T OUT médecin qui a saisi le procureur de la République de sévices subis par un enfant (constatations médicales et/ou psychiques et diagnostics) et qui, dans le même temps, fait l'objet d'une plainte devant l'Ordre déposée par le parent présumé maltraitant de la petite victime ne pourra être éventuellement sanctionné par ses pairs qu'après que la justice se sera prononcée.
Il s'agit là d'une disposition introduite dans le projet de loi de modernisation sociale, adoptée par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 12 janvier (voir page 4), qui devrait satisfaire en partie les médecins. Il aura fallu de multiples démarches, notamment des Drs Catherine Bonnet, pédopsychiatre, Pierre Sabourin, psychiatre, et Christian Spitz, pédiatre, tous trois systématiquement inquiétés par les instances ordinales dans leurs démarches d'assistance à enfants en danger, pour que le message soit relayé par un amendement communiste de Muguette Jacquaint et adopté en commission des Affaires sociales avant les fêtes de fin d'année.
« Le médecin ne peut donner des soins aux enfants (maltraités) sans alerter les autorités judiciaires afin qu'ils ne soient pas exposés à nouveau aux traumatismes, en particulier psychiques. En quoi des soins seraient utiles si le patient reste en contact avec celui ou celle qui a provoqué sa maladie ? », écrivaient les trois praticiens à Jacques Chirac et Lionel Jospin (« le Quotidien » du 20 novembre 2000).
Dans le code de la santé
L'amendement Jacquaint complète donc l'article L 41-24-6 du code de la santé publique comme suit : « En l'attente de la décision définitive prononcée par la juridiction pénale, les sanctions prévues ne peuvent être prononcées lorsque les procédures disciplinaires ont été engagées du fait du signalement par un médecin de cas de sévices ou privations qu'il a constatés sur le plan physique ou psychique dans l'examen de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques ou sexuelles de toute nature ont été commises ».
Le Dr Catherine Bonnet, qui aurait préféré que soit institué « un devoir de signalement », sachant que toute alerte d'un médecin à la justice ou à la DDASS ne saurait être prise pour un « acte d'accusation », considère qu'un pas a été fait dans la bonne direction. « Maintenant, souligne-t-elle, il faut savoir que nombre de signalements au procureur se soldent par un non-lieu ».
De leur côté, les travailleurs sociaux se voient, eux aussi, protégés, dans le cadre du même texte de loi, lorsqu'ils dénoncent des violences en institutions.
Un enfant sur dix est victime de « pédosexualité ». Si ces actes, qui se produisent dans la proportion de plus de 80 % au sein de la famille, sont réprimés par le code pénal, les médecins, confidents des familles, sont très souvent sans protection quand ils saisissent la justice. Au total, sur 22 000 signalements de cas de maltraitances en tout genre, 3 % proviennent du corps médical.
Compte tenu de la fermeture du Parlement, pour cause d'élections municipales, entre le 8 février et le 25 mars, la future loi de modernisation sociale ne devrait pas être promulguée au « Journal officiel » avant la mi-mai.
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