C OMMENT réduire le taux de mortalité chez les jeunes ? Par la prévention, mais laquelle ? Sous quelle forme ? Et qui désigner comme acteurs de cette prévention : les pouvoirs publics, l'assurance-maladie, l'Education nationale, le médecin de famille ? C'est sur ces questions, et d'autres encore, qu'ont planché les participants à la 4e Journée de la Canam, à Paris. Sous le patronage du sénateur Charles Descours, cette journée rassemblait un très large éventail d'acteurs impliqués de près ou de loin dans les domaines de la santé et de l'éducation.
La mortalité des jeunes est spécifique, par les problèmes pathologiques qu'ils présentent et les risques mortels qui leur sont propres (accidents, suicides). Faut-il pour autant organiser une médecine spécifique à leur endroit ? Non, affirme Jean-Louis San Marco. Professeur de santé publique à la faculté de médecine de Marseille, il propose une démarche préventive « à cent lieues de toute "éducation pour la santé" ». Selon lui, le taux de mortalité des jeunes est la conséquence de facteurs comportementaux, liés à la fragilité psychologique qu'implique l'adolescence et qui est source d'une surexposition aux risques. « Ces risques n'ont rien à voir avec les problèmes plus médicaux des autres tranches d'âge », précise-t-il. Il s'agirait plutôt d'une vulnérabilité psychologique et sociale. Mais comment agir devant ces jeunes qui ne consultent quasiment jamais de médecin et dont le sentiment d'indestructibilité les rend sourds aux avis prodigués ? Alors même qu'ils traversent une phase cruciale, celle de la prise d'habitudes dont dépend leur santé à venir : relation aux autres, alimentation, niveau d'activité physique, consommation éventuelle d'alcool ou de tabac.
Socrate et Lamennais revisités
« Il faut agir là où sont les jeunes et en partenariat avec ceux qui sont les plus proches d'eux, les enseignants », répond le Pr San Marco. Le niveau sanitaire des jeunes Français traduit, selon lui, « de leur part, autant d'angoisse dans le comportement, que d'indifférence quant à ses conséquences ». La violence, telle est la source du mal. Violence envers soi comme envers les autres, mode de relation quotidienne et fondement des deux premières causes de décès des jeunes : en tant que tel, il s'agit d'un « problème de santé urgent et grave (...) qui ne peut relever que d'une approche culturelle ». La violence n'est-elle pas un mode d'expression par défaut ? « Le seul langage qui reste à qui n'en a pas acquis d'autre. »
Apprendre aux jeunes à s'exprimer par le langage, à dialoguer, à échanger, comme voie d'accès à la dignité, bref, l'apprentissage du respect de soi et de l'autre « doit être le premier objectif de l'éducation, par l'expression d'une ferme exigence ».
Un programme de prévention original et ambitieux que résume le Pr San Marco d'une formule : « Socrate revisité, au service d'une ambition éducative globale. » Un programme dont il propose une application immédiate sous forme d'opérations pilotes (acteurs volontaires, structures limitées). L'action entreprise pourrait ensuite être généralisée sous réserve de résultats probants.
La volonté de partenariat manifestée par l'Education nationale et des structures de Sécurité sociale dans l'éducation et la prévention auprès des jeunes offre une conjoncture particulièrement favorable à une politique bien pensée, en tout cas. Un partenariat dont Daniel Postel-Vinay, directeur général de la Canam, a tenu à rappeler les deux objectifs prioritaires : la prévention et le dépistage des maladies et handicaps graves (amblyopie, obésité, troubles mentaux sévères...) et l'obtention d'un effet de comportement durable, favorable à la promotion de la santé dans la construction de la personnalité. Et d'invoquer en exemple l'esprit militant de Félicité Robert de Lamennais, qui déclarait, au XIXe siècle : « Entre le riche et le pauvre, entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère. »
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