permis de l’envisager plus sereinement », estime le Dr Robin, qui nourrit aussi des espoirs du côté des contraceptions œstroprogestatives sans risque vasculaire : à New York, explique-t-il, le Population Council travaille sur un anneau vaginal délivrant un progestatif et un œstrogène naturel, auquel la tolérance cardiovasculaire et métabolique serait meilleure.

exergue : La pilule est un vrai médicament, avec des contre-indications, on ne la prescrit pas sur un coin de table !

Entretien avec le Dr Geoffroy Robin, consultant en gynécologie et andrologie à l’hôpital Jeanne-de-Flandre du CHRU de Lille

Laurence Mauduit

Source : Bilan Spécialiste