« D EPUIS un siècle dans les pays développés, l'un des éléments les plus marquants de l'exposition précoce des enfants à des facteurs induisant une immunisation tient au changements de nature de la colonisation du tube digestif des tout-petits. Jusqu'au XIXe siècle en effet, comme c'est encore le cas actuellement dans les pays du tiers-monde, les premières bactéries colonisant le tube digestif des nouveau-nés étaient des bifidobactéries et des lactobacilles. Actuellement, dans les pays développés, on retrouve des germes hospitaliers non pathogènes dans les selles des nouveau-nés dès les premières semaines de vie », explique le Dr Simon Murch (Londres) dans un éditorial.
Partant du fait qu'il existe actuellement une recrudescence des phénomènes allergiques infantiles dans les pays les plus riches et que la microflore intestinale intervenaient dans l'acquisition des mécanismes de défense anti-allergiques, une équipe finlandaise a proposé une étude, en double aveugle contre placebo, afin de préciser l'effet d'une supplémentation en Lactobacillus GG, un probiotique utilisable dès le plus jeune âge, chez des enfants à risque familial d'atopie et d'allergies alimentaires (parent ou proche atteint d'atopie, de rhinite allergique ou d'asthme). L'équipe du Dr Marko Kalliomaki (Turku, Finlande) a sélectionné au sein d'une maternité 159 femmes dans les deux à quatre semaines précédant l'accouchement. Elles ont été randomisées pour recevoir soit des gélules de Lactobacillus GG (2 gélules contenant chacune 10 puissance 10 colonies de bacilles), soit un placebo, sous la même forme galénique.
Après l'accouchement, les mères, qui en majorité ont allaité (en moyenne sept mois), ont administré à leur enfant quotidiennement pendant six mois le contenu d'une gélule (des bacilles ou le placebo).
Un suivi de deux ans
Les chercheurs finlandais ont suivi la cohorte d'enfants pendant deux ans. Globalement, un eczéma atopique a été diagnostiqué chez 46 des 132 enfants, un asthme chez 6 d'entre eux alors qu'un seul enfant a été atteint de rhinite allergique. « L'incidence de l'eczéma atopique a été de 23 % chez les enfants sous probiotiques contre 46 % chez ceux sous placebo », explique le Dr Kalliomaki. En revanche, la concentration sérique totale et spécifique d'IgE s'est révélée similaire dans les deux groupes, ainsi que les résultats aux tests cutanés (prick test). Le nombre d'enfants présentant un taux sérique élevé d'IgE a lui aussi été similaire dans les deux populations (18 contre 24 %).
Pour les auteurs, « ces résultats suggèrent que la flore microbienne intestinale est dotée de propriétés immunomodulatrices endogènes spécifiques et encore mal connues, qui pourraient être utilisées dans la lutte contre l'augmentation de l'incidence des phénomènes allergiques des populations des pays développés ».
Dans son éditorial, le Dr Murch rappelle que les probiotiques doivent être utilisés avec précautions chez les sujets souffrant d'immunodéficience en raison de l'induction possible d'affections graves telles que des septicémies ou des abcès du foie. Par ailleurs, il souligne que l'absence de variation des taux d'IgE et des résultats des prick tests, selon le traitement, tend à prouver que les probiotiques agiraient par des mécanismes IgE indépendants qu'il convient de mieux comprendre afin de déterminer avec précision les modalités optimales de supplémentation en probiotiques.
« The Lancet », vol. 357, pp. 1076-1078 et 1057-1059, 7 avril 2001.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature