On doit voir dans la création de l'UMP (Union pour un mouvement populaire) la poursuite d'une stratégie de la droite qui a déjà porté ses fruits avec sa victoire aux législatives. La logique unitaire a été payante et le sera encore, face à une gauche désemparée dont les querelles se sont aggravées avec la défaite et qui ne peut même pas rêver, aujourd'hui, d'une intégration comparable à celle du parti majoritaire.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les généraux de la droite, et principalement Alain Juppé, ancien Premier ministre et maire de Bordeaux, songent non seulement à la conquête du pouvoir - qu'ils ont accomplie - mais aux moyens de le conserver aussi longtemps que possible.
La droite absorbe le centre
L'idée est partie des gaullistes, pour autant que le gaullisme soit encore une référence, ou plus exactement du RPR, ce qui n'est pas la même chose ; et en somme, ce à quoi nous venons d'assister n'est pas autre chose que l'absorption du centre par la droite, grâce au concours de nombreux ex-militants UDF, parmi lesquels Philippe Douste-Blazy et beaucoup d'autres. Seul François Bayrou, candidat malheureux, mais sérieux à la présidentielle, continue à résister. Laminés par le bulldozer de l'UMP, M. Bayrou et ses amis peuvent encore faire entendre une ritournelle différente, mais dans leur hostilité à l'union, on aura bien du mal, désormais, à distinguer ce qui vient de leurs idées les plus sincères et ce qui relève de leur ego ou, si l'on préfère, de leur besoin d'exister.
La simple observation des faits conduit à reconnaître que la stratégie unitaire est payante, qu'elle a permis à la droite de l'emporter aux législatives, sinon à la présidentielle, qui aura été le phénomène le plus atypique de la politique intérieure depuis au moins un quart de siècle, et qu'elle est toute désignée comme instrument de victoire contre la gauche aux prochaines consultations électorales.
Bien sûr, l'union ne suffit pas : si le gouvernement échoue dans ses projets de réforme, s'il déclenche une de ces révoltes sociales que la droite est forcée d'affronter de temps en temps, si l'économie ne suit pas, le plan politique le plus subtil et le plus efficace ne permettra pas à l'UMP de conserver le pouvoir. Néanmoins, la droite roule maintenant sur deux rails solides : le premier, c'est Jean-Pierre Raffarin, chargé d'apporter le changement dans tous les domaines. Le second, c'est Alain Juppé, chargé d'assurer la cohésion de l'UMP jusqu'aux prochaines élections.
Des ambitions satisfaites
Inutile de dire qu'au-delà de la stratégie électorale l'UMP satisfait aussi quelques fortes ambitions. Elle renforce le pouvoir de Jacques Chirac et sa main-mise sur le pays ; elle consacre Alain Juppé qui, après sa traversée du désert, devrait être candidat, dans quatre ans et demi, à la succession de M. Chirac. Pour le moment, tout va bien : M. Raffarin jure qu'il n'a d'autre ambition que de mettre de l'ordre dans le pays et de rejoindre ensuite son cher Poitou-Charentes ; et Nicolas Sarkozy qui, pourtant, a toujours voulu devenir Premier ministre, semble accepter la discipline imposée par M. Chirac, peut-être parce qu'il existe déjà une promesse présidentielle de partager l'exécutif, en 2007, entre M. Juppé et M. Sarkozy.
Les meilleurs plans sont comme les rêves ; ils ne résistent pas au réveil. Edouard Balladur avait été nommé Premier ministre en partie parce que M. Chirac ne voulait plus servir sous les ordres de Mitterrand, mais surtout parce qu'il s'était engagé, semble-t-il, à ne pas briguer la présidence en 1995. Estimant sans doute qu'il ferait un meilleur président que M. Chirac, M. Balladur, le moment venu, répudia sa promesse dont seul l'actuel président se souvient, alors que M. Balladur, tenu à l'écart depuis sept ans, affirme qu'il n'a jamais pris aucun engagement au sujet de la présidentielle de 1995.
Peu importe qui ment et qui dit la vérité. Tout ce qu'on voit clairement, c'est que si M. Raffarin réussit dans sa tâche actuelle - et, au fond, même s'il échoue -, il risque de se découvrir une stature de président et renier à son tour sa propre modestie. Cela, bien sûr, compliquerait le jeu inventé avec une minutie d'horloger par M. Juppé, qui sait déjà que M. Sarkozy est imprévisible et qui n'a pas besoin d'un troisième larron. Et comme rien ne fonctionne selon les plans mis au point cinq ans à l'avance, un ralentissement de croissance assez durable suffirait à donner des ailes à François Bayrou, ou à d'autres, qui démontreraient que leurs idées n'ayant pas été essayées, il serait temps de leur octroyer le pouvoir.
M. Juppé sait cependant que, si l'UMP échoue sur les plans économique et social, c'est la gauche qui reviendra au pouvoir. Il est donc directement associé à la réussite. Et comme il a été intronisé dans une fonction qui en fait le primum inter pares, il tentera d'apparaître aux yeux des Français comme un homme neuf, après une décennie de fonctions électives locales et d'action nationale presque secrète.
Les hésitations de la gauche
Toutes les bonnes raisons de considérer l'avènement de l'UMP (y compris la mauvaise humeur qu'il a soulevée chez les gaullistes authentiques comme Philippe Séguin, Jean-Louis Debré, Michèle-Alliot-Marie et beaucoup de militants qui n'ont pas pris part au vote créant le mouvement) avec beaucoup de réserves n'empêchent pas qu'elle soit une bonne chose pour la droite, pour M. Chirac et pour M. Juppé. Aussi la gauche ne saurait-elle négliger ce qui se trame à droite tandis qu'elle agonise sous ses querelles et ses divisions et que l'idée même de réunir toutes ses forces au sein du même parti donne la nausée aux communistes et aux Verts. La gauche unie ne peut pas, en tout cas pour le moment, remplacer la gauche plurielle. Lors des prochains scrutins, l'éparpillement des voix n'en est que plus certain. Le problème électoral prime donc les stratégies de parti : tandis que les communistes tentent de reprendre des voix à l'extrême gauche en rejoignant une partie de son programme et que les Verts, voués éternellement au débat interne comme d'autres au purgatoire, les socialistes doivent prendre une décision « historique » et choisir entre la social-démocratie et une nouvelle forme de radicalisme. A n'en pas douter, s'ils optaient pour la deuxième solution, comme ils semblent désireux de le faire, il leur serait plus aisé de rallier à eux les anciennes composantes de la gauche plurielle. Le tout est de savoir si c'est une bonne stratégie, si la France, dans quatre ans et demi, sera assez malheureuse pour se lancer dans une aventure à contre-courant de l'histoire ou si, au contraire, la radicalisation de la gauche ne lui assurerait pas une nouvelle défaite. En somme, l'évolution de la gauche dépend aussi de ce qu'aura fait entretemps M. Raffarin qui, pour quelque temps encore, occupe la quasi-totalité du pouvoir. D'ailleurs, si le Premier ministre est sincère, les problèmes posés à l'horizon 2007 doivent lui sembler dérisoires. Il n'a pas le temps de tirer des plans sur la comète. C'est un homme d'Etat à part entière, dont n'importe qui peut certes contester les orientations, mais qui a déjà montré qu'il avance lentement, mais sûrement. On devrait dire : sûrement, mais lentement, car à son immense désir de réforme répond une prudence qui n'est pas dictée uniquement par la crainte d'une crise politique mais aussi par la volonté, enracinée dans son terroir, de ne pas bousculer ses concitoyens dont il sait que beaucoup ne sont pas vraiment heureux.
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