E N présentant ses vux à la presse, Jacques Chirac a assuré ses interlocuteurs que la préparation des échéances électorales de 2002 ne ralentirait pas le rythme des réformes et le redressement économique et social du pays.
Jacques Chirac:l'année doit etre "utile"(AFP)
Il voit dans les résultats du sommet de Nice, dans les perspectives de croissance et dans le raffermissement de l'euro tous les signes d'une année politiquement dynamique.
Le président s'est exprimé comme s'il approuvait ce que fait le gouvernement en matière de réformes. Or chacun sait qu'il désapprouve la plupart des actions engagées par M. Jospin. S'il s'agit de ne compter que sur la croissance, dont l'ampleur prête à des analyses contradictoires, la classe politique peut effectivement laisser faire la nature et se contenter de penser aux élections législative et présidentielle.
Mais on ne peut que rejoindre le chef de l'Etat sur le principe qu'il a énoncé, à savoir que le calendrier électoral ne doit pas occulter le travail des pouvoirs législatif et exécutif. Les échéances électorales (des locales aux européennes en passant par les nationales) sont trop fréquentes pour qu'on ne s'occupe que d'elles avant qu'elles aient lieu : le fonctionnement du système démocratique ne saurait être limité au choix des élus.
Mais on n'empêchera pas que toute mesure aura une connotation électorale.
L'exemple de la CSG
Prenons un exemple : le Conseil d'Etat a annulé une disposition adoptée par le Parlement et qui prévoyait la suppression de la CSG pour les salaires inférieurs à 10 000 F par mois. Cela revient, affirmait il y a peu le ministre de l'Economie et des Finances, Laurent Fabius, à accorder un treizième mois à cette catégorie de salariés. Le Conseil d'Etat a vu ce qui est évident mais que personne d'autre que lui n'a vu dans un pays habitué à un certain laxisme : à savoir que la CSG est universelle, qu'elle tire sa force de ce principe, qu'elle a été conçue pour concerner tous les revenus, y compris ceux du capital et qu'elle corrigeait une dérive permettant à la moitié des ménages français de ne jamais payer d'impôts.
Pourquoi M. Fabius doit-il, coûte que coûte, trouver une alternative à la suppression de la CSG ? Certes, et en premier lieu, parce qu'il est bon qu'un gouvernement tienne ses promesses et que les foyers concernés ont cru ce qu'il disait (et ont même fait des supputations sur l'usage de ce treizième mois providentiel). Mais aussi parce que la popularité de Lionel Jospin serait gravement affectée par un renoncement et que ses chances à l'élection présidentielle en seraient diminuées.
D'où la question : la mesure était-elle dictée par les conditions économiques ou par un souci électoral ? Le Conseil d'Etat, qui se garderait bien de faire des commentaires à ce sujet, a simplement dit que, si on prive la CSG du concept qui l'a fait naître, on la prive de toutes ses vertus, alors qu'elle a été applaudie dans tous les milieux, de gauche ou de droite. La réforme proposée par le gouvernement était donc très maladroite, parce qu'elle contenait une atteinte aux fondements mêmes de cette cotisation. Et si le gouvernement n'a pas réfléchi davantage aux conséquences de cette réforme, n'est-ce pas parce qu'il jugeait urgent de remettre un peu d'argent dans la poche de son électorat traditionnel ?
S'il avait été plus prudent, il se serait épargné le débat idéologique qui déchire la classe politique, la gauche exigeant une hausse du SMIC, la droite proposant une réduction d'impôts, avec des variantes au sein des deux camps qui sèment une immense confusion.
Une bataille inutile
En fait, une réduction de la pression fiscale, et plus particulièrement pour les ménages les moins aisés, ne peut être qu'une bonne chose dès lors que la croissance semble avoir été tirée depuis trois ans par la consommation et la confiance retrouvée des Français. Il est donc inutile que les syndicats de salariés et les courants politiques se battent comme des chiffonniers au sujet de ce qui n'est, de toute façon, qu'une réduction des prélèvements obligatoires, qu'on les appelle impôts ou cotisations. On comprend qu'une forte hausse du SMIC, réclamée par le Parti communiste, aurait un effet pervers sur la vie des PME. Et le gouvernement s'oriente logiquement vers une autre solution, crédit d'impôts ou ristourne d'impôts. Il est vrai que, techniquement, c'est un casse-tête. Mais on voit bien comment le problème posé par le Conseil d'Etat a été récupéré par chacune des tendances politiques : elles espèrent tirer la réforme dans un sens qui ferait triompher une idéologie plutôt qu'une autre.
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