Avec 215 victimes au moins le Dr Harold Shipman, 56 ans, est l'un des pires tueurs en série de l'histoire. « Il est possible qu'il ait été drogué au crime », a commenté Janet Smith, la magistrate chargée de l'enquête ouverte pour tenter d'établir l'ampleur des crimes du médecin, condamné en janvier 2000 à la prison à vie pour le meurtre de 15 de ses patientes.
Shipman aurait tué 215 personnes entre 1975 et 1998 et de « réels soupçons » pèsent sur 45 autres décès de patients. Les assassinats avaient le plus souvent lieu au domicile des malades, des femmes d'un certain âge qui vivaient seules, à qui il injectait une surdose de morphine ou d'héroïne, expliquant ensuite à la famille que le décès était dû à une crise cardiaque.
C'est dans la petite ville d'Hydre, près de Manchester, où il s'est installé en 1977, que Shipman a tué 214 de ses victimes confirmées. Et les meurtres se sont multipliés quant, après une brouille avec les confrères avec lesquels il partageait un cabinet médical, il s'est installé seul en 1992. Une routine meurtrière interrompue par son arrestation après qu'il ait très grossièrement falsifié le testament d'une de ses patientes. C'est la seule fois où l'appât du gain semble l'avoir motivé, à moins qu'il ne se soit agi d'une forme détournée d'autodénonciation.
Car on ignore le mobile de ses crimes, qu'il a toujours niés. La seule piste avancée est le vertige du pouvoir de donner la mort, associé à une possible accoutumance à la drogue : son début de carrière avait été brisée au milieu des années 1970 par une condamnation pour s'être prescrit lui-même des doses importantes de péthédine. Reste à savoir comment Shipman a pu sévir si longtemps sans être inquiété et comment autant de décès soudains ont pu passer inaperçus. D'autant que la plupart des victimes ont été incinérées et que la crémation requiert la signature de trois médecins : celui qui signe l'acte de décès, un autre qui contresigne l'acte de crémation et un troisième, employé par le crématorium. En outre, Shipman a pu se procurer des quantités astronomiques de drogues sans être repéré ; en 1996, il a obtenu, au nom d'un patient mourant, assez de diamorphine pour tuer 360 personnes ! C'est « un échec désastreux du système », a reconnu le Dr John Chisholm, président du comité des généralistes de l'Association des médecins britanniques (BMA). Depuis, de nouvelles procédures de contrôle ont été introduites mais elles sont encore insuffisantes. Et le Premier ministre, Tony Blair, en a été réduit à commenter : « L'horreur des crimes de Shipman ne doit pas éroder la confiance entre les médecins et leurs patients. »
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