Un risque majoré de cancer bronchique chez les asthmatiques

Publié le 06/01/2002
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Jusqu'à présent les études ne s'accordaient pas quant à leurs conclusions. Le travail publié dans l'« European Respiratory Journal » de janvier, devrait, par son ampleur et sa méthode prospective, mettre fin au débat. Trente ans de suivi et quelque 100 000 patients permettent de confirmer un risque majoré de cancer bronchique des asthmatiques.
Le travail a été mené sous la responsabilité du centre international de recherche sur le cancer de l'OMS, de l'Institut Karolinska de Stockholm et de l'université d'Uppsala. Il se base sur les registres nationaux suédois de la santé. Les auteurs ont identifié les sujets hospitalisés en Suède avec un diagnostic d'asthme. Et, pour augmenter la sensibilité du travail, y ont adjoint ceux qui non seulement étaient encore en vie un an après le séjour hospitalier, mais ne présentaient aucun signe de cancer. Ainsi Paolo Boffetta (Lyon) et coll ont suivi sur 8,5 ans en moyenne, 92 986 asthmatiques.
Deux conclusions majeures ressortent de l'analyse épidémiologique. La première est que, chez les asthmatiques, l'incidence du cancer bronchopulmonaire est supérieure à celle de la population générale. Avec 713 cancers enregistrés, les auteurs montrent que le nombre de cas dépasse de 58 %, en moyenne, celui attendu.
La seconde conclusion va également à l'encontre des études antérieures, mettant en avant un sur-risque de la population féminine. Alors qu'il est de 51 % chez les hommes, il passe à 78 % chez les femmes.
Les auteurs ne peuvent expliquer de façon certaine cette association. Ils proposent plutôt quelques hypothèses. « Nous ne savons pas vraiment si c'est l'asthme en tant que tel qui est à l'origine de l'augmentation du risque, précise Paolo Boffetta. Il se pourrait qu'un mécanisme commun soit à l'origine à la fois de l'asthme et du cancer, par exemple une inflammation chronique produisant un excès de radicaux libres. » En effet, l'inflammation bronchique, avec l'activation des neutrophiles et des phagocytes, produit elle-même des radicaux libres. Or le niveau des antioxydants est réduit dans la muqueuse respiratoire des asthmatiques. Comme les radicaux libres peuvent endommager le matériel génétique, cet excès localisé pourrait intervenir dans la cancérogenèse.
Une autre explication possible est avancée : l'existence d'un facteur de susceptibilité commun aux deux affections. Enfin, un facteur extérieur, intervenant à la fois dans les deux maladies, pourrait être évoqué, par exemple un élément de l'environnement, tel le tabac. Une hypothèse en faveur de laquelle plaide la présence élevée de types histologiques de cancers du fumeur chez les asthmatiques.

« European Respiratory Journal », janvier 2001.

Dr Guy BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7038