C’est l’augmentation, pourtant discrète de la consommation de pentamidine dans un hôpital de Los Angeles, qui fit remonter à la source et découvrir un nombre inhabituel de cas de Pneumocystoses carinii.
Le 4 juin 1981, les auteurs qui publiait cette information dans le MMWR, bulletin épidémiologique des CDC d’Atlanta, ignoraient alors que leur article allait entrer dans l’histoire. Pour le Pr Philippe Morlat, auteur du dernier rapport sur la prise en charge des patients vivant avec le VIH en 2013, « les choses sont quand même allées très vite, même si elles peuvent paraître longues quand on les regarde à titre individuel ». Entre 1981 et 1986, on a trouvé le rétrovirus, un test diagnostique et le premier traitement qu’était l’AZT.
« Il y a au final peu de maladies pour lesquelles les choses se passent aussi rapidement. » Mais pour cet interniste bordelais, c’est la trithérapie qui, en 1996, a transformé le pronostic de cette affection en la faisant passer d’une maladie mortelle à une maladie chronique. En regardant dans le rétroviseur, dire que le Sida aura fait avancer la médecine et la société comme aucune autre maladie l’a fait peut sembler une banalité.
Essais rigoureux
Mais cette épidémie est à l’origine de la création de l’InVS, de la première agence thématique – l’ANRS –, de l’Agence de médicament à la suite de l’affaire du sang contaminé. La recherche clinique y a acquis ses lettres de noblesse. « Je fais partie d’une génération où les publications étaient des descriptions de séries de 4 patients, des protocoles mal ficelés, les comités d’éthique étaient balbutiants. Le Sida nous fait adopter une rigueur dans les essais qui sont aujourd’hui devenus des standards méthodologiques », explique le Pr Morlat.
La biologie a réussi à développer rapidement les techniques de biologie moléculaire, de PCR, d’amplification génique, de tests génotypiques de résistances, etc. Mais, surtout, le Sida a impulsé une très forte évolution sociétale avec la prise en compte de l’opinion des patients qui demandaient à être consultés et devenir acteurs de leur pathologie. « Le premier rapport sur le Sida, dont j’assure l’actualisation, était celui de Jean Dormont. Pour la première fois, des patients participaient à la rédaction de recos médicales ». La loi relative aux droits des malades de 2002, la fameuse loi Kouchner, a bâti ses fondations sur les demandes des malades du Sida.
Les dates clés
› 1981. 5 premiers cas reconnus aux États-Unis souffrant de pneumocystoses.
› 1983. Origine infectieuse attestée, découverte du VIH par l’équipe de Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi confirmée ensuite par Gallo aux États-Unis.
› 1985. Premiers tests diagnostiques.
› 1985. Affaire du sang contaminé.
› 1986. Découverte de l’AZT.
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