S PECIALITE relativement jeune - puisqu'elle ne date officiellement que de 1971 -, la neurologie n'en connaît pas moins certains tourments. Dus d'abord au nombre relatif restreint de médecins qu'elle compte : moins de 1 600, selon le Livre blanc élaboré par l'ensemble des composantes de la profession et qui sera présenté officiellement le 17 avril à Lyon, en ouverture du Congrès de neurologie de langue française.
Mille six cents neurologues, cela représente un peu plus de 1,5 % de l'ensemble des spécialistes et 0,79 % des médecins français. « Dans notre société démocratique qui impose la loi des plus représentatifs, ce nombre nous pénalise souvent, écrit l'un des auteurs de cet ouvrage : ici, nous n'avons pas pouvoir de peser sur des décisions pour nous injustifiées, là, nous n'aurions pas le bout de table ou sa rallonge (si elle existe) pour nous exprimer dans des structures proportionnelles. » Mais, surtout, ce nombre est-il suffisant pour assurer les missions de santé qui incombent aux neurologues ? La réponse est délicate, reconnaissent-ils. « La fourchette, écrivent-ils, se situerait entre un neurologue pour 20 000 et un pour 40 000 habitants, soit entre 1 600 et 3 000 neurologues pour notre pays. Le nombre actuel se situe juste au bas de cette fourchette. »
18 % des urgences
Ce qui, dès lors, laisse penser qu'un certain nombre de médecins fait gravement défaut. « L'augmentation de notre nombre accroîtra sûrement la présence neurologique dans des champs de la pathologie que nous délaissons actuellement à tort », reconnaissent d'ailleurs les auteurs de l'ouvrage. Et cela se fait sentir dans certains établissements où les spécialistes ne sont pas assez nombreux pour mener convenablement des explorations ou des tests neuropsychologiques. « Sans oublier, poursuivent les auteurs, que le sommeil est insuffisamment pris en charge par notre spécialité ».
Le problème des urgences, dans ce contexte démographique, est également à prendre en considération. Selon une étude effectuée en 1997 au CHU de Besançon et rapportée par le Livre blanc, il a été établi que 18 % des patients admis au service d'accueil des urgences étaient atteints d'affections neurologiques. De plus, précise encore cette étude, en service d'urgences, le neurologue a été amené à modifier le diagnostic suspecté ou à adapter la prise en charge dans plus de 85 % des cas. D'où « la nécessité d'une garde et/ou astreinte effectuée par un neurologue et la formation des internes aux urgences neurologiques ».
Le problème est d'autant plus sérieux que les champs d'activité du neurologue ne cessent de s'accroître et que le vieillissement croissant de la population lui donnera, dans les toutes prochaines années, une responsabilité accrue et une charge de travail plus forte. D'où aussi l'importance, comme pour les autres médecins, de l'assiduité aux réunions de FMC.
Mais pour les neurologues, relève-t-on dans le Livre blanc, la situation se complique d'autant plus que, compte tenu de la grande fréquence de nombreuses affections neurologiques, les neurologues - quel que soit leur mode d'exercice - « sont quotidiennement sollicités pour participer à la formation de collègues non neurologues », qu'il s'agisse d'autres spécialistes ou de généralistes confrontés à des patients présentant des signes d'affection neurologique.
Niveau de vie moyen
Il faut savoir que la neurologie est à l'origine de 20 % des consultations et occupe ainsi le quatrième rang, selon le Livre blanc, des motifs de consultation et d'hospitalisation de notre pays.
Exercée à l'hôpital général et en CHU, la neurologie tend de plus à plus à sortir de ces enceintes. Les neurologues sont des spécialistes jeunes pour qui l'installation en libéral, notent les experts de l'ouvrage, « représente désormais la plus grande probabilité d'exercice ». La consultation du patient, qui est demandée dans 90 % des cas par des médecins correspondants (généraliste ou autre spécialiste) est généralement longue, puisqu'elle dure quarante minutes en moyenne, notamment lors de la première rencontre patient-médecin. Et pourtant, notent les auteurs, le niveau de vie des neurologues reste moyen, d'autant plus « que les revenus des neurologues libéraux vont baisser à la suite des décisions de modification de nomenclature ». Selon des statistiques (qui datent de 1995), le montant moyen des recettes des neurologues libéraux s'élevait alors à 740 000 francs, les dépenses moyennes à 360 000 francs et le résultat était de 353 000 francs, soit un peu moins de 30 000 francs par mois. Ce qui n'a rien d'extraordinaire, on en conviendra. D'autant que, à cette même date, 32 % des neurologues avaient, toujours selon le Livre blanc, un résultat annuel de l'ordre de 75 000 francs, soit moins de 6 500 francs par mois.
« Livre blanc de la neurologie française ». Coordinateurs : Dr Jean Vrigneaud, Dr Marc Bonnel. Renseignements : 01.48.56.76.70.
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