Cas clinique

Traitement percutané d’une bioprothèse dégénérée

Publié le 10/01/2017
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Madame C. 77 ans est hospitalisée au sein de notre service pour l’exploration d’une dyspnée au moindre effort.

Ses antécédents sont riches : cardiopathie valvulaire avec remplacement valvulaire mitral par bioprothèse Perimount il y a 8 ans, fibrillation atriale réduite par cardioversion, angioplastie de l’interventriculaire antérieure dans un contexte d’infarctus antérieur il y a 9 ans et insuffisance rénale chronique.

Ses facteurs de risques cardiovasculaires sont marqués par une dyslipidémie, une HTA, un diabète de type 2 insulinorequérant.

Elle mesure 1 m 66 pour 85 kg soit un IMC à 32.

L’ECG s’inscrit en rythme sinusal régulier, la repolarisation est normale.

L’auscultation met en évidence un roulement mitral diastolique 2/6, l’auscultation pulmonaire montre des râles crépitant bilatéraux des bases.

On note des œdèmes rétromalléolaires prenant le godet.

Nous programmons une échographie transthoracique (ETT) qui va mettre en évidence une fonction systolique préservée, une hypertension artérielle pulmonaire à 63 mmHg et un effet sténosant de sa bioprothèse mitrale avec gradient moyen à 11 mmHg (figure 1).

Afin d’explorer plus finement cette probable dégénérescence de bioprothèse, nous réalisons une échographie transœsophagienne (ETO) 3D. Celle-ci va permettre la réalisation fiable d’une planimétrie, qui permet d’estimer la surface anatomique mitrale à 1,4 cm2 (figure 4-A). De plus l’analyse des cusps prothétiques montre un épaississement fibreux calcifié de deux d’entre elles (figure 2 et figure 3).

Ces données sont confirmées par la réalisation d’un scanner valvulaire qui confirme la dégénérescence fibreuse des cusps prothétiques et la surface valvulaire (figure 4-B).

Il s’agit donc d’une dégénérescence sténosante de bioprothèse mitrale, symptomatique.

Le traitement de référence est ici théoriquement la chirurgie. Cependant cette patiente présente un haut risque opératoire, son STS (Society of Thoracic Surgeons) score étant calculé à 10 % et son Euroscore 2 à 20 %, associé à une fragilité importante lié à son âge.

Après évaluation collégiale par notre équipe médicochirurgicale (heart team), nous optons pour la réalisation d’un valve-in-valve, à savoir l’implantation d’un TAVI dans la bioprothèse dégénérée.

Les examens déjà réalisés (ETO 3D et scanner) vont nous permettre de réaliser un sizing précis de la prothèse en place, afin de déterminer son diamètre interne réel, et donc de calculer la taille de prothèse de TAVI nécessaire.

La procédure va se dérouler sous anesthésie générale, avec guidage par ETO. Après un abord fémoral veineux, une ponction transseptale est réalisée. Le contrôle par ETO permet de positionner précisément la zone de ponction, idéalement au niveau supérieur et postérieur du septum inter atrial. La bioprothèse mitrale est franchie à l’aide d’un cathéter et une prothèse Edwards Sapiens (3) est déployée sous pacing rapide (figure 5).

L’ETT de contrôle va montrer une diminution significative du gradient trans valvulaire mitral (5 mmHg), l’absence de fuite et d’obstruction sous aortique. La patiente quitte le service à J5 de la procédure.

Synthèse

Si le traitement de référence des dégénérescences de prothèses valvulaires mitrales est le remplacement valvulaire chirurgical (1), de nombreux patients ne peuvent pas en bénéficier, en raison d’un risque opératoire excessif lié à leurs comorbidités.

La méthode valve-in-valve, qui consiste à implanter une bioprothèse percutanée dans une bioprothèse chirurgicale, est assez répandue au niveau aortique, du fait des similitudes avec une procédure de TAVI classique, mais reste encore rare au niveau mitral. Dans ce dernier cas, la voie trans apicale (2) est la plus utilisée, la voie trans septale (3) étant une alternative intéressante comme le montre notre cas. Un des points cruciaux de cette procédure est la détermination précise du diamètre interne de la prothèse chirurgicale, afin de choisir le bon diamètre de la prothèse de TAVI. L’utilisation de méthodes modernes d’imagerie multimodale (ETO 3D, scanner cardiaque) permet de l’évaluer finement, les valeurs théoriques données par les constructeurs restant le plus souvent erronées. Par ailleurs, l’utilisation d’un guidage de la procédure par ETO permet de réaliser une ponction trans septale optimale qui facilitera ensuite l’orientation de la prothèse vers la valve mitrale.

Si la faisabilité et la sécurité de cette approche ont été démontrées, elle souffre encore du manque d’étude randomisée.

Le valve -in-valve mitrale constitue donc une technique séduisante, mais reste actuellement à réserver aux patients inopérables, dans des centres experts.

(1) Authors/Task Force Members et al. Guidelines on the management of valvular heart disease (version 2012): The Joint Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur. Heart J 2012;33, 2451–96
(2) Seiffert M et al. Transcatheter Mitral Valve-in-Valve Implantation in Patients With Degenerated Bioprostheses. JACC Cardiovasc. Interv. 2012;5:341–9
(3) Bouleti C et al. Transfemoral implantation of transcatheter heart valves after deterioration of mitral bioprosthesis or previous ring annuloplasty. JACC Cardiovasc. Interv 2015;8:83–91

Pr Michel Galinier  Dr Yoan Lavie-Badie

Source : lequotidiendumedecin.fr