La mise en évidence d'une survie comparable entre traitement conservateur et dialyse chez des sujets âgés de plus de 70 ans dans une étude française publiée l'an dernier fait reposer la question du choix thérapeutique dans cette population (1). « Il s'agit d'une série rétrospective, monocentrique, observationnelle, qui comporte de ce fait de nombreux biais, comme la majorité des études dans ce domaine, rappelle le Pr Maurice Laville. Elle donne donc des informations mais ne constitue pas une preuve ».
Le choix entre dialyse ou traitement conservateur chez le sujet âgé est une question complexe, qui se pose souvent dans l’urgence, imposée par le contexte, alors qu’elle devrait être anticipée. En cause notamment l'évolution souvent lente de la maladie rénale, qui peut être d'apparence stable et n'est pas toujours à l'esprit des soignants alors qu'elle peut se décompenser très rapidement et que les chances de récupération sont moindres que chez l'adulte plus jeune. « On a ainsi tendance à temporiser chez le sujet âgé, chez lequel il est plus délicat de réaliser une fistule artérioveineuse, alors que le délai de son développement est plus long. La mise en place d’un cathéter de dialyse péritonéale pose moins de problèmes, expose le Pr Laville. On se retrouve malgré tout souvent à dialyser en urgence un patient non préparé, ni physiquement ni psychologiquement. Or ce sont les sujets âgés qui sont les plus à risque de développer des complications en début de dialyse ».
L’idéal est donc de débuter très en amont l’information et l’orientation dans le choix de dialyser ou non. C’est relativement facile en cas d’insuffisance rénale progressive, plus complexe chez un sujet dont la créatinine est stable et pour lequel on s’interroge sur l’intérêt de la mise en route d’un traitement agressif, contraignant, qui perturbe la vie quotidienne.
Quel bénéfice pour le patient ?
« Chez le sujet âgé, la priorité absolue est le maintien de l’autonomie et de la qualité de vie, insiste le Pr Laville. Une étude américaine qui avait comparé traitement conservateur et dialyse avait montré que les dialysés vivaient plus longtemps, certes, mais que le gain de survie correspondait à des jours d’hospitalisation, avec des contraintes, des douleurs… Il faut donc se poser la question du bénéfice pour le patient ».
Le choix d'un traitement conservateur, fait dans le cadre d’un consensus multidisciplinaire avec le patient et sa famille, n'est pas un abandon mais implique au contraire un renforcement du suivi médical : lutte contre la sédentarité, diététique, allégement du traitement médical pour optimiser son rapport bénéfice/risque. Ce dernier doit en outre être réévalué en permanence chez ces patients dont l’évolution n’est pas facilement prévisible et si besoin il faut changer de stratégie après seulement 15 jours ou un mois.
« La Haute Autorité de santé (HAS) recommande d’aborder la question de la transplantation avec les patients de moins de 85 ans quand on leur parle des méthodes de suppléance », rappelle le Pr Laville. Mais si chez l’adulte la transplantation est le traitement le plus efficient selon l’étude de la HAS, ce n’est pas aussi évident chez le sujet âgé. La transplantation a ses risques propres, inhérents à la plus grande complexité du geste chirurgical et aux effets secondaires du traitement immunosuppresseur, et le bilan prétransplantation nécessairement élargi chez le sujet âgé, peut lui-même comporter des examens invasifs.
Ainsi, la décision d’orientation se fonde sur une évaluation médicale soigneuse, une information objective du rapport bénéfice/risque, l’obtention d’un consensus avec le patient et sa famille, en sachant que ce consensus peut être remis en question très rapidement. « Bien sûr, cela implique une décision multidisciplinaire, où il faut savoir rediscuter entre professionnels de santé pour voir ce qu’il y a de mieux à proposer au patient », conclut le Pr Laville.
D'après un entretien avec le Pr Maurice Laville, centre hospitalier Lyon Sud, CHU de Lyon
(1) Rouveure AC et al. Nephrol Ther 2016 Feb;12(1): 32-7
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