Ostéoporose en 2016

Un risque fracturaire toujours négligé

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Publié le 06/04/2017
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Crédit photo : PHANIE

Depuis quelques années, la CNAM a ouvert ses bases de données aux experts, ce qui a permis de recenser en 2013, 177 000 hospitalisations pour fractures ostéoporotiques en France, 54 000 au niveau de l’extrémité supérieure du fémur, avec un coût direct de 770 millions d’euros. La comparaison entre les années 2011, 2 012 et 2 013 pointe une augmentation de ces hospitalisations de 5 % par an. Ce travail souligne surtout que leur pronostic est mauvais avec, un an plus tard, 7 % de décès (deux fois plus nombreux chez les hommes que chez les femmes), 12 % de récidive de fracture, 40 % de réhospitalisations. « Et il montre malheureusement un défaut de prise en charge au décours de la fracture : moins de 10 % des patients bénéficient d’une ostéodensitométrie et moins de 20 % d’un traitement de fond de l’ostéoporose » déplore le Pr Legrand « ce qui doit amener à mieux sensibiliser les différents acteurs du parcours de santé, chirurgiens, gériatres, rééducateurs et médecins de famille ».

Des recommandations plus claires, centrées sur la clinique

Ce constat motive largement l’actualisation des recommandations sur l’ostéoporose qui devraient être publiées en cours d’année. Leur objectif : simplifier les stratégies thérapeutiques et préciser les rôles respectifs du médecin traitant et du spécialiste dans le parcours de soins.

Ces recommandations rappellent que l’antécédent de fracture non traumatique est le plus important facteur de risque de survenue d’une nouvelle fracture et soulignent l’enjeu clinique que constituent les fractures sévères – fémur, bassin, vertèbre, tiers supérieur de l’humérus, tibia proximal — qui s’associent à une surmortalité et imposent la mise en place d’un traitement de fond prolongé comportant une molécule modifiant le remodelage osseux (bisphosphonate le plus souvent, parfois tériparatide ou dénosumab), un supplément en vitamine D, une activité physique régulière et le sevrage progressif des médicaments favorisant les chutes (opiacés, psychotropes…). Les fractures sévères survenant chez des patients avec une densité osseuse intermédiaire (T-Score compris entre – 1 et – 2,5) sont fréquentes et également la conséquence de l’ostéoporose, particulièrement chez le sujet âgé chuteur ou chez les patients dont la qualité osseuse est altérée du fait d’une corticothérapie au long cours, d’un traitement par anti-aromatases, d’un diabète ou d’une obésité.

Les fractures vertébrales sont souvent peu symptomatiques (dorsalgie ou lombalgie d’allure « mécanique » et transitoire) et donc fréquemment ignorées : leur recherche doit être systématique, chez les patients qui ont déjà eu une fracture périphérique ou dont la densité osseuse est très basse, en s’aidant des radiographies standard ou de l’acquisition d’une image rachidienne de profil (technique VFA) lors de la densitométrie.

Parallèlement au bilan osseux, il est indispensable d’évaluer le risque de chute, en particulier après 70 ans, sur 3 critères simples : un antécédent de chute inexpliquée au cours des 6 mois précédents, le test « Timed Up and Go » supérieur à 14 secondes et l’appui monopodal possible pendant moins de 5 secondes. Pour un même état osseux, le risque de fracture ostéoporotique est multiplié par 3 à 4 chez les « chuteurs ».

Un tableau très simple tenant compte des antécédents fracturaires ou des facteurs de risque d’ostéoporose et de la DMO permet aisément de mettre en évidence les cas ne requérant aucun traitement, ceux qui peuvent être pris en charge par le MG, et ceux où la discordance entre la DMO et le contexte clinique oriente vers un spécialiste (Tableau 1).

Deux nouvelles molécules

Deux grands essais thérapeutiques ont marqué 2 016. Dans le premier, l’abaloparatide qui, comme le tériparatide, est un analogue de la PTH humaine administré en sous cutané et qui donne des résultats spectaculaires après 18 mois de traitement, avec un taux de fractures de 0,6 % vs 4,2 % sous placebo pour les fractures vertébrales, et de 2,7 % vs 4,7 % pour les non vertébrales.

L’autre molécule, le romosozumab est un anticorps monoclonal injectable inhibant la sclérostine, donc stimulant la formation osseuse. L’essai est original dans la mesure où il s’agit d’un traitement séquentiel ; les patientes ont reçu d’abord soit le romosozumab soit le placebo avant d’être toutes traitées l’année suivante par dénosumab, l’hypothèse étant qu’en cas de masse osseuse basse, il faut d’abord stimuler la formation osseuse avant d’inhiber la résorption osseuse. Chez les femmes qui ont reçu le romosozumab, après deux ans de traitement le gain de densité osseuse est de 7 % au niveau lombaire, avec une réduction de 73 % des fractures vertébrales et de 36 % de toutes les fractures cliniques. « On a ainsi démontré que les agents stimulants la formation osseuse ont un impact très rapide sur le nombre de fractures et que cette séquence thérapeutique semble actuellement la plus performante » explique le Pr Legrand.

Il est déjà possible d’utiliser un schéma similaire en prescrivant le tériparatide pendant 18 mois, suivi par un inhibiteur de la résorption osseuse pendant 3 à 5 ans, mais son utilisation est limitée par les conditions de remboursement du teriparatide (présence d’au moins 2 fractures vertébrales).

La toujours jeune vitamine D

Parmi quelques publications, on peut retenir que cette vitamine liposoluble peut être indifféremment prise à jeun ou au cours d’un repas.

Un autre essai contrôlé randomisé confirme qu’en cas de forte carence chez des patientes jeunes, l’asthénie souvent importante est améliorée par le placebo (chez 50 % des patients !) mais encore mieux (72 % de répondeurs) par une dose de 100 000 UI de vitamine D.

Enfin on constate que la supplémentation en vitamine D (1 000 UI par jour) à partir de la 14/17e semaine de grossesse est bien tolérée ; elle améliore le contenu minéral osseux mesuré par densitométrie chez l’enfant, mais uniquement quand la fin de grossesse se déroule en hiver. Une conclusion intéressante qui attire l’attention sur le fait que le statut vitaminique de la mère peut jouer sur la santé future de l’enfant.

Tableau 1 : Indications principales de traitement au cours de l’ostéoporose post ménopausique

D’après un entretien avec le Pr Erick Legrand, CHU d’Angers

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste