C HEZ les sans-domicile-fixe (SDF) parisiens, le taux d'incidence de la tuberculose est quinze fois plus élevé que dans la population générale en France. Afin de faciliter le dépistage et le suivi des tuberculeux parmi la population SDF, le SAMU social de Paris s'est doté en 1999 d'une structure spécialisée dans la tuberculose et la grande exclusion, la Mission tuberculose, coordonnée par le Pr Jacques Grosset.
C'est grâce au soutien de la société pharmaceutique Aventis Pharma (voir encadré) que la mission du SAMU continue à fonctionner en 2001, « de manière plus ample et plus efficace ». « Les gens qui vivent dans la rue ont perdu le repère du temps. Ils vivent dans une sorte de présent perpétuel. Vous pouvez toujours leur donner un rendez-vous, c'est un échec », explique le Dr Xavier Emmanuelli, créateur du SAMU social de Paris en 1993. Chez ces personnes, on constate une « perte de la représentation du corps ». « La notion de santé n'existe plus, note le Dr Emmanuelli. Il est donc essentiel de mettre en place un dispositif de dépistage de la tuberculose, adapté aux sans-abri. Si l'on sait suivre les gens pendant six mois, on les guérit. »
Comme l'explique le Pr Grosset, les soignants se heurtent à une difficulté majeure : ne pas perdre de vue leurs patients.
La sortie de l'hôpital
La Mission tuberculose comporte à temps plein un médecin, une assistante sociale, un infirmier, un assistant et un chauffeur. L'équipe reçoit, du lundi au vendredi, tout cas suspect de tuberculose qui lui est référé par les médecins assurant des consultations au SAMU social de Paris. Elle pratique les examens radiologiques et bactériologiques nécessaires au diagnostic et cherche à établir une relation de confiance avec le malade, d'une part, les structures sanitaires impliquées, d'autre part. Si le diagnostic est confirmé, la mission doit coordonner la suite du traitement. Entre les premiers examens de dépistage et la confirmation du diagnostic, une semaine s'écoule, avec le risque de perdre la trace du malade. Le SAMU social tente de placer le patient dans un centre médico-social spécifique jusqu'à ce que le diagnostic soit établi. La deuxième phase critique se situe à la sortie de l'hôpital. Après deux semaines de traitement, le malade est non contagieux et déclaré sortant. Il doit néanmoins continuer à prendre son traitement pendant près de six mois. Le SAMU social dispose de centres d'hébergement où le traitement directement observé peut être assuré.
Pour les malades qui ne veulent ni être hébergés ni venir à la consultation du SAMU social, la Mission tuberculose organise « le portage du traitement à la rue », là où le SDF a son « territoire » (coin de rue, parc, porche d'église, etc.).
Traitements interrompus
En onze mois, de juin 1999 à mai 2000, 9 cas de tuberculose ont été détectés chez les 663 personnes ayant participé au dépistage systématique (dit encore actif), soit 1,4 %. Durant la même période, 28 autres cas ont été détectés par dépistage passif, soit un total de 37 cas de tuberculose active (tous confirmés). Au 15 mai 2000, 14 (38 %) d'entre eux étaient encore en traitement, 6 (16 %) avaient terminé leur traitement et étaient considérés comme guéris, 4 (11 %) avaient arrêté prématurément leur traitement, 12 (32 %) étaient perdus de vue et un (3 %) était décédé.
La proportion d'échecs du traitement, toutes causes confondues, est proche de 50 %. Actuellement, 16 malades sont en cours de traitement. Onze sont hébergés au SAMU social, quatre dans des structures extérieures, un malade est soigné à la rue. Le traitement n'a pu être assuré chez deux malades.
Saluant le travail accompli par le SAMU social, le président du Comité national contre les maladies respiratoires et la tuberculose, le Pr Pierre Duroux, a estimé que « les pouvoirs publics devraient trouver le relais ». « Il faut qu'ils trouvent un système de santé, médical et social adapté à ces situations. »
L'aide d'Aventis Pharma
Fortement engagée dans la lutte contre la tuberculose depuis de nombreuses années, Aventis Pharma contribue financièrement à la Mission tuberculose du SAMU de Paris, mais elle apporte aussi une expertise, en mettant à disposition un de ses médecins « chargé d'assurer l'interface avec la Mission tuberculose ». Aventis Pharma sera aussi partenaire du SAMU social de Paris dans la mise en uvre d'un programme d'information et de sensibilisation au dépistage et au traitement de la tuberculose chez les SDF. Elle participera, avec l'observatoire du SAMU social, à la réalisation d'une étude épidémiologique et thérapeutique sur la tuberculose dans cette population.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature