De notre correspondant
« C ET énorme problème passe complètement inaperçu, déclare au « Quotidien » le Dr Herman Abromowitz, de l'AMA. Mais le fait est là : des millions de patients sont à risque pour la seule raison qu'ils ne savent pas lire l'étiquette d'un médicament, qu'ils n'ont pas compris de quoi ils souffrent exactement et a fortiori ce qu'ils doivent faire pour guérir. L'AMA a bel et bien l'intention d'ouvrir un débat national sur ce sujet, qui n'a jamais été discuté jusqu'à présent, car tous les praticiens doivent se souvenir qu'ils ont des responsabilités éthiques et déontologiques à l'égard de leurs malades. »
La crainte de la blouse blanche et du stéthoscope disparaîtront très vite, estime le Dr Abromowitz, « si les médecins prennent le temps de s'adresser au patient non pas dans leur jargon médical mais dans l'anglais le plus simple possible et s'ils lui expliquent de façon claire et précise le mal dont il souffre ».
L'analphabétisme n'est pas la seule cause de non-observance. Le nombre des immigrés augmente chaque année aux Etats-Unis et l'anglais n'est pas leur langue maternelle. Le nombre de personnes âgées s'accroît également. Elles ont des problèmes de vision, d'audition et, parfois, leurs aptitudes cognitives diminuent. Il y a aussi les handicapés ou les dyslexiques. Tous ces groupes forment une population désarmée devant la complexité d'une maladie, les difficultés de l'observance, le colloque singulier, surtout si le praticien ne prend pas le temps d'informer le malade jusqu'à ce qu'il se soit assuré qu'il a bien compris.
Selon le Dr Abromowitz, il est nécessaire « d'alphabétiser médicalement » les patients immigrés ou handicapés. Car, affirme-t-il, leur illettrisme particulier entraîne des conséquences sur leur santé elle-même et sur le coût des soins. Il n'est pas rare qu'un patient qui n'a pas compris comment il devait prendre ses médicaments arrive en très mauvais état aux urgences hospitalières. Il n'est pas rare qu'il meurt, pratiquement, de son ignorance.
Le Dr Mark Williams, de l'université Emory, souligne que l'effort du praticien en faveur de l'information du patient doit être soutenu et nécessite parfois son abnégation. « Dans de nombreux cas, le patient ne comprend rien, mais n'ose pas le dire. Non seulement le médecin traitant doit l'informer, mais il doit aussi le rassurer, en faisant comme si le patient "analphabète" est aussi intelligent qu'un autre et que toute description d'une maladie est un sujet scientifique, difficile à comprendre. Il ne suffit donc pas que le patient dise qu'il a compris. Il faut que son médecin en soit lui-même convaincu. »
Parfois, la mauvaise nouvelle, par exemple celle d'un cancer, met le patient, même le plus cultivé, dans un état second qui l'empêche de comprendre le reste des propos du praticien. Or, dans ces propos, il y a principalement le traitement et l'observance du traitement. « Nous n'avons pas le droit de considérer la passivité du patient comme son affaire, explique le Dr Williams . Nous ne pouvons pas l'abandonner à son sort. »
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