Liens d'intérêt

Sous réserve d'impartialité, de rigueur scientifique et de transparence

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Publié le 04/04/2017

Mentionnés dans la loi Française depuis le XVIIe siècle, relevés par Colbert, évoqués par La Rochefoucauld, les liens d’intérêts n’ont fait que croître en raison de l’enchevêtrement du monde politique et économique avec les décideurs et les investigateurs.        

Aucunement un délit, le lien d’intérêt évolue vers le conflit d’intérêt dès lors que le bénéfice privé l’emporte sur le bien commun ce qui pourrait conduire un médecin à éloigner son message de la rigueur scientifique pour lui permettre de bénéficier d’avantages directs ou indirects. Le terme anglais de Disclosure est moins parlant que sa traduction d’origine latine « d’intérêt » qui ne se réfère plus à l’intérêt scientifique mais se rapproche davantage de l’intéressement financier (champ lexical commun) ; le lien traduit la dépendance de l’orateur comme s’il était captif de l’industrie. Quant au mot « conflit », il préfigure la porte d’entrée du prétoire.

Sur le plan médical en particulier, la volonté de transparence est très acuminée par le risque de déviation des objectifs de la santé publique vers des intérêts privés au détriment de la morale et de l’éthique. Ce lien d’intérêt découlant de la notoriété et de la compétence de l’expert est difficilement évitable car seules des personnes au faîte des domaines dans lesquels elles exercent sont à même de documenter les études, d’en présenter les résultats et de renseigner les autorités de santé.

Depuis la loi de septembre 2011 la déclaration des liens d’intérêts, sous forme d’une diapositive réglementaire résumant tous les partenariats conclus au cours des cinq dernières années et l’année en cours avec l’industrie, présentée avant chaque intervention d’un orateur, est un appel à la vigilance des auditeurs sur un éventuel défaut d’impartialité de l’intervenant.

Cette diapositive d’introduction ne manque pas de surprendre par la liste parfois très dense des partenariats mentionnés pouvant conférer à l’orateur un gage de respectabilité d’autant que l’aspect concurrentiel lui attribue une certaine neutralité.

Ces liens d’intérêts ont été portés de manière très médiatique à l’occasion de l’affaire du Mediator impliquant en fait des responsabilités politiques et économiques autant que médicales et révélant la double appartenance des comités scientifiques et des plus grandes autorités morales et médicales censées garantir la santé publique.

Le lien, une nécessité

Pour développer des molécules nouvelles l’industrie pharmaceutique doit établir des protocoles de recherche en faisant appel aux scientifiques médicaux qui définissent la pertinence de l’utilisation de cette molécule pour les patients et s’assurent de l’existence d’un service médical significatif. Cette démarche impose une rémunération et un financement en regard du temps qu’elle requiert.

Parallèlement, il est indispensable que les experts participent aux études car il ne saurait y avoir d’études en interne dans les laboratoires sinon au stade préliminaire au risque de se couper de la réalité.

Une fois les études abouties, il convient de présenter la molécule et les études s’y rattachant à l’ensemble du corps médical appelé à la prescrire et à remonter parallèlement les effets secondaires dans les fiches de pharmacovigilance.

La rencontre du scientifique et du prescripteur est également indispensable pour éclairer la démarche thérapeutique, le positionnement de la molécule, le service médical rendu et les conditions de sa prescription.

Ainsi le lien d’intérêt apparaît comme une nécessité car il ne saurait y avoir de création de médicament indépendante sans réflexion ni onction scientifique.

Le Conseil d’État est intervenu en annulant des recommandations thérapeutiques notamment dans le domaine du diabète jugeant le positionnement des signataires comme non conforme à l’éthique ou parallèlement dans la destitution des membres de la HAS dans un passé proche.

La transparence médicale est la condition jugée indispensable pour préserver la confiance telle que la définit le législateur dans sa loi du 29 décembre 2011 afin de garantir l’impartialité. Cette loi relative au renforcement de la sécurité et du médicament et des produits de santé garantit l’indépendance et l’impartialité des décisions. Elle est complétée par le décret du 9 mars 2012 qui comporte les dispositions visant à une transparence renforcée concernant les liens d’intérêt et posant le principe général selon lequel l’expertise sanitaire doit répondre au principe d’impartialité de transparence, de pluralité et de contradictoire.

Impartialité et rigueur scientifique sont la volonté de transparence découlant de la publication des liens d’intérêts afin d’éviter de glisser vers le conflit d’intérêt.

Collège national des cardiologues français

Dr Jacques Gauthier

Source : lequotidiendumedecin.fr