« Le Ventriloque » de Larry Tremblay

Un univers à part

Publié le 03/04/2001
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Q UE faut-il croire ? Qui faut-il croire ? On oscille entre atmosphère de paix et atmosphère d'angoisse, entre réel et imaginaire. On est pris de vertige car, comme crèvent les parois de l'étrange espace de la représentation, on ne peut rien tenir pour sûr...

Tout commence clairement, pourtant. Un ventriloque et sa poupée... Mais la poupée devient jeune fille et le ventriloque est aussi un médecin, entre psychanalyste et marabout ! L'homme est noir, la jeune fille est blanche, ainsi que le veut l'écrivain québécois Larry Tremblay, dont ce nouveau texte a séduit Gabriel Garran. Le metteur en scène appuie son spectacle sur deux interprètes au jeu dense et dansant. On a le sentiment que les deux « personnages » ne sont que personnages d'encre et que leurs « aventures » sont d'encre nocturne. On saisit des enchaînements logiques qui nous dessinent des « histoires », mais c'est comme si l'écriture même de Larry Tremblay prenait l'aspect d'un ruban moiré, changeant selon la lumière. Dedans, dehors, on ne sait jamais
Tout se renverse sans cesse et dès que l'on croit saisir un sens, il nous échappe, se transforme de métamorphose en métamorphose. C'est fascinant, prenant. C'est apaisé et angoissant en même temps, comme « Alice au pays des merveilles », au fond.
Hassane Kouyaté est impressionnant, tour à tour le personnage qu'il incarne est fraternel, ému, patient, puis sévère, rigide, méchant peut-être. Face à lui, Valérie Decobert, dans des robes de petite fille qui aurait grandi trop vite, est d'une merveilleuse sensibilité. Changeante comme l'écriture même de Larry Tremblay.
L'auteur ne choisit pas. A nous d'interpréter, de nous laisser imprégner par cette histoire étrange et étrangement écrite. Magali de Jonckerre fait une brève apparition. Elle est très bien.
Ce qui est beau dans cet insolite spectacle, touchant et attachant, c'est la confiance que Gabriel Garran a dans l'écriture d'aujourd'hui. Il a toujours défendu les poètes. Il continue, parce que lui-même appartient au monde de la poésie. Un monde tendre et cruel comme celui de cette pièce à découvrir.

Théâtre international de langue française, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 16 h  le dimanche. Durée : 1 h 45 sans entracte (01.40.03.93.95). Jusqu'au 14 avril.

HELIOT Armelle

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6891