L' IDEE n'est pas nouvelle : elle a été appliquée il y a plus de trente ans par les Etats-Unis, et rejetée en diverses circonstances par la Cour suprême fédérale : c'est la « discrimination positive » en vertu de laquelle on accorde à des écoliers, des lycéens ou des étudiants pauvres l'accès à des écoles de haut niveau où les autres ne peuvent entrer qu'après avoir fait la preuve de leurs connaissances.
Sous la houlette d'un directeur aux idées larges, l'Ecole de sciences politiques de Paris a décidé d'ouvrir ses portes, sans concours, à des étudiants de ZEP (zones d'éducation prioritaire). Le projet a été voté et plus d'une vingtaine de jeunes gens des quartiers défavorisés seront admis à Sciences po dès la prochaine année universitaire.
Le premier réflexe, en pareil cas, est de brandir avec colère l'étendard de l'égalité : sous le prétexte de donner toutes les chances à des jeunes qui n'en ont aucune, on crée une discrimination délibérée à l'égard de ceux qui sont contraints de passer le concours et y échouent massivement. Le concours de Sciences po n'est pas facile et de toute façon, des étudiants remarquables sont collés non pas par manque de connaissances, mais tout simplement parce qu'il n'y a pas assez de places.
Le principe du concours lui-même plonge ses racines dans le plus odieux des élitismes. Mais, si on le supprimait, l'école disparaîtrait. Elle ne pourrait pas accueillir tous les candidats et le diplôme de fin d'études serait tellement dévalué que personne ne serait candidat. Donc, on est obligé de maintenir le concours.
Mais le supprimer pour un petit nombre n'est pas plus astucieux : ou bien les étudiants des ZEP n'ont pas le niveau et ne finiront pas leurs études ; ou bien ils l'ont par miracle et ils auraient pu réussir au concours ; on bien on va jusqu'au bout de la logique et on accorde le diplôme à des étudiants qui ne le méritent pas et feront une carrière médiocre qui jettera la suspicion sur une école jusqu'à présent prestigieuse.
Si on veut que des étudiants défavorisés fassent Sciences po, il faut les former et les faire réussir au concours. Bien entendu, c'est la voie la plus difficile. On a préféré un geste spectaculaire, mais en contradiction complète avec ce qui fait l'essence même de l'école. Cette absence de logique aura un prix.
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