L E chômage a diminué de 2,1 % en janvier. Le taux national est passé à 9 % (9,2 % en décembre) et, depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1997, la France a créé un million d'emplois.
Ces résultats sont extrêmement encourageants. Ils montrent que, à croissance égale, notre pays crée plus d'emplois qu'il y a trente ans et que le seuil de croissance à partir duquel nous parvenons à diminuer le nombre de chômeurs est beaucoup plus bas aujourd'hui qu'autrefois. Donc que nous n'aurons pas besoin de taux de croissance mirifiques et sans doute hors de portée pour retourner, lentement mais sûrement, au plein emploi. Le gouvernement a raison de faire grand bruit autour de ces résultats et de s'en enorgueillir. Ce n'est pas lui qui crée les emplois, mais c'est à lui qu'on aurait adressé des reproches s'il avait excipé de résultats médiocres. Lionel Jospin n'a d'ailleurs pas manqué d'affirmer, comme on pouvait s'y attendre, que la mise en place des 35 heures n'a pas empêché la réduction du chômage, contrairement à ce que n'ont cessé de dire l'opposition et quelques économistes.
Un enthousiasme démonstratif
Tout cela est bel et bon et on ne saurait bouder une telle victoire contre le chômage sans se montrer injuste et manichéen. Mais on n'est pas non plus obligé de rejoindre sans réserves l'enthousiasme un peu trop démonstratif du Premier ministre. D'abord, il y a encore 2 119 700 chômeurs recensés en France et il faudra des années, au rythme actuel de la réduction du chômage, pour leur trouver un emploi. Le marché français du travail n'est pas le plus hermétique d'Europe, mais il est infiniment moins généreux que ceux des Pays-Bas ou du Royaume-Uni. C'est à dessein que nous choisissons ces deux exemples. Le premier montre comment une politique sociale de l'emploi arrive à terrasser le chômage. Le second montre comment une économie de marché parvient à un résultat comparable. Notre performance, savant dosage des méthodes, est inférieure à ces deux exemples.
Ce qui nous fait dire que l'absence d'impact des 35 heures sur la création d'emplois n'est pas prouvée. Rien ne nous assure que, sans les 35 heures, nous n'aurions pas créé davantage d'emplois, ni que notre taux de chômage ne serait pas, aujourd'hui, d'un ou deux points inférieur à 9 %. Un meilleur résultat n'aurait pas été une chimère après quatre années de croissance.
Par ailleurs, les mesures d'accompagnement de la croissance décidées par le gouvernement Jospin n'ont qu'une influence limitée sur l'ensemble du marché du travail. Or ces mesures arrivent en bout de course, par exemple celle qui concerne les emplois-jeunes, dont il va falloir décider si on les maintient ou si on renvoie leurs détenteurs au marché.
L'ensemble du plan social (35 heures et emplois créés dans la Fonction publique ou encouragés par des subventions de l'Etat), qui a redynamisé le marché du travail, est plus coûteux que ce que prévoyait Martine Aubry : une douzaine de milliards dont le financement n'est pas assuré. Quoi qu'en dise le gouvernement, le budget n'est pas élastique. La réduction du déficit d'année en année est très lente, par rapport aux pays industrialisés qui enregistrent déjà, et parfois depuis trois ou quatre ans, des excédents budgétaires substantiels. Ces charges budgétaires pèseront, à terme, sur l'emploi, dans la mesure où elles maintiendront la pression fiscale sur les entreprises, qui disposeront de moins d'argent pour leurs investissements, alors même que le patronat fait des projections plutôt moroses pour l'avenir immédiat, principalement parce qu'il s'inquiète de l'ampleur du ralentissement économique aux Etats-Unis.
En ce moment, c'est clairement la consommation qui tire notre croissance, grâce à la confiance des ménages. Mais si les entreprises n'investissent pas pour satisfaire la demande, la croissance ne suivra pas.
Sacrifices d'autrefois, dividendes d'aujourd'hui
Enfin, si la France crée aujourd'hui plus d'emplois pour moins de croissance, c'est nécessairement parce que pendant les années qui ont précédé l'actuel boom économique, elles se sont « restructurées ». Elles n'ont recommencé à faire des profits que grâce à des économies qui se sont surtout traduites par des licenciements, souvent massifs. Cette méthode d'allègements des coûts est un crève-cur pour ceux qui la subissent. Elle a même endommagé sérieusement le tissu social français. Ce fut néanmoins le prix à payer pour le retour à la croissance ; et les gouvernements, d'hier et d'aujourd'hui, n'ont aucune responsabilité dans ce phénomène. M. Jospin a le droit de célébrer le retour à l'emploi, il ne peut pas s'en arroger le mérite. Il doit maintenant veiller à limiter des dépenses qui tendent à créer des emplois artificiels, donc précaires, et à diminuer les charges sociales qui risquent d'obérer la liberté de manuvre des entreprises, seules à recruter, et dont il faut par conséquent favoriser la création et le développement.
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