« C’est en gagnant le combat du dépistage que l’on pourra, en permettant au plus grand nombre de patients vivant avec le VIH (PVVIH) de connaître leur statut sérologique et en leur proposant un traitement dès le diagnostic, espérer gagner la bataille contre l’épidémie. Ce concept doit bien sûr se concevoir progressivement à l’échelle internationale pour permettre d’arriver à la "AIDS-Free Generation" à laquelle la communauté mondiale aspire tant ». C’est en ces termes que le Pr Philippe Morlat énonçait les objectifs du dépistage dans son rapport de 2013 et qui sont toujours d’actualité aujourd’hui.
En France, près de 150 000 personnes seraient atteintes par le VIH et 20 % d'entre elles ignoreraient leur séropositivité. Le nombre de nouvelles infections ne diminue pas : il est estimé à plus de 7 000 par an. À ce constat s'ajoutent des chiffres tout aussi préoccupants : 40 % des infections sont diagnostiquées tardivement et 20 % des personnes atteintes ignoreraient encore leur séropositivité.
Éradiquer l'épidémie
L'objectif du dépistage est d'identifier ces personnes infectées afin de leur proposer un traitement le plus précocement possible et de réduire le risque de transmission. Pour atteindre l'objectif d'éradication de l'épidémie, la Haute Autorité de santé (HAS) (1) revoit aujourd'hui sa stratégie de dépistage. Elle recommande de concentrer les efforts sur les populations les plus exposées au risque d'infection (les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes [risque d'infection 200 fois plus important*], les utilisateurs de drogue par injection [risque 20 fois plus important*], les personnes originaires de zones à forte prévalence, notamment d'Afrique subsaharienne [risque 70 fois plus important pour les femmes et 30 fois plus pour les hommes*] et des Caraïbes) et de continuer à inciter chaque personne à se faire dépister au moins une fois dans sa vie.
L'existence de tests aux caractéristiques différentes (test sanguin Elisa en laboratoire, test rapide d'orientation diagnostique [TROD], autotest de dépistage de l'infection à VIH) doit permettre à chacun de trouver la solution la mieux adaptée à sa situation personnelle et de faciliter pour les professionnels les occasions de proposer un dépistage.
L’évolution des connaissances amène depuis plusieurs années à penser la prévention de l’infection par le VIH comme l’association de méthodes de prévention comportementales, de stratégies de dépistage et du traitement antirétroviral lui-même.
La prophylaxie pré-exposition
Il faut promouvoir l'utilisation du préservatif et, selon les cas, le traitement post-exposition, le contrôle des infections sexuellement transmissibles (IST), l'utilisation de traitements dans un cadre préventif (la TasP – Treatment as Prevention – pour les personnes séropositives et la PrEP – prophylaxie pré-exposition – pour les personnes non infectées) et la prise en charge globale et rapide lorsqu'il y a une infection.
Une fiche de bon usage de la PrEP par Truvada (association fixe d'emtricitabine et de ténofovir disoproxil [sous forme de fumarate]) à destination des professionnels de santé qui seraient amenés à prescrire ce médicament à l'hôpital et dans les CeGIDD (Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic des infections par le virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles) ainsi qu'en médecine de ville (renouvellement trimestriel), a été publiée par la HAS.
L’association fixe d'emtricitabine et de ténofovir disoproxil dans la PrEP :
– réduit le risque d'infection du VIH, mais ne l'élimine pas (réduction du risque de 44 à 86 % selon les études) ;
– ne protège pas des autres infections sexuellement transmissibles (syphilis, gonococcie, chlamydiae…) ou par le sang (hépatite C) ;
– peut entraîner des effets indésirables graves (insuffisance rénale et fragilité osseuse) ;
– a une efficacité maximale uniquement si le schéma de prise (continue ou discontinue) est strictement respecté.
L'avenir des ARV...
Dans le cas du traitement contre le VIH, l’apparition quasi inexorable de résistances aux antirétroviraux (ARV) force le développement de nouveaux produits. Plusieurs sont en phase clinique de développement. De nouvelles formulations, libérant les patients de la contrainte de prise quotidienne de comprimés, sont à l’étude dont les molécules injectables à longue durée d’action. Les deux drogues actuellement en cours d’étude sont la rilpivirine, un inhibiteur non-nucléosidique de la transcriptase inverse, sous forme injectable, et l’inhibiteur d’intégrase cabotegravir. Enfin, l’injection d’anticorps neutralisants à large spectre est en cours d’étude.
Aux côtés de ces innovations thérapeutiques, les médicaments les plus anciens tombent les uns après les autres dans le domaine public et de nombreux génériques font leur apparition. Il faut informer les patients de l’ensemble des options thérapeutiques et/ou préventives qui s’offrent à eux. Il faut les accompagner pour qu’ils soient le plus observant possible, les suivre étroitement pour réévaluer l’efficacité, la tolérance des traitements, être attentifs aux interactions médicamenteuses. Mais comme le rappellent les différents rapports de l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales), la prise en charge doit dépasser les seuls aspects biomédicaux pour prendre en compte l’individu dans sa globalité.
* Par rapport à la population hétérosexuelle née en France métropolitaine.
(1) www.has-sante.fr
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature