L E problème, avec Bernard Tapie, c'est qu'il n'inspire pas de jugement définitif. On peut lui faire beaucoup de reproches, surtout au sujet des libertés qu'il a prises avec la loi, on ne peut pas ignorer son allant et sa faconde.
C'est en effet un homme qui, sans connaissances approfondies, sans bagage culturel, sans talent particulier, trouve en lui-même assez de ressources pour accomplir des métiers différents. Hommes d'affaires après avoir poussé la chansonnette, président glorieux d'une équipe de football, ministre, acteur de cinéma et de théâtre, polémiste, homme de télévision, il n'y a pas de profession, semble-t-il, qu'il ne puisse exercer et, s'il ne brille pas toujours au firmament de ces arts multiples et variés, disons qu'il ne se débrouille pas plus mal qu'un autre.
Certes, on l'a vu sauver des entreprises, mais on l'a vu aussi les liquider ; il a conduit l'OM au triomphe, mais il n'y est parvenu que par le chemin de la malhonnêteté ; poursuivi par la justice, il s'est servi d'un faux témoignage, en entraînant dans sa chute un maire socialiste. Bernard Tapie est ruiné et ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Il a fait de la prison et l'a méritée. Mais on se souvient de l'orateur, de l'homme politique engagé contre l'extrême droite, de cette confiance qu'il a en lui-même et qui, si elle l'a conduit aux pires erreurs, a assuré aussi son leadership. C'est un meneur d'hommes.
Si ces qualités n'étaient pas vérifiées, Robert Louis-Dreyfus ne l'aurait pas rappelé à la tête de l'Olympique de Marseille. Ce retour est accueilli par moins de sarcasmes et de rage qu'on aurait pu le croire. François d'Aubert a été le seul homme politique à avoir condamné sans appel le rebondissement inattendu de M. Tapie. Dans le monde du football, ceux qui le vitupéraient, y compris l'ancien président de la Ligue de football, Noël Le Graët, jugent sensé le choix de M. Louis-Dreyfus. Et forment des vux pour que Bernard Tapie ait compris la leçon.
On ne doit pas se faire une opinion sur des bases purement morales et considérer que, puisque M. Tapie a fauté, il doit rester au purgatoire. On peut soutenir la thèse selon laquelle un homme peut se régénérer après avoir commis un acte de délinquance et condamné pour cet acte.
La vraie question porte sur les qualités que l'on prête à M. Tapie, la part de sérieux et la part de manipulation, ce qui relève chez lui de la compétence et ce qui relève de la seule séduction.
Au fond, personne n'a bronché quand Claude Lellouch lui a fait tourner un film ou quand il a joué une pièce de théâtre. Ce qui est étrange, c'est qu'il revienne sur le terrain d'où il avait été chassé. Car si M. Tapie a fait de l'OM la première équipe de foot de France, c'est aussi parce qu'il achetait ses victoires. Il n'a sombré dans la déchéance que lorsqu'il a été pris la main dans le sac, quand il a corrompu un joueur de l'équipe de Valenciennes, quand il a menti à propos des témoignages qui le mettaient en cause, quand il a accepté que Jacques Mellick fasse un faux témoignage en sa faveur. Ce sont des conduites qui montreraient plutôt la faiblesse du personnage, contraint, pour parvenir à ses fins, de bafouer la loi. Dans ce cas, où est le meneur d'hommes ? Et comment ne penserait-on pas que l'OM ne serait pas parvenue au faîte de la gloire sportive sans cette série de stratagèmes ?
Privé de ces moyens inacceptables, M. Tapie risque ne pas ramener l'OM au point où il l'a laissée. On ne peut pas, en effet, lui faire un procès d'intention. On ne peut pas dire qu'il récidivera à coup sûr. Mais dès lors qu'il n'a brillé que grâce à son absence de scrupules, comment s'imposera-t-il s'il respecte la loi ? Sur la base de ce raisonnement, M. Louis-Dreyfus aurait dû logiquement faire un autre choix.
Quant à M. Tapie, il sait que, s'il a été appelé, c'est en désespoir de cause. Il revient sur le devant de la scène parce qu'on ne connaît personne qui puisse remonter l'OM à son niveau d'autrefois, un peu comme ces vieux baroudeurs dont on ne se souvient que parce qu'on a épuisé tous les autres et auxquels on confie une mission de toute façon suicidaire. Laissons-le se débrouiller avec la suite des événements. S'il se brûle les ailes, c'est son affaire. S'il réussit en respectant les règles, tant mieux pour lui.
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